| INTRODUIRE, verbe trans. I. − [Expression d'un mouvement; constr. prép. possible : auprès, chez, dans, près] Faire entrer. A. − [Une pers. introduit un être vivant] 1. [dans un lieu où il a, ou n'a pas, habituellement accès] Faire entrer quelqu'un avec certains égards ou de façon secrète et irrégulière. Pour commencer, j'introduis l'ennemi dans la place (...). Vous logerez ici (Dumas père, Mllede Belle-Isle,1839, II, 3, p. 27): 1. Lorsque, après avoir introduit ses hôtes dans le salon, le bonhomme se fut esquivé pour veiller lui-même aux soins de l'hospitalité, Raoul, demeuré seul avec sa mère, allait enfin lui demander l'explication d'une énigme dont il s'épuisait vainement à chercher le mot depuis une heure...
Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 50. 2. Il éprouva, dans cette agonie qu'il traversait, le seul soulagement qu'il pût ressentir, quand l'huissier vint le prendre. Car, au lieu de l'introduire droit dans la salle, cet homme le conduisit par un couloir jusqu'à une petite pièce qui était sans doute le cabinet du président. Des dossiers y traînaient sur une table.
Bourget, Disciple,1889, p. 235. − Emploi pronom. réfl. Entrer, pénétrer. Le lendemain un officier ouvrit tout bonnement la porte, et s'introduisit lui-même, sans plus de façon, dans la chambre de l'empereur, où j'étais à travailler avec lui (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 160). 2. [le lieu n'est pas précisé; il peut être celui où se trouve le locuteur] Zoé introduisit une vieille dame, de haute taille, portant des anglaises, ayant la tournure d'une comtesse qui court les avoués (Zola, Nana,1880, p. 1125). ♦ Emploi abs. Je fis signe d'introduire (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 180). 3. [dans un milieu, une société] Faire admettre. Je ne savais presque rien du monde, et (...) je m'y trouvais introduit tout à coup (Fromentin, Dominique,1863, p. 210).À ces soirées où je fus introduit (...) par François Coppée, on croisait bien du monde (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Biogr. (Ch. Cros), 1896, p. 394): 3. Au thé du matin, nous faisions succéder l'ale ou le claret, puis nous rendions quelques visites. En trois jours, j'avais été introduit à toute la société.
Bourget, Profils perdus,1884, p. 287. Rem. Notons dans ce dernier ex. la prép. à : introduit à est construit comme présenté à. − Au fig. Introduire qqn dans une affaire, une situation : 4. Après les années passées avec Jacqueline, il lui eût semblé intolérable, et même sacrilège, d'introduire un autre dans l'intimité de sa vie, − cet autre l'aimât-il mieux et fût-il mieux aimé de lui que Jacqueline. − Cela ne se raisonne pas...
Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1256. ♦ Emploi pronom. Pour m'introduire dans une intrigue aussi corsée, je suis décidément un peu jeune (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1033). − Au part. passé avec valeur d'adj. Être (très, bien) introduit. Sur les parquets d'amarante, ils avancèrent de ce pied sûr où se reconnaît l'homme bien introduit (Morand, P. de Saligny,1947, p. 127). 4. [auprès d'une pers.] Présenter une personne à une autre; donner à une personne la possibilité d'une rencontre, d'une entrevue avec quelqu'un : 5. Comme je l'avais prévu, on fit quelques difficultés pour m'introduire près du grand maréchal; mais je lui envoyai la bague qui devait me servir de signe de reconnaissance, et toutes les portes s'ouvrirent devant moi.
Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 80. B. − [Une pers. introduit une chose] 1. [De façon artificielle, avec force, illégalement] Introduire un produit en fraude, en contrebande. Il y a si peu d'intelligence dans l'estomac que si on introduit une pierre à la place de la viande, le suc gastrique se sécrétera de même (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 206): 6. Celui-là te met au régime, celui-ci veut des dissolvants, tous introduisent la sonde dans la plaie, l'examinent au risque de l'élargir; puis ils s'efforcent de la remplir avec de l'onguent.
Mussetds Le Temps,1831, p. 72. 2. [Avec un esprit novateur] a) Faire adopter une chose nouvelle. Elle y installa l'adoration perpétuelle et y introduisit également dans toute sa pureté et, à l'exclusion de tout autre, le plain-chant (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 196): 7. Les premiers armateurs de New-York réussissent assez mal; leurs capitaux et leurs bateaux coulent bas; mais ils voient grand; ce sont les premiers qui, en introduisant le confort, le luxe, les gros tonnages, forcent les Anglais à comprendre que la mer n'est pas réservée exclusivement aux marins.
