| INTIME, adj. I. − [En parlant d'une pers., de sa vie intérieure ou de ses rapports avec celle-ci] .
A. − Qui se situe ou se rattache à un niveau très profond de la vie psychique; qui reste généralement caché sous les apparences, impénétrable à l'observation externe, parfois aussi à l'analyse du sujet même. Anton. superficiel.Profondeurs intimes. Vous devez être contente, il ne vous manque rien. Stupide jugement porté sur l'extérieur de la vie, quand tout le foyer du bonheur et de la souffrance est dans le sanctuaire le plus intime et le plus secret de nous-mêmes! (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 393): 1. ... Baudelaire écrit en effet : « Dans certains états de l'âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle tout entière dans le spectacle, si ordinaire qu'il soit, qu'on a sous les yeux. Il en devient le symbole ». (...) Le spectacle extérieur vient aider à déplier une grandeur intime.
Bachelard, Poét. espace,1957, p. 175. ♦ For intime. Synon. for intérieur.Le cœur palpitant et le for intime de tout pouvoir (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 232). B. − En partic. 1. [Notamment en matière religieuse] Qui permet une appréhension directe, une saisie plus ou moins automatique par le dedans; qui est immédiatement accessible à l'intuition du sujet, spontanément connu de lui seul, non communicable. Synon. inné, originel; anton. rationnel, réfléchi.Connaissance, conscience, sentiment intime; persuasion, vérité intime; l'intime conviction des jurés. Cette espèce d'instinct, plus sûr que le raisonnement, qui, par une révélation intime, soudaine, profonde, donne à chacun comme la vive intuition de ce qui est au fond de toutes les âmes (Lamennaisds L'Avenir,1831, p. 351).La notion intuitive, intime, toujours vivante et présente du temps (Faure, Espr. formes,1927, p. 13).Tant que le croyant fonde ses assertions sur la conviction intime que sa foi lui confère, il reste un pur croyant et n'est pas encore entré dans le domaine de la philosophie (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 38).V. déplaisir ex. de Vigny, Journ. poète, 1852, p. 1297 : 2. Il y a deux points de vue (...) : l'un considère l'homme par le dehors, l'autre (seul philosophique) s'attache à l'intérieur. Le 1erne se fonde que sur des phénomènes et est sujet à l'erreur; le 2esaisit de prime abord la vérité intérieure, le fait du sens intime est évident par lui-même, et il est bien plus évident que j'existe moi, que je sens et agis librement, qu'il n'est évident qu'il y a des objets ou d'autres hommes et une société hors de moi.
Maine de Biran, Journal,1818, p. 182. 2. Qui constitue fondamentalement les caractères propres de tel individu, sa nature essentielle; qui se rattache à ce qu'il y a de plus personnel en lui. Anton. impersonnel, inessentiel.Essence intime; drame, émotions, expérience, jouissance, orgueil, pensées, satisfaction intime(s). J'essayais de lire les Psaumes. Mais il y a dans toute lecture quelque chose de trop général pour une douleur si individuelle, si intime... (Michelet, Journal,1839, p. 307).L'état intime de sa volonté, de ses goûts, de ses vertus, toutes choses qui sont le fruit du libre-arbitre, qui sont le libre-arbitre lui-même en activité, tel qu'il s'est fait, tel qu'il veut être (Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 191).Sa dilection [d'André Gide] pour les créatures de Dostoïevsky, pour ce monde (...) où chacun fouille son gouffre intime, étale au jour en spécieux replis les mobiles de sa conduite (Massis, Jugements, t. 2, 1923, p. 41).V. atténuer ex. 4 : 3. ... tous ceux qui se proposent de pénétrer la nature intime, l'essence même, des êtres, abstraction faite de ce qu'ils nous paraissent, veulent une chose tout-à-fait impossible (...), puisque nous ne pouvons pas même savoir, si les êtres ont une seule qualité autre que celles qui nous apparaissent.
