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IRRUPTION, subst. fém.
A. − [S'applique à des êtres animés]
1. Entrée soudaine et violente d'éléments hostiles dans une ville, un pays, sur un territoire. La civilisation s'affaisse et disparaît momentanément sous d'effrayantes irruptions de barbares, venant les unes du dehors, les autres du dedans (Hugo, Rhin,1842, p. 483):
1. Pour la Grèce, l'introduction de l'influence macédonienne; pour Rome, l'aggrégation successive des peuples conquis; enfin, pour tout l'empire romain, l'irruption des hordes du nord, furent des événements de ce genre. Constant, Esprit conquête,1813, p. 200.
2. Entrée en masse dans un lieu d'un nombre important de personnes ou d'animaux. Dans la maison, autrefois si joyeuse, ce fut l'irruption des gens du village (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 274).Les gens du premier service et qui sont à table n'aiment pas cette irruption des gens du second service (Barrès, Cahiers, t. 14, 1923, p. 209):
2. Nous avons failli n'avoir point de déjeuner; une irruption de rats qui avaient débouché de plusieurs points dans la cuisine durant la nuit, avait tout enlevé. Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 839.
Faire irruption dans. Faire une entrée brusque d'une personne dans un lieu. La porte s'ouvrit, et Melchior fit irruption (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 44):
3. Nous étions à table, un matin, causant et déjeunant en famille, quand un homme fit irruption dans la salle à manger avec un éclat et un bruit extraordinaires... Reybaud, J. Paturot,1842, p. 249.
Au fig. Faire une entrée subite d'une personne dans un moment de la vie d'une autre personne. Deux jeunes femmes ne font pas ainsi irruption dans la vie d'un jeune homme sans la troubler (Gautier, Fracasse,1863, p. 35).
B. − [S'applique à des choses]
1. [concr.] Envahissement, débordement, pénétration brutale de forces naturelles (eau, air p. ex.). Il peut servir à empêcher l'irruption trop violente de l'air dans l'oreille lorsque l'animal vole (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 519):
4. À cette époque, il présenta à l'impératrice Marie-Louise et à toute sa cour le spectacle magnifique et sublime de l'irruption soudaine de l'océan, qui en prit possession par la simple rupture spontanée de l'immense batardeau qui en avait jusque-là contenu les efforts. Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 255.
2. [abstr.] Au fig. Apparition brutale d'idées, de sentiments, chez une personne; pénétration inattendue d'un art, d'une discipline, d'une activité à l'intérieur d'une autre activité, d'une autre discipline. Ce mouvement est bien distinct d'un autre mouvement proprement spirituel introduit dans l'humanité depuis que les religions universalistes y ont fait leur irruption conquérante (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 95):
5. Et stupéfaits, ils se turent, non que les mots les eussent effrayés, mais parce que, tout à coup, ils osaient s'examiner sans détour. Engin! plus de mystère! Une irruption de vérité, les masques qui s'abattent, l'abîme qui paraît... Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 310.
Rem. On trouve dans des textes d'aut. du début du xixes. une confusion entre irruption qui désigne une entrée brusque et violente et éruption qui, elle, désigne une sortie tout aussi brusque et violente. Trois ministres se succédèrent rapidement, après cette première irruption du volcan américain (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 211). Et un torrent d'imprécations se déroula comme un ruisseau de laves brûlantes par une irruption du Vésuve (Balzac, Elixir, 1830, p. 394).
Prononc. et Orth. : [iʀ(ʀ)ypsjɔ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1495 [éd. 1531] « invasion soudaine et imprévue des ennemis dans un pays » (Jeh. de Vignay, Mir. hist., XXVII, 61 ds Delb. Notes mss : Ilz convoitent faire tout par tout irruption); p. ext. 1823 une irruption de rats (Las Cases, loc. cit.); b) 1701 « invasion d'idées, de sentiments » (Fur.); c) 1789 « entrée en force dans un lieu (en parlant de la foule) » (Moniteur, II, 523 ds IGLF) d'où 1833 « entrée brusque et inattendue » (Balzac, Méd. camp., p. 63 : il fit une soudaine irruption dans la salle à manger); 2. 1749 « envahissement des eaux qui débordent sur les terres avec violence » (Buff., Hist. nat. Preuves théor. terr., Œuvr., t. II, p. 419 ds Littré); 1805 plus gén. « entrée brutale d'une chose dans un endroit » (Cuvier, loc. cit.); 3. 1797 « éruption d'un volcan » (Chateaubr., loc. cit.). Empr. au lat.irruptio « invasion », en partic. irruptio aquarum « irruption des eaux »; irruptio est formé sur le supin irruptum de irrumpere « se précipiter dans, envahir »; le sens 3 est dû à une confusion accidentelle avec éruption*. Fréq. abs. littér. : 343. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 308, b) 420; xxes. : a) 388, b) 735. Bbg. Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 45.