| INNOVER, verbe A. − Usuel, emploi intrans. 1. [Le suj. désigne, directement ou p. méton., une pers.] Introduire du neuf dans quelque chose qui a un caractère bien établi. a) [Avec compl. prép. en, dans, parfois sur] Innover en matière de finances, dans les lois. Il ne serait pas sûr du tout de vouloir innover sur ce point (Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 3).En physique, là où il [Pascal] excelle, là où il innove, il trouve moyen de généraliser le moins qu'il peut (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 40): 1. À la différence de ces artistes français qu'il étudiait, ingénieux inventeurs de formes nouvelles, qui s'épuisent à inventer sans cesse et laissent leurs inventions en chemin, il cherchait beaucoup moins à innover dans la langue musicale qu'à la parler avec plus d'énergie; il n'avait point le souci d'être rare, mais celui d'être fort.
Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 770. b) [Plus souvent sans compl. prép.] Besoin d'innover, ne pas craindre d'innover. Remplir un mot ancien d'un sens nouveau, dont l'usage ou la vétusté l'avait vidé, pour ainsi dire, ce n'est pas innover, c'est rajeunir (Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 44).Le pouvoir d'innover, d'échapper à l'imitation de formes passées (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 12).Il y a deux sortes de novateurs : ceux qui veulent innover, qui cherchent leurs moyens, qui se construisent une manière : Wagner (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 96). ♦ Dans le domaine de l'industr. et des affaires.Capacité d'innover et d'investir. L'entrepreneur innove parce qu'il attend de cette initiative une élévation de son profit (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 632). − [Avec méton. du suj.] Quelque radicale qu'ait été la révolution, elle a cependant beaucoup moins innové qu'on ne le suppose généralement (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 80).Cette propagande n'a en rien innové depuis Cromwell (Morand, Londres,1933, p. 264). 2. Rare [Le suj. désigne une chose] Présenter un caractère de nouveauté, se présenter comme quelque chose de neuf. Mon esprit s'enivre de voir ce qui semble finir se prolonger dans ce qui innove (Barrès, Cahiers, t. 10, 1914, p. 354). B. − Emploi trans. 1. Ne rien innover a) Usuel. [Le suj. désigne une pers.] Ne rien introduire de neuf dans quelque chose qui a un caractère bien établi. L'architecte qui l'avait construite [la Chapelle du Saint-Sacrement] n'avait rien innové et rien tenté (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 181).Il s'est attaché à respecter scrupuleusement les petits, soucieux de rien innover, de ne troubler en rien l'ordonnance, le règlement de ses journées (Bernanos, Imposture,1927, p. 332). − Passif impers. [Avec compl. prép. désignant le domaine de l'innovation] Il n'est rien innové par le présent code aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtiments de mer (Code civil1804, art. 2120, p. 383). b) Rare. [Le suj. désigne une chose] ♦ [Le suj. désigne une chose produite par une pers.] Ne rien apporter de neuf. Cet article [d'un décret] n'avait cependant rien innové quant aux filets traînants (Code pêche fluv.,1875, p. 73).Cette déclaration [royale] a prescrit la refonte de toutes les anciennes espèces d'or sans exception; elle n'a rien innové quant à celle d'argent (Shaw, Hist. monnaie,1896, p. 134). ♦ [Le suj. désigne une chose considérée en soi] Ne pas constituer une nouveauté. Le format [de la Presse] n'innovait rien : le même que les Débats du moment et les autres journaux (Morienval, Créateurs gde presse,1934, p. 58). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne un élément spécifique] a) Introduire quelque chose de neuf, introduire quelque chose à titre de nouveauté (créée par le sujet). − [Sans compl. prép.] Admirateur des anciens avec une certaine indépendance d'esprit, au lieu de les traduire, il [Ronsard] les imita; toute son originalité, toute son audace, est d'avoir innové cette imitation (Sainte-Beuve, Tabl. poés.,1828, p. 68).Quant au système des cellules remplaçant les dortoirs dont parle la règle, il n'a nullement été innové par Dom Guéranger (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 220).Les meilleurs spécialistes de l'architecture de laboratoires, A et J Guilbert (...) ont innové des bâtiments prévus pour admettre toutes les transformations ultérieures (Arts et litt.,1936, p. 10-06). − [Avec compl. prép.] Ce qu'André Chénier avait rénové et innové dans le vers, notre jeune contemporain [V. Hugo] l'a rénové et innové dans la strophe (Sainte-Beuve, Tabl. poés.,1828p. 287): 2. Enfin, ce sont les patrons qui, manquant de tradition, ont innové dans leurs établissements des boissons modernes, américaines, mélangées, dont la saveur ou les noms ont vivement heurté le traditionnalisme des vieux clients.
Fargue, Piéton Paris,1939, p. 45. b) Rare, littér. [Le suj. ne désigne pas le créateur de la nouveauté] Être le premier à faire, à utiliser quelque chose. La reine venait d'innover ces robes (...) où l'on entrevoyait le sein à travers un lacis de rubans agrémentés de pierreries (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 259).Les autres n'ont connu que l'étable et la grange. Vous avez innové la charrue et la houe (Péguy, Ève,1913, p. 783). Rem. On relève, chez Péguy, un ex. de constr. avec inf. : Les autres n'ont connu que d'être malheureux. Vous avez innové d'entrer dans le malheur (op. cit., p. 782); et un ex. d'emploi abs. : Et moi je vous salue ô première pauvresse. Vous savez ce que c'est que d'avoir innové (ibid.). Prononc. et Orth. : [in(n)ɔve], (il) innove [in(n)ɔ:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1315 trans. « introduire qqc. de nouveau dans une chose établie » cont. jur. (Ordonnances de l'Echiquier de Normandie, éd. F. Soudet, p. 214 : se aucune chose estoit... attemptée ou innovée, qu'elle demeure nulle); 1541 emploi abs. (Calvin, Instit., 969 ds Littré). Empr. au b. lat.innovare « renouveler », de novare « renouveler; inventer, forger; changer, innover ». Fréq. abs. littér. : 115. |