Destutt de Tr., Idéol. 3,1805, p. 195. 3. [En matière de création artistique, notamment littér.] Qui a la vie intérieure profonde (de tel individu) pour objet d'étude ou pour inspiration. Écrits, notes intimes. Nous n'avons jamais pu découvrir ce que c'était que le genre intime. Les romans intimes sont tout comme les autres; (...) il y est question d'adultères, de marasme, de suicides (Musset, Lettres Dupuis et Cotonet,1836, p. 668).Le roman intime moderne est né du christianisme, parce que le christianisme a enfanté la confession, l'examen détaillé de soi-même, l'analyse de son cœur (Vigny, Journ. poète,1838, p. 1107).Recrudescence finale de la poésie intime et lyrique (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1852, p. xiii): 4. Amiel avait gardé de sa jeunesse le goût, voire la manie du journal intime. Jusqu'à son dernier mois, jusqu'à ses toutes dernières heures, il avait noté minutieusement les moindres passages de sa pensée, les caprices de son humeur, toutes les nuances ou claires ou sombres de son ciel moral. Cela faisait une longue et diffuse monographie de l'existence de l'âme...
Bourget, Nouv. essais psychol.,1885, p. 254. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. [Relatif à I A et B] L'intime d'une pers., d'un trait humain. Ce qu'il y a de plus profond, de plus essentiel, de plus original chez une personne. Savoir l'intime de leurs émotions (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 531).L'histoire ne fait pas revivre l'intime de l'homme, ni la vie secrète des cœurs (Mauriac, Journal 2,1937, p. 115): 5. Tout se passe dans l'intime de l'artiste comme si les événements observables de son existence n'avaient sur ses ouvrages qu'une influence superficielle. Ce qu'il y a de plus important − l'acte même des Muses − est indépendant des aventures, du genre de vie, des incidents, et de tout ce qui peut figurer dans une biographie.
Valéry, Variété [I], 1924, p. 75. ♦ Absol. Adieu et pour toujours au personnel, à l'intime, au relatif. Le vieux projet que j'avais d'écrire plus tard mes mémoires m'a quitté (Flaub., Corresp.,1853, p. 320).Renversement des valeurs qui dans tous les ordres fera primer le réel sur le mot, l'intime et le substantiel sur l'extérieur et l'apparent (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 308). C. − [P. méton., en parlant d'un lieu, d'une atmosphère ou de ses qualités] Qui favorise l'épanouissement de la vie intérieure profonde, la méditation, par son isolement, son calme feutré. Ce qu'on sent en sortant de la rue pour entrer dans un temple : quelque chose de recueilli, de doux, d'intime, de tendre et de consolant (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 312).Santa Paula, qui est un de ces coins intimes où l'on ne sait plus rien du tapage populaire (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 147): 6. Le brouillard a certainement sa poésie, sa grâce intime, son charme rêveur. Il fait pour le jour ce que la lampe fait pour la nuit : il pousse l'esprit au recueillement; il replie l'âme sur elle-même. Le soleil nous répand dans la nature, nous disperse et nous dissipe : la brume nous rassemble et nous concentre.
