| INVERSION, subst. fém. A. − Action d'invertir, de mettre dans un sens opposé, contraire; le résultat de cette action. Synon. permutation, renversement, retournement.Inversion de la fugue, de la situation, de perspective; inversion des images, des structures. Le cas échéant, et par une inversion de rôle plutôt que de principes, Port-Royal eût naturellement défendu la suprématie de Rome (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 488).De tous les coups du sort, j'ai su faire une fable. Le moins devient le plus : consolante inversion (Queneau, Si tu t'imagines,1952, p. 29): Il y a [pour Bergson] une sorte d'inversion de la comparaison classique : au lieu que la conscience soit une lumière qui va du sujet à la chose, c'est une luminosité qui va de la chose au sujet.
Sartre, Imagination,1936, p. 44. ♦ Inversion (de sens). Par une inversion fâcheuse on nomma moines les religieux qui vécurent en commun, et cénobites ceux qui vivaient isolés. Ces mots signifient tout le contraire, comme on le voit par leurs racines (Lenoir, Archit. monast.,1852, p. 5). ♦ (Phénomène d')inversion. Notre temps cependant, par une inversion caractéristique (...), n'est plus celui où le conscient guide l'inconscient (Hades, Pluton ou les grands mystères, Paris, Bussière, 1971, p. 30). B. − Spécialement 1. CHIM. ,,Transformation par hydrolyse, sous l'action d'un catalyseur, du saccharose dextrogyre en un mélange lévogyre de glucose et de lévulose`` (Duval 1959). [Pour l'analyse des sucres intervertis] on procède à une inversion du saccharose (Boullanger, Malt., brass.,1934, p. 613). 2. ÉLECTR. Inversion de courant et de phase. Changement de sens d'un courant électrique. On a délaissé les systèmes compliqués d'inversion de courant (Haton de La Goupillière, Exploitation mines,1905, p. 975). 3. GRAMM. ,,Renversement d'un ordre considéré comme normal ou habituel, soit pour des mots isolés : une main blanche et une blanche main, soit pour des groupes : de la chute des rois funeste avant-coureur`` (Mar. Lex. 1933, p. 106). Inversion exclamative, interrogative; inversion du sujet; inversions figées; langues dites à inversions; employer des inversions. C'est Bossuet qui a dit, à propos de l'inversion, que le génie de la langue latine était précisement le génie de la langue française (Goncourt, Journal,1858, p. 458). 4. MATH. Transformation géométrique qui permet de déduire d'une figure une autre figure point par point. Le problème d'inversion des intégrales abéliennes (Bourbaki, Hist. math.,1960, p. 82). 5. MÉCAN. Changement du sens de marche d'une machine. Manette d'inversion du sens de marche (Bailleul, Matér. roulant ch. de fer,1951, p. 79). 6. MÉD. Inversion (d'organes). Anomalie selon laquelle un organe est situé du côté opposé à celui où il devrait se trouver. Inversion du cœur (Lar. Méd.t. 21972). 7. MÉTÉOR. Inversion de température; inversion thermique. Phénomène particulier qui fait que, en montagne, l'air froid plus lourd tombe dans les vallées, tandis que l'air chaud plus léger s'élève et provoque une augmentation de la température en altitude (d'apr. Delc. t. 5 1928). − Absol. Inversion au sol. Ces couches d'inversion qu'on observe essentiellement dans les quatre premiers kilomètres (...) constituent un phénomène nocturne caractéristique de ces très basses couches, le refroidissement du sol y étant plus rapide que celui de l'air (J.-P. Triplet, G. Roche, Météor. gén., Éc. nat. de la météor., 1971, p. 23). 8. PHOT. ,,Suite de manipulations permettant d'obtenir une image positive sur la couche sensible exposée dans l'appareil photographique`` (Lar. 20e). L'inversion de surpose produite par la prolongation de l'action de la lumière a été observée dès les débuts de la photographie (Le Radium,1906, p. 54). C. − 1. BIOL. Mutation expérimentale du sexe au moyen d'hormones. Inversion sexuelle. L'inversion chimique du sexe n'est pas définitive. Les jeunes poulets féminisés par action hormonale redeviennent mâles au bout de quelques mois (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 50). 2. PSYCHOL. Anomalie qui consiste à éprouver l'attrait sexuel pour une personne du même sexe. Synon. homosexualité.Robert, au lieu de se contenter de l'inversion, faisait mourir sa femme de jalousie en entretenant, sans plaisir, des maîtresses (Proust, Temps retr.,1922, p. 705). Prononc. et Orth. : [ε
̃vε
ʀsjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1529 « transposition des mots d'une proposition, contraire à l'ordre habituel de la langue » (Bonivard, Jardin d'antiquité, ms. lat. 130, Genève, Bibl. cantonale, fo71 vods FEW t. 4, p. 794a); 2. 1546 « action par laquelle on retourne quelque chose » (Est., 693b d'apr. H. Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, (1913), p. 94); 3. 1690 math. (Fur. : les problemes de Geometrie et d'Arithmetique se prouvent souvent par l'inversion, en faisant une regle ou une demonstration contraire); 4. 1856 inversion du courant (Pouillet, Élém. de Phys.; t. 1, p. 726); 5. 1858 anat. « déviation d'un organe de sa position naturelle » (Littré-Robin); 6. 1931 géol. (Lar. 20e). II. 1. 1842 chim. (Biot ds Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences t. 15, p. 696); 2. 1889 méd. inversion sexuelle (H. Beaunis, Les Sensations internes, 47 ds Quem. DDL t. 8). I empr. au lat. inversio « action de retourner; antiphrase, ironie; anastrophe ». II empr. au lat. inversio « id. » d'apr. invertir*. Fréq. abs. littér. : 99. Bbg. Garrette (R.). Les Inversions du sujet. Grammatica. 1972, no1, pp. 5-40. - Jonare (B.). L'Inversion ds la princ. non-interrogative en fr. contemp. Uppsala, 1976, 177 p. - Le Bidois (R.). L'Inversion absolue du subst. sujet. Fr. mod. 1941, t. 9, pp. 3-28. - Nordahl (H.). Inversion et progression ds la sub. rel. en fr. mod. Fr. mod. 1973, t. 41, pp. 113-130. |