| INSOLENT, -ENTE, adj. A. − Vx, littér. Qui insulte ou blesse par une audace excessive. Comment peut-on être assez insolent pour se sauver d'une prison, surtout quand on a l'honneur d'être gardé par un héros tel que le général Fabio Conti! (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 472). B. − 1. [En parlant d'une pers.] Dont le manque de respect, l'oubli ou le mépris des égards est ressenti comme une impertinence, une insulte ou une injure. Domestique, enfant insolent; grossier et insolent. L'insolent voyou qui vient d'imiter le croassement du corbeau en passant à côté d'un ecclésiastique (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 134).Qui est ce poète d'Elsa? Que nous dit-il? Rien qui rappelle le petit surréaliste insolent de l'autre après-guerre (MauriacNouv. Bloc-notes,1961, p. 175). − Emploi subst. Un jeune insolent. Quand un insolent nous insulte, nous aurions mieux aimé qu'il nous louât (Proust, Temps retr.,1922, p. 901). ♦ En partic. Homme qui manque de respect à une femme. Un insolent a outragé la comtesse de Candale et (...) il s'agit de se battre pour elle (Dumas père, Mariage sous Louis XV,1841, IV, 2, p. 183). − P. métaph. L'herbe et la ronce, et le lierre et toutes les insolentes plantes des ruines s'emparaient déjà des pierres neuves de l'édifice abandonné (Hugo, Rhin,1842, p. 67). 2. [En parlant d'une manière d'être ou de faire] Qui témoigne ou manifeste de l'insolence (v. ce mot B 1). Allure, attitude, mine insolente; ton insolent; discours, propos insolents; paroles insolentes. J'ai reçu hier une lettre de Baudelaire m'invitant à solliciter votre voix pour sa candidature à l'Académie. Or, comme je trouve insolent de vous donner, en cette matière, un conseil, je vous prie de lui donner votre voix, si vous ne l'avez déjà promise à quelqu'un (Flaub., Corresp.,1862, p. 10).Loulou, avec son petit nez insolent et sa bouche de gamin de Paris (France, Vie littér.,1890, p. 246).Des gentilshommes bretons envoyés à Paris pour protester auprès du roi tinrent un langage si insolent qu'ils furent mis à la Bastille (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 25): 1. Une voix lui dit : − Monsieur, ne dors pas. Je veux te demander quelque chose. Alors, ouvrant les yeux, il vit une petite fille blonde qui portait un sarrau vert liberty. Le sarrau était élégant, la petite fille était jolie, mais elle avait des bottines jaunes très fatiguées, et son air n'était pas celui d'une petite fille riche, car il était insolent...
Mille, Barnavaux,1908, p. 253. − En partic. [En parlant d'une manière d'être ou de faire vis-à-vis des femmes] Irrespectueux. Geste insolent. J'ai pensé (...) que ce n'était pas moins mon devoir de te protéger contre un regard insolent que contre toute autre insulte (Hugo, Lettres fiancée,1822, p. 155). C. − 1. [En parlant d'une pers.] Qui offense par son orgueil, son attitude hautaine et arrogante. Une de ces grosses fortunes qui tuent un homme, qui le rendent lourd, fier et insolent (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 232).Une petite femme, les cheveux outrageusement teints, les lèvres passées au minium, les joues émaillées, insolente comme une pintade (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 290): 2. Un homme admirable, c'est Ternande, ce jeune artiste qui (...) a remporté le grand prix de Rome, y est resté les trois ans obligés, et en est revenu plus insolent, plus tranchant et plus impertinent encore qu'autrefois. (...) il avoue naïvement qu'il est le premier peintre de l'époque, et l'on est presque tenté de le croire tant il le dit avec assurance.
Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 285. − Emploi subst. : 3. Ma grand'mère (...) s'était toujours fait une sorte de violence pour accepter (...) l'insolence des parvenus qui avaient partagé sa fortune sans l'avoir conquise aux mêmes titres. De nouveaux insolents arrivaient; mais elle n'était pas aussi choquée de leur arrogance, parce qu'elle l'avait déjà connue...
Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 453. 2. [En parlant d'une manière d'être ou de faire] Qui témoigne d'un orgueil offensant, de l'arrogance. Démarche insolente; maintien insolent; arrogance insolente; orgueil insolent; prétention insolente. Tant de bourgeois égoïstes conservent encore pour les artisans ce dédain insolent que les nobles prodiguaient aux bourgeois et aux marchands eux-mêmes (Robesp., Discours, Constit., t. 9, 1793, p. 498).Peut-être n'avait-il pas l'élégance insolente, la pose délibérée, la forfanterie provocatrice de tel ou tel gentilhomme renommé pour ses prouesses sur le pré (Gautier, Fracasse,1863, p. 225).Des parvenus dont le triomphe est insolent (Zola, E. Rougon,1876, p. 244): 4. ... modèles, demi-mondaines, petites bourgeoises en rupture de classe, vêtues pour la plupart selon l'esthétique baroque du milieu, riant très haut, se penchant sur leurs voisins, s'interpellant d'une table à l'autre, ou gardant au contraire une réserve hostile; elles affichaient toutes un aplomb insolent, dévisageaient le public, se maquillaient avec nonchalance, se dirigeaient, la tête haute, entre les tables, vers la rue ou les lavabos.
Arland, Ordre,1929, p. 155. 3. En partic. Provocant. Ceux qu'éblouissait et exaspérait l'insolent éclat des costumes de plage des gens qu'ils ne connaissaient pas (Proust, Sodome,1922, p. 913).Elle n'avait presque pas de hanches, et pour ses dix-sept ans une poitrine insolente, comme ces fruits qui vont faire éclater leur enveloppe (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 408).Le parfum insolent des filles avec lesquelles il se liait facilement sur le boulevard Montparnasse ou sur le boulevard Saint-Michel (Nizan, Conspiration,1938, p. 32). − Insolent de + subst.Cet hôtel des Champs-Élysées, insolent de lumières, fulgurant de lustres et de tentures rouges par ses volets ouverts (Goncourt, Journal,1868, p. 397). D. − Qui surprend ou provoque par son caractère extraordinaire, insolite ou supérieur. Bonheur, succès insolent; chance, fortune, joie, richesse insolente. Il faisait un temps d'une beauté et d'une tranquillité insolentes (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 276).Je perdrai ce teint vif qui témoigne, comme vous dites, mademoiselle, d'une santé insolente (France, Jocaste,1879, p. 7).Ortègue (...), mordu d'envie plus que de jalousie à la place saignante de son cœur, par la comparaison de sa déchéance avec l'insolente jeunesse de l'officier (Bourget, Sens mort,1915, p. 60).[Dans un texte publicitaire, pour qualifier une caractéristique du produit] Une insolente tenue de route, c'est ainsi qu'une firme de pneumatiques vante à la radio les qualités de son produit (P. Daninos,Dans le ventds Le Figaro, 25 mars 1965 ds Dupré 1972). REM. Insolenter, verbe trans.,rare. Faire ou dire des insolences à quelqu'un. Il ne faut pas insolenter les gens dont on a besoin (Mérimée, Lettres Mmede Beaulaincourt,1870, p. 19). Prononc. et Orth. : [ε
̃sɔlɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Cf. le dér. insolemment XIVes.] 1495 (J. de Vignay, Miroir hist. ds Dauzat 1968); 1542 « insolite, extraordinaire » (M. de La Porte, Epithètes, 283, rods Hug. : nouveauté insolente); 2. 1545 « orgueilleux, arrogant » (J. Bouchet, Ep. mor., I, 14, fol. 35 rods Gdf. Compl.). Empr. au lat.insolens « inaccoutumé, insolite; sans mesure, excessif; effronté, orgueilleux ». Fréq. abs. littér. : 1 011. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 719, b) 1 603; xxes. : a) 1 307, b) 1 186. |