| INTERVENTION, subst. fém. A. − [À propos d'une pers.] 1. Action d'intervenir dans une affaire (où d'autres personnes sont concernées); p. méton., résultat de cette action. Synon. arbitrage, conciliation, entremise, médiation; anton. abstention.Intervention active, décisive, directe, efficace, énergique, immédiate, nécessaire. Au milieu d'une telle multitude et d'une si grande variété d'hommes, l'harmonie serait constamment troublée par l'impétuosité des volontés individuelles, sans l'intervention modératrice et directrice du Souverain Pontife (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 184).Des effets comme celui que produisit en France, lors de l'affaire Dreyfus, l'intervention des « intellectuels » (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 264): 1. ... le gouvernement s'introduisait sans cesse dans la sphère naturelle de la justice (...) : comme si la confusion des pouvoirs n'était pas aussi dangereuse de ce côté que de l'autre, et même pire; car l'intervention de la justice dans l'administration ne nuit qu'aux affaires, tandis que l'intervention de l'administration dans la justice déprave les hommes et tend à les rendre tout à la fois révolutionnaires et serviles.
Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, pp. 125-126. − [En parlant d'une puissance surnaturelle] Intervention divine, de la divinité, de la grâce, de la Providence, d'En-Haut; intervention de Dieu dans l'Histoire. La conversion de Wallstein fut occasionnée par une chute qu'il fit dans sa jeunesse (...). Il se crut conservé miraculeusement, et attribua toujours son salut à l'intervention de la Vierge Marie (Constant, Wallstein,1809, p. 192). − [Sans déterminant] Fait d'entrer en action. Le limier bondit en aboyant. C'est son premier aboi, signal d'intervention pour le chasseur (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 9). − En partic. a) DR. ,,Acte d'un tiers qui se mêle à une instance dans laquelle il n'était pas encore partie`` (Lemeunier 1969). Intervention en appel, en première instance; formuler une demande en intervention. Intervention volontaire (lorsque le tiers agit spontanément), intervention forcée (lorsque l'un des plaideurs exige qu'un tiers vienne à ses côtés) (d'apr. cida 1973). b) Participation, souvent improvisée, à un débat, à une discussion, à une séance; p. méton., paroles prononcées à cette occasion. Intervention d'un orateur dans un débat, à la Chambre, au Parlement; intervention d'un homme politique; intervention remarquée; intervention radiodiffusée. Le parti socialiste a multiplié les interventions de tribune (Jaurès, Paix menacée,1914, p. 215).Une conférence à laquelle prirent part Henri Massis et M. Mabille. Celui-ci parla le dernier; les mots coulaient avec embarras de sa barbe, et pendant toute son intervention, les joues de Zaza flambèrent de gêne (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 203): 2. Dans la controverse, il avait le génie de l'intervention décisive. Il attendait que chacun eût exprimé ses vues. Puis il prenait la parole. Son esprit lucide et perçant fonçait droit au cœur du sujet.
Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. LXXXIX. c) Fait de s'interposer entre des personnes en désaccord; fait d'agir en médiateur ou par la force. Intervention rapide de l'autorité, des pompiers, de la force armée. Léonard se dirigeait vers la salle désignée quand, hargneux, le chasseur l'obligea à rebrousser chemin : il fallut l'intervention de Bruet pour calmer la dispute (Estaunié, Empreinte,1896, p. 132).Des usines s'étaient mises en grève, à Pétersbourg, mais (...) l'agitation ouvrière avait été enrayée aussitôt par une intervention énergique de la police (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 248): 3. Il prit l'initiative de négocier avec les grévistes. Ces négociations, inspirées d'un esprit de large conciliation, furent interrompues par l'échauffourée de Jouxtebouville. On sait qu'une intervention discrète de la troupe fit rentrer le calme dans les esprits.
Sartre, Nausée,1938, p. 121. − En partic. Forces, groupe, unité d'intervention. Forces ou formation de police ou de gendarmerie mises en œuvre pour une action ponctuelle et rapide. (Dict. xxes.). 2. Démarche (auprès de quelqu'un) pour obtenir quelque chose. Synon. intercession, médiation, piston (fam.), recommandation.Intervention en faveur de qqn, auprès de qqn; intervention décisive, efficace, opportune; bienveillante intervention; offrir, proposer son intervention; réclamer, solliciter une intervention. Mon mari ne peut pas, ne doit pas faire de démarches. Mais moi, si vous croyez que mon intervention soit utile, je dirai un mot à Monseigneur (France, Orme,1897, p. 66).Ma situation est devenue si difficile dans la paroisse que l'intervention de M. le comte auprès de Son Excellence aura certainement plein succès (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1183): 4. ... il me conduit au poste de police. Là, on me demande ce que j'ai dans mon sac. Je le dis, naturellement, tout en l'ouvrant. Voilà. On m'a relâchée le jour même, sur l'intervention d'un ami, avocat ou juge, nommé G...