Amiel, Journal,1866, p. 212. D. − P. anal. [En parlant d'une chose, d'un processus concret ou abstrait] Qui constitue ou concerne ce qu'il y a de plus profond (dans telle chose); qui se situe ou s'exerce à l'intérieur (de telle chose). Synon. foncier, fondamental.La poésie n'est pas dans la forme des idées, mais dans les idées elles-mêmes. La poésie, c'est tout ce qu'il y a d'intime dans tout (Hugo, Odes et ball.,1828, p. 6).Cet art de pénétrer dans la raison intime des faits, d'en démêler l'ordonnance, d'y saisir les fils conducteurs (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 465).Au cœur le plus intime de la nuit, dans son épaisseur (Saint-Exup., Vol nuit,1931, p. 111).V. germinaison (s.v. germination rem.) ex. SYNT. Constitution, fibres, structure, tissu intime(s); alliance, association, connexion, contradictions, force, liaison, lien, mélange, rapport, relation intime(s). ♦ Être intime à (qqc.).Être inhérent à. Le droit d'aubaine est réellement inhérent, tellement intime à la propriété, que là où il n'existe pas la propriété est nulle (Proudhon, Propriété,1840, p. 244).On peut considérer comme intimes au processus même de développement les hésitations, erreurs, démagogies de régimes autoritaires nouveaux (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 263). − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Synon. dedans, fond, profondeur, tréfonds.Quel songe m'habitait dans l'intime des draps (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 235). II. − [En parlant d'une ou de plusieurs pers., considérées dans leur mode d'existence, dans leurs rapports avec un nombre limité d'individus − généralement en tant qu'expression de leur vie intérieure] A. − Domaine de la vie privée restreinte à l'individu ou au couple. 1. Qui est strictement personnel et généralement tenu secret, préservé des curiosités indiscrètes, le plus souvent par pudeur. Synon. réservé; anton. public, social.Choses, détails, secrets intimes. La vie intime et particulière appartenant à chaque homme, continuait son cours sous la vie générale, l'ensanglantement des batailles (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 336).La richesse a toujours quelque chose de public, mais une vie de pauvre, c'est intime; ça me semblait indiscret de frapper à ce carreau (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 303). − P. métaph. : 7. La nuit donne aux bois une physionomie plus originale et plus intime. Dans le jour, traversés de rayons, égayés par les chants des oiseaux ou l'éclat des voix humaines, ils semblent s'imprégner de la vie des autres; à la nuit, ils sont livrés à eux-mêmes et vivent de leur vie propre.
Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 126. 2. En partic. a) Qui appartient à la vie physique la plus secrète, à l'anatomie généralement cachée de quelqu'un. Il se remémore infiniment et sans cesse les réalités de la superbe colonelle Nina. Il pense à ses réalités corporelles et intimes, (...) la blouse où font saillie deux pointes vigoureuses, au-dessus de la ceinture de gros cuir (Jouve, Scène capit.,1935, p. 76). ♦ Parties intimes. Synon. parties sexuelles, sexes.Je nous voyais, attachés l'un à l'autre par les parties intimes, mais moi, (...) rejetant le buste et la tête, loin, vers l'air, vers la liberté, vers tout ce qui n'était pas elle (Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 615). − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Elle s'aperçut peu à peu avec un immense étonnement que dans l'intime de son corps il y avait un consentement à la main de Le Loreur qui s'avançait autour de sa taille (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 169).V. amant ex. 4. − [En parlant d'un aspect du comportement, d'une œuvre] Qui a pour destination ou thème les parties généralement dissimulées du corps. Soins, toilette intime(s). L'ensorcellement des précieuses dentelles cachées dans la profondeur des toilettes intimes, et la troublante saveur du luxe secret, des dessous raffinés (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Mots amour, 1882, p. 605).Croquis trop intimes (...) la femme était montrée trop dans son déshabillé (Goncourt, Journal,1894, p. 516).MmeHaudouin ignorait tout de l'hygiène intime, et il fallait l'occasion d'un accouchement pour qu'elle consentît à porter le savon plus haut que la jarretière (Aymé, Jument,1933, p. 23). b) Qui concerne la vie sentimentale ou sexuelle secrète de quelqu'un. Besoins, communion, liaison, lien(s) intime(s). Quant à son histoire intime, elle était ensevelie dans le plus profond silence (...). Quoique personne ne mît