| INSOUTENABLE, adj. A. − [Concernant une attitude active de qqn] 1. [En parlant des manières d'une pers., de certains traits la caractérisant, et p. méton. de la pers. elle-même] Qu'on ne peut admettre, ni justifier; dont on ne peut prendre le parti (contre des opposants). Synon. excessif, inadmissible, intolérable; anton. acceptable, modéré, raisonnable.Vanité insoutenable. Il a des manières insoutenables (Ac.). Un homme insoutenable. (Ac.). Tout ce qui indique le mépris est insoutenable et ne se pardonne jamais (Boiste1834). 2. [En parlant de qqc. relevant du domaine intellectuel, p. méton. d'une pers.] Qu'on ne peut défendre, qu'on ne peut étayer en s'appuyant sur des raisons valables, en opposant des arguments irréfutables (face à des contradicteurs). Synon. indéfendable, injustifiable.Argument, hypothèse, principe, proposition insoutenable. Cette assertion, cette cause, cette opinion est insoutenable (Ac.). Hegel est insoutenable dans le rôle exclusif qu'il attribue à l'humanité, laquelle n'est pas sans doute la seule forme consciente du divin (Renan, Avenir sc.,1890, p. 495).M. Gouy (...) vit, ou crut voir, que cette explication est insoutenable (H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 184): 1. Tant que l'Allemagne parut triompher, le Duce réussit à porter aux champs de bataille des armées mal convaincues. Mais, dès que commença le recul de l'allié, la gageure devint insoutenable et la vague des reniements emporta Mussolini. C'est le suicide, non la trahison, qui mettait fin à l'entreprise d'Hitler.
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 173. − En constr. impers. Il est insoutenable (de/que). Mon compagnon n'est plus un « sale gosse » avec lequel il est insoutenable de penser qu'on puisse rivaliser en quoi que ce soit. Le voici l'homme, l'égal, enfin l'adversaire (Montherl., Olymp.,1924, p. 266). − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Qu'est-ce qu'un poème, sinon l'insoutenable soutenu? (Alain, Propos,1932, p. 1067). B. − [En parlant du choc, de la pression ou de la force que qqc. est susceptible d'exercer sur qqn/qqc. d'autre] 1. Qu'on ne peut recevoir, qu'on ne peut supporter sans fléchir. Le sable, soulevé par le vent, se mêlait aux averses et en rendait l'assaut insoutenable (Verne, Île myst.,1874, p. 54).Le courant de ces eaux violentes et froides pressant son tympan avec une force insoutenable (Gracq, Argol,1938, p. 101). 2. P. anal. a) Qu'on ne peut affronter victorieusement; contre quoi on n'a pas les moyens de lutter valablement : 2. Puisque D est maître de vendre ses chapeaux à 50 centimes meilleur marché que C, à son tour C est libre de diminuer les siens de 1 franc. Or D est pauvre, tandis que C est riche; tellement qu'au bout d'un ou deux ans, D est ruiné par cette concurrence insoutenable, et C se trouve maître de toute la vente.
Proudhon, Propriété,1840, p. 294. b) Qu'on ne parvient pas à supporter sans faiblir, sans défaillir, en raison du caractère excessif de la sensation (de la perception, de la douleur, de l'émotion vécue) qui dépasse les forces de l'individu. Synon. excessif, intolérable.Martyre, supplice insoutenable. Tu es beaucoup trop bon (...) de t'inquiéter de ma santé; (...) je n'ai plus que des douleurs de dents si insoutenables que je ne puis fermer l'œil de la nuit (Staël, Lettres jeun.,1790, p. 413). − Insoutenable de + subst.Un petit tour dans la ville, et puis, dès la première heure, − insoutenable de fadeur et d'anxiété, − le départ (Colette, Entrave,1913, p. 110). ♦ Loc. À la limite de l'insoutenable. À la limite de ce qui est supportable. Son angoisse devenait tragique; l'incertitude l'accroissait à la limite de l'insoutenable (Arnoux, Rêv. policier,1945, p. 708). c) En partic., domaine de la perception (visuelle, olfactive, etc.).Qu'on ne parvient pas à supporter sans souffrance, en raison de son caractère excessif, agressif, dépassant le seuil de tolérance de l'individu. Éclat insoutenable. Ce silence qui lui était autrefois apparu comme une compensation des sottises écoutées pendant des ans, lui pesait maintenant d'un poids insoutenable (Huysmans, À rebours,1884, p. 168).Mais soudain elle défaillit, tant l'odeur de ce bouge était insoutenable, et les matelots l'emportèrent sur leurs bras (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 150).La grande artiste [Sarah Bernhardt] épuisée (...) se levant à l'appel impitoyable du mégaphone venait s'exposer aux feux voraces des projecteurs éblouissants, aux rayons insoutenables des glaces et des miroirs qu'on braquait sur elle (Cendrars, Lotiss. ciel,1949, p. 299). − [P. méton., en parlant de qqc. dont la vue blesse l'individu] : 3. ... à cause du veston (ah! s'il était en pourpoint! le pourpoint sauve tout), Georges paraît encore insoutenable au public, nous chercherons appui dans la phrase de Goethe : « L'effet tragique ne repose-t-il pas partout sur la vue d'objets insoutenables? »
Montherl., Fils personne,1943, p. 272. Prononc. et Orth. : [ε
̃sutnabl̥]. Ac. 1694 et 1718 : insoustenable; dep. 1740 : insoutenable. Étymol. et Hist. 1. Ca 1470 « qu'on ne peut supporter (ennui,...) » (G. Chastellain, L'Oultré d'amour ds
Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 6, p. 69); 2. av. 1654 « inadmissible, indéfendable, injustifiable (opinion, ...) » (Guez de Balzac,
Œuvres complètes, éd. de 1665, t. 2, p. 583). Dér. de soutenir*; préf. in-1*; suff. -able*. Fréq. abs. littér. : 189. |