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INSUFFLER, verbe trans.
A. − Vx. [En parlant de la divinité] Communiquer par le souffle. Insuffler la vie.
[P. anal.] Le philosophe qui s'éprend d'une doctrine aussi haute, et qui s'insère en elle, l'anime sans doute en la pratiquant : tel, l'amour de Pygmalion insuffla la vie à la statue une fois sculptée (Bergson, Deux sources,1932, p. 59).Abandonnée par les maîtres qui lui insufflèrent la vie, la cité retourne à son lent végétement et la Tamise se perd dans les ténèbres barbares (Morand, Londres,1933, p. 4).
Au fig.
1. Communiquer (une idée, un sentiment, une manière d'être).
a) Insuffler qqc. à qqn.Toutefois l'homme du mépris ne se contente pas de nous insuffler la conscience que nous sommes un avec notre corps; il veut que nous connaissions qu'il est la cause libre et responsable de notre dégradation (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 154).Il n'avait plus envie de parler de Nadine et je ne pouvais pas lui insuffler de l'enthousiasme pour un projet qu'il désapprouvait (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 66):
1. Je voudrais insuffler à mes gens une mentalité de pionniers, les animer de cette conception agricole au point de les voir former un clan dans la grande famille paysanne avec son esprit et ses méthodes propres, comme le domaine, un îlot, avec ses fruits individuels, parmi les terres environnantes... Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 222.
b) Insuffler qqc. à qqc.J'espérais qu'Alexeieff, se rendant à mes suggestions, renoncerait à cette attitude pour insuffler, sous sa direction, une allure plus énergique aux opérations roumaines (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 315).Il avait une façon d'insuffler aux poèmes de Laforgue une si déchirante mélancolie, que j'en éprouvais la chair de poule (Carco, Voix basse,1938, p. 83).
2. Suggérer, souffler quelque chose à quelqu'un. Il serait bon que tous les gens qui se cramponnent à la vérité microscopique et se croient des peintres vissent ce petit tableau, et qu'on leur insufflât dans l'oreille avec un cornet les petites réflexions que voici (Baudel., Salon,1845, p. 71).Si au lieu de nous reconnaître, nous nous re-connaissions, je lui insufflerais de me réimprimer un Narcisse in-folio, avec images (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1918, p. 472).
B. − Faire pénétrer (un gaz dans ou à travers quelque chose). Des hommes étaient penchés sur lui, frottaient sa peau avec des flanelles chaudes, lui insufflaient de l'air par la bouche... (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 96).Or, un jour, il ne fut pas peu étonné de s'apercevoir qu'un courant d'air froid insufflé à travers la fonte liquide en élevait la température au lieu de l'abaisser (P. Rousseau, Hist. techn. et invent.,1967, p. 295).
Au passif. La musette (cornemuse) ou ascarile, [est] composée d'un ou deux chalumeaux (...) insufflés par le moyen d'une outre gonflée d'air (Reinach, Mus. gr.,1926, p. 127).
En partic. Mettre (un être anesthésié) en respiration artificielle. Le sang du foie ne devient pas rouge quand on insuffle l'animal. Insuffler avec de l'azote − le sang devient-il rouge? On insuffle toujours avec le même air? (Cl. Bernard, Notes,1860, p. 80).
Faire pénétrer (un produit, une substance par la pression d'un gaz [dans quelque chose]). Nocard a cherché vainement à communiquer la maladie, en insufflant dans la trachée de la poussière obtenue par la porphyrisation de la sérosité virulente, désséchée purement dans le vide, à basse température (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux,1896, p. 257).Dans le procédé Haber-Bosch, le mélange : azote-hydrogène est obtenu par mélange de gaz à l'air et de gaz à l'eau, produits en insufflant alternativement de l'air et de la vapeur d'eau dans des gazogènes à coke ou à lignite (Industr. fr. engrais chim., 1, 1954, p. 33):
2. Une fois cette compote bien dense, bien homogène, l'ouvrière doit, à l'aide d'un chalumeau, l'insuffler dans des globules de verre ronds ou ovales, en forme de boules ou de poires, selon la forme de la perle, et laver le tout à l'esprit-de-vin, qu'elle souffle également avec son chalumeau. Huysmans, Marthe,1876, p. 22.
Au passif. Il l'emmena vers une espèce de châsse ou de cage garnie de verrières, qui laissaient voir un squelette humain conservé prodigieusement; les artères étaient insufflées d'une liqueur rouge, et les veines d'une liqueur bleue (Borel, Champavert,1833, p. 79).
Prononc. et Orth. : [ε ̃syfle], (il) insuffle [ε ̃syfl̥]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. xves. fig. « introduire par le souffle, communiquer » (Pœnit. Adami ds Du Cange, s.v. insufflare; v. aussi Gdf. Compl.), rare jusqu'au xixes. : 1844 (Balzac, Modeste Mignon, p. 56); 2. 1814 méd. (Nysten, s.v. insufflation). Empr. au b. lat.insufflare comme terme méd. et en lat. chrét. au sens 1, dér. de sufflare, v. souffler. Fréq. abs. littér. : 64.