en doute que le commandant Genestas n'eût eu des bonnes fortunes en séjournant de ville en ville (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 4).On s'expliquerait le cœur à cœur, dans l'intime échange de deux vies qui se pénètrent et en échauffent d'autres à leur foyer (Blondel, Action,1893, p. 263).Il y a des messieurs célibataires dont on n'arrive pas du tout (...) à se représenter la vie la plus intime. On ne leur connaît pas de liaison (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 214). ♦ [En parlant d'un aspect du comportement] Qui dénote l'amour, le désir, des rapports privilégiés (entre deux êtres). Elle lui envoya un regard pour lui seul (...). Il faut être banquier épais (...) pour boire avec délices ces regards intimes des actrices (Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 179).Il faudrait s'arrêter quelquefois... sentir qu'on s'aime... le dire... dire une phrase vraiment intime qui contienne tout l'amour, qui donne tout le cœur (Chardonne, Épithal.,1921, p. 260).En partic. Qui se manifeste, s'exerce par un contact charnel étroit, par une union sexuelle. Contact, fonctions intime(s). Sans l'union intime des corps, l'union des âmes ne pourrait jamais être intime, parce que deux êtres qui s'aiment doivent vivre en quelque sorte en commun de pensées et d'actions (Hugo, Lettres fiancée,1821, p. 54).Après avoir pris deux ou trois baisers à la jeune fille, tâcher à lui rendre de plus intimes hommages (Toulet, Mar. Don Quichotte,1902, p. 103).Je n'ignorais point qu'ils [les enfants] sont le fruit naturel d'un rapport étroit entre deux sexes (...). Mais, ces rapports intimes, je les associais si bien à l'état conjugal, que je ne pensais pas qu'ils fussent admissibles en dehors du mariage (Gide, Geneviève,1936, p. 1370). ♦ [En parlant d'un écrit, d'un document, d'une œuvre] Qui exprime, trahit la vie sentimentale ou sexuelle secrète de quelqu'un. Correspondance intime. Journal intime que j'ai écrit ici de toute notre vie et surtout de sa vie physique (l'intérieur et l'extérieur : idées, jouissances, fonctions...) (Michelet, Journal, 1857, p. 355). Hardi à fureter des papiers intimes ou à se servir de fausses clefs, pour voir le dedans d'un secrétaire (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 56).Elle a menacé de publier des lettres intimes qu'elle avait en sa possession... Oui, des lettres de Morny (Goncourt, Journal,1892, p. 196). 3. P. méton. a) [En parlant d'une pers.] Qui est agent ou objet d'amour, de désir pour quelqu'un. Ces morts abandonnés sans doute avaient des femmes, Quelque chose de cher et d'intime (Gautier, Comédie mort,1838, p. 11).De jolies filles, amies intimes de hauts fonctionnaires (Zola, Curée,1872, p. 416). b) [En parlant d'un lieu ou de ses qualités] Qui favorise l'épanouissement de la vie privée, par sa situation retirée, à l'abri des regards indiscrets, par ses dimensions réduites, protectrices, par son luxe douillet. Cabinet de toilette intime. Cette pièce tiède, d'un luxe intime de femme sensuelle, et où traînait un parfum irritant de musc (Zola, Germinal,1885, p. 1304).Les malades sont exposés aux regards dans des cages transparentes. Ce n'est pas trop intime pour ceux qui souffrent, mais cela permet une surveillance attentive (Duhamel, Maîtres,1937, p. 185).La volupté préfère les logis exigus, intimes (Arnoux, Roi,1956, p. 255). Rem. P. anal. et affaiblissement, intime tend à prendre parfois le sens de miniature, minuscule, petit. Dans ce petit paysage intime, la disproportion de cet hippopotame fait paraître aquarium ou bassin pour zoo le petit lac (Gide, Retour Tchad, 1928, p. 959). B. − Domaine de la vie (quasi) familiale, domestique. 1. Qui concerne la vie privée, en famille; qui se caractérise par une grande chaleur affective, un accord profond, un bonheur paisible. Sagesse de se retirer ainsi loin de la ville, parmi les arbres et les livres, et d'élever là ses enfants. Charme intime, familial, de cette journée (Maurois, Journal,1946, p. 9).La nuance du sentiment familial n'est pas sans ouvrir un jour sur certains aspects de l'équilibre psychosocial. Il est normal qu'un sentiment fait de tant de liens privés et intimes soit discret et voilé de pudeur (Mounier, Traité caract.,1946, p. 105): 8. Il adressait un mot tendre à sa femme et à ses enfants, prenait son fusil, (...) nous allions achever la journée dans la campagne trempée d'eau. Cette existence intime dura jusqu'en novembre, facile, familière, sans grands épanchements, mais avec l'abandon sobre et confiant que Dominique savait mettre en toutes choses où sa vie intérieure n'était pas mêlée.