Breton, Nadja,1928, p. 92. 3. [En parlant d'un État ou d'une organ. internat.] a) ÉCON. POL. ,,Action spécifique en matière économique, sociale, policière, etc.`` (Admin. 1972); ,,action volontaire des pouvoirs publics, directe ou indirecte, exercée sur l'économie pour orienter celle-ci dans un sens conforme à la politique économique menée`` (Bern.-Colli Extr. 1976). Cf. interventionnisme A.Synon. action.Intervention de l'État, du gouvernement, des pouvoirs publics : 5. Un esprit vaste et vigoureux devait alors accueillir (...) l'initiative des créateurs privés dans le libre échange, et l'intervention créatrice de l'État, qui anime les travaux publics, suscite le crédit, lance les hommes au-delà des mers.
Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 8. b) POL., DR. INTERNAT. Fait d'agir hors des frontières, d'intervenir dans un domaine qui ne relève pas de sa compétence; en partic., action d'intervenir dans un conflit armé. Cf. interventionnisme B. Synon. immixtion, ingérence, intrusion; anton. neutralité, non-intervention.Intervention armée, militaire; intervention alliée; intervention des forces de l'O.N.U.; politique d'intervention; forces, troupes d'intervention. Une guerre civile, qui devait entraîner plus tard l'intervention du Brésil, décimait les deux partis de la république (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 200).Thiers avait été chargé d'une mission pour solliciter l'intervention de l'Europe. Partout il essuya des refus. Personne alors ne voyait le danger d'une grande Allemagne (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 218).Préparer l'intervention rapide des réserves françaises en zone britannique et celle des réserves britanniques en zone française (Foch, Mém., t. 2, 1929, p. 116):6. D'autre part, le Président Roosevelt, sitôt réélu, le 5 novembre, accentuait par ses démarches diplomatiques et ses déclarations publiques son effort pour entraîner l'Amérique vers l'intervention. Mais l'attitude officielle de Washington restait la neutralité, d'ailleurs imposée par la loi.
De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 122. 4. MÉD. Action thérapeutique destinée à enrayer une maladie, à modifier un état pathologique. Synon. traitement.Intervention médicale. L'ayant elle-même guéri plusieurs fois de tel ou tel malaise analogue, elle n'avait pas même songé à l'intervention dangereuse d'un médecin (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 227): 7. Il n'est pas permis de nos jours de conclure à l'inefficacité absolue de la médecine et il faut accorder, qu'en nombre de cas particuliers, des malades auraient succombé, que l'intervention des médecins a conservés.
Gaultier, Bovarysme,1902, p. 192. − En partic. Intervention chirurgicale et, p. ell., intervention (euphém. usuel). Opération chirurgicale. Intervention cruelle, dangereuse, décisive; intervention « à chaud »; pratiquer une intervention; être soumis à une intervention; subir une petite intervention. Ne la lâchant pas, comme un chirurgien attend la fin du spasme qui interrompt son intervention, mais ne l'y fait pas renoncer (Proust, Swann,1913, p. 362).Entre le diagnostic de l'abcès et l'intervention, n'ai pensé qu'à une chose : que l'opération soit faite au plus vite, − pour réussir (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 997): 8. Sans cesse, lui, si actif les dix ou douze premiers jours, il prononçait, devant des cas qui nécessitaient une intervention rapide, le dilatoire : « Nous opérerons demain » du chirurgien paresseux.
Bourget, Sens mort,1915, p. 95. B. − [À propos d'une chose] 1. Fait d'agir, d'avoir un rôle déterminant (parmi d'autres éléments, d'autres facteurs). Synon. action, rôle.Les phénomènes de combustion ont besoin de l'intervention de l'air (oxygène) et cela n'a pas lieu pour les phénomènes de fermentation (Cl. Bernard, Notes,1860, p. 84).Il fut pris d'une joie dont il ne fut pas plus le maître que d'un état physique qui se produit sans intervention de la volonté (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 866): 9. En l'absence de maladie, le vieillissement est un processus très lent. Quand il devient rapide, on doit soupçonner l'intervention d'autres facteurs que les facteurs physiologiques. Ce sont, en général, des soucis, des chagrins, ou des substances produites par une infection bactérienne, par un organe en voie de dégénération, par un cancer, qui sont responsables de ce phénomène.
Carrel, L'Homme,1935, p. 203. 2. Action de se produire au cours d'une évolution. Par quelles interventions de prodigieux avatars, de lentes transformations, de nuances insensibles, Gabrielle peu à peu était devenue Tata? Mystère (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., 1, p. 54).Mon expérience (...) m'a enseigné que le cours des événements peut toujours être dévié par l'intervention au moment opportun d'un facteur opportun (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 235). Prononc. et Orth. : [ε
̃tε
ʀvɑ
̃sjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1322 « action d'intervenir » (S. Berger, La Bible fr. au Moyen-Age, p. 268); 2. 1552 « fait de survenir » (Est.); 3. 1690 jurispr. (Fur.); 4. 1877 chir. (Journal de méd. et de chir. pratiques, XLVIII, 19 ds Quem. DDL t. 8). Empr. au b. lat. jur.interventio « garantie, caution », dér. de intervenire (intervenir*). Fréq. abs. littér. : 1 332. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 056, b) 1 428; xxes. : a) 1 837, b) 2 892. Bbg. Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp. 126-129. - Quem. DDL t. 8. |