| INTELLECT, subst. masc. [Chez l'homme p. oppos. aux animaux] A. − PHILOSOPHIE 1. [Dans la philos. aristotélicienne et scolast.; dans la hiérarchie des facultés de l'âme] Faculté de connaître, de comprendre. Synon. intelligence (v. ce mot I A 1), esprit.Aristote l'enseigne : rien n'est dans l'intellect qui n'ait été d'abord dans la sensation (France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 375): 1. ... [Aristote] sait que l'homme n'est pas un animal comme les autres. Animal raisonnable, l'être humain semble posséder en soi plus que la forme de son corps; il y a dans l'âme humaine un principe d'opérations indépendant du corps dans son exercice et par conséquent supérieur à ce que serait une simple forme substantielle, c'est l'intellect.
Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 182. − [Chez Aristote] Intellect patient ou passif ou possible (en lat. intellectus patiens). ,,L'intelligence en tant qu'elle reçoit des connaissances par le moyen des sens`` (Goblot 1920). L'intellect passif contient en puissance les formes universelles, telles qu'elles existent en acte dans la pensée divine. (...) il demeure donc nécessairement indéterminé, susceptible de modifications diverses; et on l'appelle aussi l'intellect possible (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 136).Intellect agent ou actif (en lat. intellectus agens). ,,L'intelligence en tant qu'elle élabore ces données, juge, discerne, conclut, et construit la science`` (Goblot 1920). ♦ P. méton. [Chez Abélard] Intellects. Idées générales, universaux. Théorie des intellects. ,,Étude des universaux pris et envisagés dans notre entendement`` (Littré). − P. anal. Jamblique regarde aussi la lumière comme la partie intelligente ou l'intellect de l'ame universelle (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 381). 2. [Dans la philos. mod., dans un sens venant de Leibniz; p. oppos. à sensation et intuition] Faculté supérieure de la connaissance abstraite et logique, faculté d'engendrer et d'utiliser des idées générales, de penser par concepts. Synon. entendement (plus usité en philos.), intelligence (au sens strict I A 1 d) : 2. ... si personne n'a marqué avec la même clarté les limites de l'intellect, incapable de saisir « le vivant », Troxler est seul à savoir aussi que l'intellect reste indispensable à la collaboration de l'être entier. Aussi tient-il à s'opposer à ceux qui prétendent parvenir aux plus hautes contemplations sans avoir passé par tous « les mouvements de la réflexion et de la connaissance discursive ».
Béguin, Âme romant.,1939, p. 89. Rem. 1. ,,Ce mot qui dans le langage scolastique était un synonyme d'esprit ou d'intelligence (au sens fort et général de « capacité compréhensive » s'opposant à la raison purement discursive) n'est plus aujourd'hui (par un total « retournement » de sens) qu'un synonyme vieilli d'entendement`` (Lal. 1968). 2. ,,Par un souvenir de la langue du moyen âge (...) le mot intellect a gardé dans son import quelque chose de plus métaphysique. Entendement, chez les philosophes modernes, est surtout un terme psychologique désignant un ensemble d'opérations mentales; intellect a toujours une valeur gnoséologique (...). Ce mot tend d'ailleurs à tomber en désuétude, si ce n'est dans quelques expressions historiques`` (ibid.). 3. À noter que Kant et Schopenhauer prennent intellect au sens large d'intelligence (supra A 1; d'apr. Lal. 1968). B. − Synon. de intelligence ou esprit (au sens de « ensemble des facultés intellectuelles » ou au sens de « ensemble des facultés psychologiques »).Je m'étonne parfois que la littérature ait si rarement exploité la différence des intellects, les concordances et les discordances qui apparaissent à égalité de puissance et d'activité de l'esprit; entre les individus (Valéry, Degas,1936, p. 17): 3. ... je puis, des années, avoir conçu les idées les plus claires, elles ne me sont rien tant que je ne les ai pas senti passer, de mon intellect, à cette partie de moi où les choses sont plus obscures et impossibles à exprimer (...). Ainsi je ne trouve pas dans Claudel ce plaisir de l'intelligence que tu ressens à y découvrir les idées qui l'ont guidé.
Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1906, p. 65. − [S'emploie souvent p. iron., ou encore par affectation] Se torturer, s'abîmer l'intellect; avoir l'intellect perturbé; fustiger l'intellect des sots. Soudain la vision lui passa par l'esprit, d'une mystification énorme, d'une blague géniale bien faite pour achever de liquéfier l'intellect déjà pas trop solide du père Soupe (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 5etabl., 2, p. 176).Elle parle de son « intellect ». On croirait quelque chose qui est en train de cuire (Renard, Journal,1897, p. 384): 4. ... les pauvres ont le droit de croire qu'ils ont plus d'esprit que nous autres riches : la nécessité les rend subtils, l'envie leur aiguise le sens; qu'ils fassent un héritage et bientôt ils laisseront leur intellect en friche.
Larbaud, Barnabooth,1913, p. 121. Prononc. et Orth. : [ε
̃tεl(l)εkt], [-telεkt]. [-εll-] ds Land. 1834, Nod. 1844, Besch. 1845, Littré, DG et Warn. 1968; [-εl-] ds Passy 1914 et Lar. Lang. fr.; [-εl(l)-] ds Barbeau-Rodhe 1930; [-el-] ds Dub.; [-el] ou [-εl(l)-] ds Pt Rob.; [-lεk] ds Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 2 1787, [-lεkt] ou [-lε] ds Passy 1914. Cf. abject. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1265 intellec (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, II, 31, 18). Empr. au lat.intellectus « faculté de comprendre » formé sur le supin de intellegere « comprendre ». Fréq. abs. littér. : 338. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 114, b) 119; xxes. : a) 127, b) 1 199. |