Morand, New-York,1930, p. 203. b) Insérer dans un ensemble, une procédure, une organisation en place un élément qui n'y figurait pas : 8. Si entre X, A et Z n'existent aucun des rapports que j'aperçois entre AH, A et AD, on n'y peut introduire que des rapports inconcevables et qui sont comme s'ils n'étaient pas.
G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 39. − DR. Introduire une clause. Ajouter une disposition particulière à un acte juridique. Vous pouvez vous associer sur ces données-là, en introduisant une clause de dissolution dans le cas où les conditions du brevet ne seraient pas remplies à l'exécution en fabrique (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 738).Introduire une instance. Engager une procédure. Mais il faut introduire des instances et en ce moment le plus nécessaire et le plus pressé est de vivre et de gagner de l'argent pour ma mère et pour moi − car pour payer, il faut travailler (Balzac, Corresp.,1830, p. 476). C. − [Une chose introduit une pers.] Faire pénétrer. Descartes nous communique sa vie, afin que la suite de ses impressions et de ses actes nous introduise dans ses pensées (Valéry, Variété II,1929, p. 14): 9. ... Durtal pouvait se prévaloir de sa situation exceptionnelle de postulant, puis de novice oblat; elle l'introduisait, en effet, de plain-pied, dans l'ordre dont il devait, lorsque le temps de sa probation serait terminé, faire partie.
Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 22. D. − [Une chose introduit une chose] Favoriser, provoquer l'apparition de quelque chose. La facilité du divorce introduit dans les rapports de famille une sorte d'anarchie qui ne laisse rien subsister dans sa vérité ni dans sa force (Staël, Allemagne, t. 4, 1810, p. 374): 10. Déjà l'idée d'une structure a priori de l'entendement commun à tous les êtres pensants risque d'introduire au sein du cogito une sorte d'objectivité qui ne lui est pas transparente...
Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 278. − Emploi pronom. S'établir, s'installer. Le doute s'introduit dans l'âme qui rêve (Sand, Lélia,1833, p. 133).Mais nous savions que, dans ce pachyderme, s'était introduite la substance du Seigneur (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 356).C'est quelquefois aussi une élimination d'une substance nuisible qui s'était introduite et peut-être fixée dans l'organisme (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 163). II. − [Expression d'un but ou d'un motif; constr. prép. : à] Amener à. A. − Introduire à + subst.Amener par l'étude, la pratique à la connaissance de quelque chose : 11. Les cours s'ouvrirent; je leur demandais de m'introduire aux études historiques; ils furent pour moi exactement ce qu'est l'ouverture dans un opéra de Wagner...
Barrès, Appel soldat,1900, p. 30. − FAUCONN. ,,Introduire un oiseau au vol. Commencer à le faire voler`` (Littré). B. − Introduire à + inf. (rare).Induire à. Ce mot « barbarie », qui est venu peut-être trop souvent sous ma plume, pourrait introduire quelques personnes à croire qu'il s'agit ici de dessins informes que l'imagination seule du spectateur sait transformer en choses parfaites (Baudel., Curios. esthét., Paris, Gallimard, 1932 [1863], p. 338). Prononc. et Orth. : [ε
̃tʀ
ɔdɥi:ʀ], (il) introduit [ε
̃tʀ
ɔdɥi]. Conjug. : cf. conduire. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. « faire entrer quelqu'un dans un endroit » entreduire (Psautier de Cambridge, 42, 3, ds T.-L.); 2. 1308 « faire admettre » ici part. passé instroduiz (S. Berthomé, Bibl. La Rochelle, ds Gdf. Compl.); 3. 1470 terme de dr. cause introduite (Lettres de Louis XI, IV, 175 ds Bartzsch, p. 65); 1804 introduire en justice (Code civil, art. no464, p. 86); 4. 1509 « faire admettre quelqu'un dans une société » (J. Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, éd. J. Stecher, I, X : Bardus [...] introduisit une secte de Poëtes et rhetoriciens, lesquelz furent nommez Bardes); 5. 1529 « faire figurer, insérer (ici l'extrait d'auteur dans un ouvrage) » (G. Tory, Champfleury, fo6 vo); 6. 1569 « présenter à, donner accès auprès de quelqu'un » (E. Pasquier, Recherches, IV, 33 ds Hug.); 7. 1615 « faire entrer une marchandise dans un pays » (Montchretien, Traicté de l'Oeconomie Politique ds Kuhn, p. 32); 1797 introduire en contrebande (Voy. La Pérouse, t. 2, p. 355); 8. 1828 introduire à (ici à la poésie) (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., p. 9). Empr. au lat.introducere « amener, introduire », francisé au cours du xives. d'apr. conduire*. Fréq. abs. littér. : 4 220. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 532, b) 5 476; xxes. : a) 5 574, b) 6 082. |