| * Dans l'article "INTERPRÉTER,, verbe trans." INTERPRÉTER, verbe trans. I. − Traduire (un texte ou des paroles) d'une langue dans une autre. Les Septante ont interprété l'Ancien Testament (Ac. 1835-1935; dict. xixeet xxes.). II. − P. ext. A. − 1. Expliquer, chercher à rendre compréhensible ce qui est dense, compliqué, ambigu. Synon. commenter, déchiffrer, élucider.Interpréter un document, un message. Michaëlis a étudié les langues, les antiquités et l'histoire naturelle de l'Asie, pour interpréter la Bible (Staël, Allemagne, t. 5, 1810, p. 42).J'ai mal interprété le quatrième hiéroglyphe de la cinquième ligne perpendiculaire où se trouve la conjuration des serpents (Gautier, Rom. momie,1858, p. 326): 1. ... Émile Gavelle avait déjà cru pouvoir interpréter la fameuse inscription « Johannes de Eyck fuit hic » placée au fond des Arnolfini comme une affirmation que le peintre s'identifiait à celui près duquel il l'avait tracée : « Jean van Eyck a été ce miroir ».
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 68. − Emploi pronom. à sens passif. Les Saintes Écritures s'interprètent, s'expliquent par la tradition (Dupanloup, Journal,1849, p. 87). 2. DR. PUBL. Interpréter une loi, un arrêt. ,,Dégager le sens exact d'un texte qui serait peu clair, en déterminer la portée, c'est-à-dire le champ d'application temporel, spatial et juridique, ainsi que l'éventuelle supériorité vis-à-vis d'autres normes`` (Jur. 1974). Les règles de bon sens ou de logique d'après lesquelles les juges devront interpréter et appliquer les lois écrites (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 409).Cette loi fut mal interprétée : ainsi en 1895 la Cour Suprême se refusa à dissoudre l'American Sugar Refinery Co, sous prétexte que la loi Sherman n'était applicable qu'à une entente restreignant le commerce (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1966, p. 442). B. − 1. Donner un sens personnel, parmi d'autres possibles, à un acte, à un fait, dont l'explication n'apparaît pas de manière évidente. Synon. analyser, comprendre.Interpréter un phénomène, un événement de diverses façons; interpréter un comportement, une expression du visage, une phrase, un silence. Il me semblait qu'on pouvait interpréter le décret en question non comme une preuve que la guerre serait courte, mais comme l'imprévoyance qu'elle le serait (Proust, Temps retr.,1922, p. 744).Il feignit d'interpréter comme un congé le regard surpris, vaguement soupçonneux de son chef (Bernanos, Crime,1935, p. 776): 2. ... on entendit ma tante approcher. Sans doute voulait-elle nous avertir, car elle faisait beaucoup plus de bruit qu'il n'était nécessaire (...). Craignait-elle de nous surprendre? Du coup, j'interprétai différemment sa continuelle présence durant la leçon du docteur.
Gide, Geneviève,1936, p. 1406. ♦ Emploi pronom. à sens passif. La gravité douce et tendue avec laquelle il lui parlait pouvait s'interpréter comme un hommage à l'intelligence qui perçait dans sa grâce attentive (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 184). − En partic. (notamment dans l'Antiq.). Donner un sens allégorique, symbolique, mystique à. Interpréter un rêve, un présage, le vol des oiseaux, un oracle. On peut donc espérer que la théorie cérébrale conduira finalement à bien interpréter les songes, et même à les modifier, suivant le vœu prématuré de toute l'antiquité (Comte, Catéch. posit.,1852, p. 160). 2. En partic. Déformer la réalité de, donner un sens le plus souvent défavorable à. Quant à la masse du public, elle interpréta cette hécatombe dans le sens de ses désirs, c'est-à-dire comme une délivrance de toutes ses obligations (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 36).Mais Testevel interprétait les moindres mots, les moindres signes, dans le sens le plus favorable (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 216): 3. De son aveu, jamais le curé de Luzarnes ne se sentit plus injustement mortifié. − M. Saint-Marin, confia-t-il à son ami Gambillet, m'a paru plus poète que philosophe et capable d'interpréter à sa guise les paroles d'autrui. Mais quelle raison de se mettre en colère?
Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 285. ♦ Emploi pronom. à sens passif. Tu sais aussi bien que moi que dans les villes de province tout se remarque, tout s'interprète et tout se découvre (Sand, Jacques,1834, p. 270). ♦ Loc. verb. Interpréter à mal. Donner un sens défavorable à. La crainte que j'éprouvais qu'on interprétât à mal mon silence (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 744).On interpréta à mal quelques lignes à la louange du roi (About, Grèce,1854, p. 342). ♦ Absol. Je crois qu'elle interprète, juge, parle et tranche beaucoup trop (...). Son mari, qui est un serin, l'écoute bouche bée (Gyp, Mmela Duchesse,1893, p. 76).Ne déraillons pas; procédons avec méthode et par ordre; ne cherchons pas à interpréter et à extrapoler avant d'avoir établi des repères (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 228). − PSYCH. Attribuer une signification déformée ou erronée (à un fait réel ou à un événement). Elle [la constitution paranoïaque] est caractérisée par une hypertrophie du sentiment de sa propre personnalité (...), par la tendance à interpréter les circonstances ou les actes d'autrui dans un sens hostile (Codet, Psych.,1926, p. 133). III. − Domaine artistique A. − THÉÂTRE, CIN., MUS. Jouer un rôle ou un morceau de musique en traduisant de manière personnelle la pensée, les intentions d'un auteur ou d'un musicien. Interpréter Don Juan; interpréter une fugue, une sonate. Peu de mois avant sa mort, Sarah Bernhard interpréta le rôle d'Athalie (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 194).Le groupe orchestral souffrira d'une impression d'affaiblissement, d'inefficacité en interprétant une œuvre mal composée orchestralement (Arts et litt.,1935, p. 38-11): 4. Ceux qui ont eu la bonne fortune d'entendre M. Faure interpréter Rédemption [de Gounod] n'ont pas oublié l'intensité d'expression de plusieurs récitatifs, parfois renfermés dans quelques notes...
Saint-Saëns, Portr. et souv.,1909, p. 101. − [P. méton. de l'obj.] ♦ [L'obj. désigne un aut.] Interpréter Racine, Shakespeare; interpréter Beethoven, Chopin. C'est navrant pour un homme de valeur, d'être interprété dans une telle salle par de tels comédiens (Goncourt, Journal,1874, p. 1001).Loc. verb. Interpréter à faux. Ne pas respecter les intentions de l'auteur ou du musicien. On en voit beaucoup d'autres qui l'interprètent à faux [Gluck] (P. Lalo, Mus.,1899, p. 316). ♦ [L'obj. désigne une œuvre] Interpréter Le Médecin malgré lui. Cet hiver de 1629 où le jeune Corneille voyait Montdory, Jodelet, Le Noir et sa femme, interpréter sa gracieuse et libre comédie [Mélite] (Brasillach, Corneille,1938, p. 99). B. − GRAV., PEINT., SCULPT. Reproduire (un modèle ou la nature) de manière personnelle, selon sa propre vision des choses. Suivant ce que l'on veut faire, on aborde directement le cuivre, ou bien, dans le cas d'un dessin à interpréter dans les mêmes dimensions, on se sert du calque (M. Lalanne, Grav. eau-forte,1866, p. 23).[Dessins de Boucher dans la collection Thibaudin] Le trait reste gras et puissant; mais à l'exécution de l'ouvrage c'est déjà une génération nouvelle de graveurs qui interprète Boucher (Nolhac, Boucher,1907, p. 190). − Absol. Ce malheur d'avoir trop bien fait doit arriver aux graveurs qui interprètent, et il n'y a peut-être qu'un peintre de génie qui puisse pardonner à son copiste d'avoir eu plus de talent que lui (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 272): 5. Le dessin est une lutte entre la nature et l'artiste, où l'artiste triomphera d'autant plus facilement qu'il comprendra mieux les intentions de la nature. Il ne s'agit pas pour lui de copier, mais d'interpréter dans une langue plus simple et plus lumineuse.
Baudel., Salon,1846, p. 150. REM. 1. Interprétable, adj.Que l'on peut interpréter. Parmi les faits les plus difficilement interprétables, il y a surtout ceux qui touchent (...) aux virus provisoirement ou définitivement endormis (P. Morand, Confins vie,1955, p. 162). 2. Interprétateur, subst. masc.Celui qui explique, cherche à rendre compréhensible. Cette exégèse biblique que Richard Simon conciliait encore avec la foi par la subtile hypothèse que les interprétateurs des livres inspirés étaient eux-mêmes inspirés (Philos., Relig., 1957, p. 34-5). Prononc. et Orth. : [ε
̃tε
ʀpʀete], [-pʀ
ε-], (il) interprète [-pʀ
εt]. Ac. 1694, 1718 interpreter, ensuite -préter. Étymol. et Hist. 1. a) 1155 « expliquer ce qu'il y a d'obscur dans un récit » (Wace, Brut, 7540 ds T.-L.); b) 1485 « tirer un présage de (ici en parlant d'un songe) » (Myst. V. Testament, éd. J. de Rothschild, 19126); c) 1538 « donner à une chose telle ou telle signification » (Est.); d) 1844 « jouer un rôle sur scène, exécuter une œuvre musicale » en interprétant Mozart et Beethoven (Balzac, Splend. et mis., p. 342); 2. ca 1434 « traduire d'une langue en une autre » ([Advis à Isabelle de Bavière ds] Bibl. des Chartes, 6esérie, t. II, p. 134 ds Littré). Empr. au lat. class.interpretari « expliquer, éclaircir; prendre dans tel ou tel sens; traduire », lui-même dér. de interpres, -etis, v. interprète. Fréq. abs. littér. : 1 092. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 205, b) 857; xxes. : a) 1 484, b) 2 262. |