| INVENTION, subst. fém. I. A. − [Correspond à inventer A] 1. Action d'inventer. L'invention de la boussole, de l'imprimerie. L'invention du baromètre a suivi naturellement la découverte de la pesanteur de l'air (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 330).L'établissement des troupes de ligne et l'invention de l'artillerie changèrent tout-à-fait l'ordre social (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 25): 1. Pour vous donner une idée des dimensions de la terre je vous dirai qu'avant l'invention de l'électricité on y devait entretenir, sur l'ensemble des six continents, une véritable armée de quatre cent soixante-deux mille cinq cent onze allumeurs de réverbères.
Saint-Exup.,Pt Prince,1943, p. 460. 2. P. méton. Ce qui est inventé. Admirable, belle, grande invention. Son invention pour le concours « Perpétuel » ça consistait en un moulin du genre dynamo, à prise « faradique variable »... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 507).Papa fait des inventions, annonce Michon (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 222): 2. La machine infernale (...) cette invention diabolique, qui causa tant de rumeur et fit tant de victimes, fut exécutée par les Royalistes, qui en reçurent l'idée des Jacobins.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 228. ♦ Brevet* d'invention. B. − P. ext. [Correspond à inventer B] 1. a) Action d'imaginer quelque chose de nouveau. Cette fine taille si visiblement prise, cette douce blancheur virginale, pour cacher et indiquer la poitrine, sont d'une invention savante (Taine, Notes Paris,1867, p. 153): 3. C'est une erreur contraire à la nature de la poésie, et qui lui serait même mortelle, que de prétendre qu'à tout poème correspond un sens véritable, unique, et conforme ou identique à quelque pensée de l'auteur. Une conséquence de cette erreur est l'invention de l'exercice scolaire absurde qui consiste à faire mettre des vers en prose.
Valéry, Variété III,1936, p. 74. b) P. méton. Ce qui est imaginé. Le désir de lui plaire lui donnait, à elle, mille inventions rusées et simples en même temps, pour le séduire et le conquérir (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 90): 4. ... la garantie apportée par la société à la croyance individuelle, en matière religieuse, suffirait déjà à mettre hors de pair ces inventions de la faculté fabulatrice.
Bergson, Deux sources,1932, p. 210. ♦ P. iron. Idée saugrenue. Tu es fou, dit Gaigneux en fronçant les sourcils. Qu'est-ce que c'est que ces inventions? (Aymé, Uranus,1948, p. 73): 5. Mais aussi, demandez-moi ce que c'est que cette invention à un homme sain de se brûler le dos pour s'ôter un tic douloureux qui ne le tourmente que tous les deux ans.
Balzac, Ferragus,1833, p. 111. − En partic. Mystification, mensonge, fable. C'est une pure invention. La débilité intellectuelle des inventions du mythomane (Mounier, Traité caract.,1946, p. 383). c) MUS. Courte pièce polyphonique caractérisée par des effets curieux et nouveaux. Les Inventions de J.S. Bach; les six inventions du dernier acte de Wozzeck de A. Berg. (Ds Mus. 1976). 2. a) Capacité, faculté d'imaginer quelque chose de nouveau, d'avoir des idées originales et intéressantes. En voilà un, là-bas, dans un coin, qui a trouvé une façon nouvelle d'envisager l'histoire; il la divise en faits nécessaires et faits transitoires; au lieu de dire, par exemple, que Jésus-Christ est venu après Platon, il vous dira : pour que Jésus-Christ vînt, il fallait que Platon eût existé; quelle invention et quelle érudition! (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1836, p. 599): 6. Si, pour se procurer l'argent nécessaire à son jeu, Rastignac savait acheter chez son bijoutier des montres et des chaînes d'or chèrement payées sur ses gains, et qu'il portait au Mont-de-Piété, ce sombre et discret ami de la jeunesse, il se trouvait sans invention comme sans audace quand il s'agissait de payer sa nourriture, son logement, ou d'acheter les outils indispensables à l'exploitation de la vie élégante.
Balzac, Goriot,1835, p. 173. − Domaine de la litt., de la mus., des beaux-arts.Un écrivain, un artiste sans invention. Delille ne fut qu'un Ovide très fade, sans invention et sans verve (Delécluze, Journal,1827, p. 368).Elles [les messes de l'année 1776] trancheront sur les deux précédentes (celle de janvier 75, assez pauvre, celle d'avril ou mai 76, débordante d'invention) (Ghéon, Prom. Mozart,1932, p. 108): 7. Son caractère distinctif n'est pas l'invention, mais une savante interprétation de la nature et une étonnante magie dans les effets de la lumière.
