| IRRIGUER, verbe trans. A. − AGRICULTURE 1. [Le compl. désigne un sol, une région] Amener l'eau nécessaire à la mise en valeur, à la fertilisation. Irriguer un champ, un désert, une prairie; irriguer une contrée, une région, une vallée. D'autres Océaniens construisent des terrasses sur les flancs de leurs collines et les irriguent au moyen de digues et de canaux (Lowie, Anthropol. cult.,1936, trad. par G. Métraux, p. 45).La Grande-Bretagne (...) a achevé de vastes aménagements pour irriguer de nouvelles surfaces dans le Soudan égyptien (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 159). − Emploi pronom. passif, rare. Prendre l'eau nécessaire à sa mise en valeur. Le soleil couchant faisait roses les petits canaux stagnants où s'irriguent les pauvres cultures des sédentaires noirs (Benoit, Atlant.,1919, p. 19). − P. métaph. : 1. Chaque artiste garde ainsi, au fond de lui, une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu'il est et ce qu'il dit. Quand la source est tarie, on voit peu à peu l'œuvre se racornir, se fendiller. Ce sont les terres ingrates de l'art que le courant invisible n'irrigue plus.
Camus, Env. et endr.,1937, p. 13. 2. [Le compl. désigne une plante] Rare. Amener l'eau nécessaire à la croissance, au développement. L'eau qui descendait du canal irriguait les arbres fruitiers disposés dans des creux ou sur de petites terrasses (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 308). B. − P. anal. 1. MÉDECINE a) [Le compl. désigne une plaie, une cavité naturelle] Faire couler, introduire un liquide à des fins thérapeutiques. On peut drainer la fistule et l'irriguer avec des solutions légèrement caustiques, au sulfate de cuivre ou à l'alun (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 33). b) [Le compl. désigne un organe]
α) [Le suj. désigne l'appareil circulatoire] Amener le sang nécessaire au fonctionnement, à la vie. Irriguer un muscle, une muqueuse, un tissu. La coronaire antérieure irrigue avant tout les parois du cœur gauche (G. Gérard, Anat. hum.,1912, p. 246).Les vaisseaux qui irriguent le foie (QuilletMéd.1965, p. 127).
β) [Le suj. désigne le sang circulant] Amener les principes nutritifs véhiculés. J'étais heureux de cette marche, un peu engourdi, le corps calmé, irrigué par un sang doux comme la pluie qui tombait (Camus, Chute,1956, p. 1509). − [P. méton.] : 2. ... car si l'autre pensait plus facilement dans l'inertie corporelle, lui, Dubourg, réclamait le mouvement, qui irriguait son cerveau.
Arnoux, Roi,1956, p. 142. 2. GÉOGR., ÉCON. Provoquer une arrivée massive de personnes (main-d'œuvre, visiteurs) dans une région (d'apr. Thinès-Lemp. 1975). Les routes d'intérêt purement touristique, qui conduisent à des monuments isolés ou traversent les sites célèbres (...) retiennent le touriste et irriguent les zones encore peu visitées (Jocard, Tour. et action État,1966, p. 201). REM. Irrigué, -ée, part. passé adj.Qui bénéficie de l'irrigation. Culture, jardin, plaine, rizière, terrasse irrigué(e). La multitude de hameaux ou villages qui se pressent dans les vallées irriguées (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 192).Des terres irriguées de l'Arizona sont consacrées à la culture du blé (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 133).Dès 1853, un Français, du Bordelais, Michel-Aimé Pouget, (...) créa ce magnifique vignoble irrigué qui a fait de l'Argentine le premier producteur de l'hémisphère sud (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1966, p. 315). Prononc. et Orth. : [iʀ(ʀ)ige], (il) irrigue [iʀ(ʀ)ig]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1505 (Didier Christol, Platine en francoys, 672oa d'apr. Arveiller ds Mél. Séguy (J.), p. 59 : terre grasse femee et irriguee), attesté également avec la graphie erger dans le parler vaudois en 1527 d'apr. FEW t. 4, p. 816a; à nouv. au début du xixes. (1835, Maison rustique 19et. 1, p. 244). Empr. au lat.irrigare « amener l'eau dans; inonder, arroser ». Fréq. abs. littér. : 41. DÉR. Irrigable, adj.Qui peut être irrigué. Terres irrigables (Wolkowitsch, Élev.,1966, p. 119).− [iʀ(ʀ)igabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1878. − 1reattest. 1839 (M.-P. Genty de Bussy, De l'établissement des Français dans la régence d'Alger, Paris, p. 358); de irriguer, suff. -able*. |