Fromentin, Dominique,1863, p. 34. 2. [En matière de création artistique, notamment picturale] Qui représente des scènes d'intérieur ou qui évoque l'existence familière quotidienne, sans apprêt. Ses scènes d'animaux sont bien peintes; mais les Anglais sont plus spirituels dans ce genre animal et intime (Baudel., Salon,1845, p. 55).La peinture hollandaise, si intime et si familière (Castagnary, Salons,1863, p. 106). Rem. S'emploie parfois à propos de l'aut. même, comme quasi-synon. de intimiste. De G. Metzu, je vois un Chasseur tenant un verre à la main, (...) et aussi une Représentation emblématique de la Justice qui se recommande par des qualités hardies peu communes à ce peintre intime (Du Camp, Hollande, 1859, p. 38). Certains mélodistes intimes comme Schumann et surtout Schubert (D'Indy, C. Franck, 1906, p. 71). 3. P. méton. a) [En parlant d'une pers.] Qui est très proche, profondément lié par la parenté, l'affection. Anton. étranger.Ma société intime, presque réduite à ma famille (...). L'amitié de mon époux, les caresses de mon fils (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 33). b) [En parlant d'un lieu ou de ses qualités] Qui favorise l'épanouissement de la vie familiale, affective, par un confort satisfaisant, des agréments peu apprêtés, un charme simple, donnant une impression de bien-être. Deux hautes lampes-phares posées au hasard des meubles mettaient une sécurité lumineuse, un intime bien-être dans cette vaste pièce calme et tiède (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 100).Ce ne sont pas les pays les plus beaux (...) qui prennent le cœur davantage, mais ceux où la terre est le plus simple, le plus humble, près de l'homme, et lui parle une langue intime et familière (Rolland, Antoinette,1908, p. 829): 9. Maison couverte d'ardoise ou de tuile ou de chaume, mais également protectrice; bâtie, choisie ou reçue, mais également intime; chaude au cœur, chaude au corps; dont on cherche de loin la fumée, signe de la vie domestique reprise chaque jour résumée en ce foyer qui se rallume en même temps que le soleil pour ranimer et nourrir gens et bêtes.
Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 57. C. − Domaine des relations amicales 1. Qui a un caractère d'amitié profonde, confiante, portée aux échanges spontanés, aux confidences sans réserve. Amitié, commerce, communication, confiance intime. Mes relations d'alors avec André Gide étaient (...) passablement cérémonieuses encore. Elles ne sont devenues vraiment familières, vraiment intimes, pleinement efficientes, que plus tard (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. lxii). 2. [En parlant d'un aspect du comportement] Qui exprime une amitié profonde, confiante. Confidences, conversation(s), entretien(s), épanchements intimes. Cazalès, qui, au premier abord, paraît froid et renfermé, se laisse aller à la causerie la plus intime, la plus confiante (M. de Guérin, Corresp.,1833, p. 79).J'avais serré quelques mains et échangé quelques mots; mais de la manière la plus insignifiante, la moins intime, réservant avec soin pour Philippe toute effusion essentielle (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 10).Me regardant d'un air bon et intime (Abellio, Pacifiques,1946, p. 125). − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le Président (...) pérorait cette fois d'une voix conventionnelle, intermédiaire entre l'intime et l'officiel (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 83). 