Ménard, Hist. B.-A.,1882, p. 133. ♦ Invention + adj.Quelle richesse d'invention poétique dans ses tragédies [de Goethe] (Chênedollé, Journal,1822, p. 121).L'invention rythmique et mélodique est prodigieuse (et comme naïve) − Mais que dire de l'harmonique! (Gide, Retour Tchad,1928, p. 893): 8. Une bonne part de l'invention romanesque dont la littérature italienne de la Renaissance a tiré profit est l'œuvre des conteurs français du moyen âge...
Gaultier, Bovarysme,1902, p. 103. b) En partic. ,,Partie de la composition qui consiste à imaginer le sujet et à créer ses développements. L'invention est surtout essentielle au théâtre`` (Bailly (R.) 1946). II. − Action de trouver, de découvrir (une chose qui existe mais jusque là inconnue). Synon. découverte.L'invention d'un trésor. (Dict. xixeet xxes.). − RELIG. CATH. Découverte d'une relique; fête qui en perpétue l'anniversaire. Invention de reliques. L'Invention (du corps) de S. Étienne (Foit. 11968).Ces pauvres arbres en exil parmi cette nation gelée qui n'a pas une rose à Marie le jour de l'Invention de la Croix? (Bloy, Journal,1899, p. 323): 9. ... les hommes, à Fonteneilles, (...) ne se montraient plus guère aux offices (...), sauf à Pâques, à la Toussaint, aux jours d'enterrement, et quelquefois le 3 mai, jour de l'Invention de la Sainte-Croix, où le curé bénit les « croisettes » qui protègent les « héritages ».
R. Bazin, Blé,1907, p. 49. Prononc. et Orth. : [ε
̃vɑ
̃sjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. « trouvaille dans la façon d'agir, trouvaille merveilleuse, merveille » (Ps. Cambridge, éd. Fr. Michel, Canticum Ysaie, 5, p. 263 : faites cuneüdes en puples les sues invenciuns [adinventiones ejus]); 2. a) 1270 relig. le jor de l'invencion sainte Croix (Gondrec. I, 6, A. Meurthe ds Gdf. Compl.); b) av. 1514 « action de découvrir quelque chose (en général) » (Lemaire de Belges, Couronne margaritique IV, 139 ds Hug. : linvention de ceste gemme); 3. « ce qui est inventé » a) 1431 péj. « fable, mensonge » (ds Isambert, Recueil gén. des anc. lois fr., t. 8, p. 707 : inventions laidengeuses); b) ca 1501 « création, trouvaille littéraire » (Jardin de Plaisance, éd. de A. Vérard, fo223 vo, reprod. S.A.T.F., t. 1); 4. « action d'inventer » a) 2emoitié xves. « action, fait d'inventer, d'imaginer » ici, en mauvaise part : substitution de Jacob à Esaü par Rebecca (Mistere du Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 12863); b) 1530 « action de créer, de découvrir quelque chose de nouveau » (Palsgr., p. 220 a); 1588 l'invention de nostre artillerie (Montaigne, Essais, III, VI, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 886); 5. 1595 « faculté de créer, d'imaginer » (Id., op. cit., I, XXVI, éd. citée, p. 174 : l'apprehension tardive, l'invention lasche). Empr. au lat.inventio « action de découvrir, de trouver, découverte (spéc. au Moy. Âge Inventio Sanctae Crucis [3 mai] « fête rappelant la découverte de la croix du Christ » ca 530 ds TLL s.v., 151, 70, v. aussi Blaise Latin. Med. Aev.); faculté d'invention, invention, rhét.; action d'inventer ». 1 est la trad. du lat. chrét. adinventio ds Is., 12, 4 [5] (cf. l'a. fr. adinvencion « id. » 1remoitié xiies. Ps. Oxford, éd. Fr. Michel, 76, 12 [et adinventiones tuas loquar]), terme qui connaît aussi l'emploi péj. de « trouvaille mauvaise, machination, mensonge, ruse » (d'où le m. fr. adinvention 1350, G. Li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 275). Fréq. abs. littér. : 2 362. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 119, b) 2 834; xxes. : a) 3 053, b) 4 028. |