| INSOUCIANCE, subst. fém. A. − État, caractère d'une personne insouciante (v. ce mot A). Insouciance enfantine, philosophique; insouciance absolue, déconcertante, dédaigneuse, fanfaronne, glaciale; une lâche insouciance; vivre dans une totale insouciance. On se sent aveugle, et on veut l'être; on ne sait où l'on va, et l'on marche. Le charme est dans cette insouciance et dans cette ignorance même (Musset, Mouche,1854, p. 285).Avec son insouciance accoutumée, il acceptait de laisser l'entretien de son foyer à la charge de son fils (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 186): 1. J'avais (...) compris la mort, mais apparemment je ne la croyais pas éternelle. Je ne pouvais me faire l'idée d'une séparation absolue et je reprenais peu à peu mes jeux et ma gaieté avec l'insouciance de mon âge. De temps en temps, voyant ma mère pleurer à la dérobée, je m'interrompais pour lui dire de ces naïvetés qui la brisaient : « Mais quand mon papa aura fini d'être mort, il reviendra bien te voir? » La pauvre femme ne voulait pas me détromper complétement.
Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 233. ♦ Loc. Avec insouciance. De façon insouciante. Synon. rare insouciamment.Faire qqc. avec insouciance; voir les choses avec insouciance. Rocambole, à qui la gaieté revenait, se prit à fredonner avec insouciance (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 310). − [Avec un compl. prép. de désignant l'objet de l'insouciance] État d'une personne qui ne se soucie pas de quelque chose. [Le] critique littéraire d'aujourd'hui (...) qui arrive à une profonde insouciance des formules d'art (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 41).La princesse d'Orviedo (...) ne cherchait pas même à louer, avec son insouciance voulue de tout gain, même légitime (Zola, Argent,1891, p. 247).Il n'était pas loin d'affecter (...) une négligence apparente dans le style et une insouciance de l'originalité extérieure (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 773). ♦ P. métaph. Cette voie magnifique se caractérise par son insouciance du relief du sol. Tracée on dirait par jets de pierre successifs, elle arpente l'espace sans se détourner devant l'obstacle (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 108). − [En fonction de déterm.] Subst. + d'insouciance.Synon. insouciant.Air, moue d'insouciance. Il se prit à sourire, remit philosophiquement les mains dans ses goussets, et allait reprendre son allure d'insouciance (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 14).Elle le crut intéressé, fit une allusion à la question d'héritage. − Oh! l'héritage de papa! et il eut un geste d'insouciance ironique (Zola, Argent,1891, p. 164): 2. Gérard n'était ni soigneux ni propre; il fallait s'occuper de lui comme d'un enfant pour le tenir en toilette convenable. Il apportait le même esprit d'insouciance dans sa chambre, laissant toutes choses traîner à l'aventure : les papiers, les habits et les livres. Cependant une jolie chambre propre, aérée, avec un peu de soleil et quelques fleurs, mettait son esprit en fête.
Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 222. B. − P. méton., rare, gén. au plur. Produits, résultats de l'insouciance. Le style de M. Taine a des insouciances et des richesses de grand seigneur. Il est inégal et heurté sciemment (Zola, Mes haines,1866, p. 161). Prononc. et Orth. : [ε
̃susjɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. 1764 « état ou caractère de celui qui est insouciant » (Beaumarchais, Lettre du 24 déc. ds Proschwitz Beaumarchais, p. 130); 2. 1787 insouciance de « absence de souci, d'inquiétude de (sur quelque chose) » (Volney, Voyage Syr. Eg., t. 2, p. 74). Dér. de insouciant*; suff. -ance*. Fréq. abs. littér. : 652. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 225, b) 968; xxes. : a) 855, b) 693. Bbg. Gohin 1903, p. 238. |