3. P. méton. a) [En parlant d'une pers.] Qui est l'agent ou l'objet d'une amitié profonde, confiante. Confident, conseiller(s), secrétaire intime(s). Il s'est présenté comme ami intime et confident même de Girodet (Delécluze, Journal,1824, p. 57).En une seconde, nous étions devenus des amis intimes. Nous nous étions tout dit (France, Vie fleur,1922, p. 371).Telle personne intime qu'on recevait tous les jours (Proust, Prisonn.,1922, p. 47). − P. anal. [À propos de choses plus ou moins personnifiées] Je me suis complu dans le spectacle des grandes choses et j'ai souhaité que leur société intime et familière ne manquât jamais à mes rêveries. J'ai vécu dans l'admiration assidue des caractères supérieurs (Sand, Lélia,1833, p. 225). − Loc. Être intime(s) avec. Il était du bel usage de vivre et de mourir en public, et comme la duchesse de Luxembourg était intime avec cent amis, il n'y avait pas non plus d'intimité ou d'amitié proprement dites (Stendhal, Amour,1822, p. 147).Absol. Être intime(s). Il est étroitement lié avec ton prince russe. − Ils sont intimes (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 411).Être intime(s) de. Connu de tous les littérateurs et de tous les artistes, intime de la palette et familier de l'écritoire, c'était l'Asmodée des arts (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 182). − Emploi subst. Personne qui est l'agent ou l'objet d'une amitié profonde, confiante. Rares intimes; cercle d'intimes. Triant sur le volet les génies avortés de ma connaissance et les originaux de la sienne, car ses intimes sont « non d'épée, non de robe, mais d'esprit » (Péladan, Vice supr.,1884, p. 165).Ayant été, vingt-deux ans, l'intime de ce mort et demeuré le seul capable de parler de lui avec compétence (Bloy, Journal,1902, p. 133). ♦ Entre intimes. Entre familiers, en petit comité. J'espère que vos parentes voudront bien se considérer ici comme chez elles. Elles vont me faire la grâce de rester pour notre petit lunch, entre intimes (Vogüé, Morts,1899, p. 407). b) Qui se passe entre intimes, qui leur est réservé. Réunions, soirées intimes. De petits groupes au milieu desquels un homme, déroulant un gros cahier, commençait une lecture intime avant de la rendre publique (Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 242).Invitation, toute intime et sans cérémonie (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1884, p. 76).Dîner à Paris, intime celui-là, sans habit ni cravate blanche, chez d'anciens amis (Blanche, Modèles,1928, p. 161). Rem. S'emploie parfois en ce sens à propos de cérémonies de la vie privée. Mariage intime. Des obsèques strictement civiles et intimes (Martin du G., Notes Gide, 1951, p. 1401). c) [En parlant d'un lieu] Qui favorise l'épanouissement des relations amicales profondes par son caractère tranquille, discrètement accueillant, propice aux confidences. Le coin intime où l'on pouvait, à quelques artistes, causer à l'aise, sans promiscuités de cabarets et de salons, (...) où l'on pouvait ne s'occuper que d'art, à l'abri des femmes! (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 28).Dans le clair petit bar aux meubles bien cirés, (...) C'était intime et chaud sous les rideaux tirés (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 64). Prononc. et Orth. : [ε
̃tim]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1376-77 « très uni, très lié avec quelqu'un, d'où (enfant) légitime » (Jean Le Fèvre, Respit de la mort, éd. G. Hasenohr-Esnos, 2274); 1616 subst. « ami très cher » (A. D'Aubigné, Hist. univ., I, 102 ds Littré); b) 1765 « qui marque une union étroite entre des choses » (Encyclop.); 2. a) début xvies. [date du ms.] « qui réside au plus profond d'une âme » (Trad. du Gouv. des princes de G. Colonne, Ars. 5062, fo14 vods Gdf. Compl.); b) 1651 subst. « ce qu'il y a de plus profond, par rapport à Dieu » (Pascal, Lettre sur la mort de mon père ds
Œuvres, éd. J. Mesnard, t. 2, p. 852); 3) a) 1816 Journaux intimes [titre] (B. Constant); b) 1849 « qui crée ou évoque l'intimité » (Lamart., Confid., p. 369). Empr. au lat.intimus « ce qui est le plus en dedans, le fond de », superl. de interior (intérieur*). Fréq. abs. littér. : 4 926. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 832, b) 6 962; xxes. : a) 7 414, b) 6 930. Bbg. Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1917-18, t. 30, pp. 151-152. |