| INJUSTIFIABLE, adj. A. − [En parlant d'une chose] Que l'on ne peut justifier. De telles suppositions non exactement justifiées, mais non absolument injustifiables, traversèrent mon esprit (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 132).J'ai besoin de croire que la civilisation n'est pas perdue, et que le massacre, tout en restant à jamais injustifiable et absurde, n'a pas été complètement inutile (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 245): 1. Il inaugure l'entreprise essentielle de la révolte qui est de substituer au royaume de la grâce celui de la justice (...). [Il] refuse (...) Dieu en tant que principe d'amour. L'amour seul peut nous faire ratifier l'injustice faite à Marthe, aux ouvriers des dix heures, et plus loin encore, faire admettre la mort injustifiable des enfants.
Camus, Homme rév.,1951, p. 77. SYNT. Acte, attitude, conduite, dépense, refus, solution injustifiable; émotion injustifiable; abus, jalousie, préjugé, violence injustifiable. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre : 2. ... comment une justification est-elle possible de ce qui par définition prétend transcender toute réflexion? Justifier, n'est-ce pas réfléchir? Ne sommes-nous donc pas dans l'injustifiable, dans l'arbitraire?
Marcel, Journal,1914, p. 99. B. − [En parlant d'une pers.] Rare. Dont on ne peut justifier : 1. l'existence. Un être contingent, injustifiable, mais libre, entièrement plongé dans une société qui l'opprime, mais capable de dépasser cette société par ses efforts pour la changer, voilà ce que réclame d'être l'homme révolutionnaire (Sartre, Sit. III,1949, p. 196). 2. la conduite. Synon. indéfendable.L'Empereur comparait la situation de Ney à celle de Turenne. Ney pouvait être défendu. Turenne était injustifiable, et pourtant Turenne fut pardonné, honoré et Ney allait probablement périr (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 246). REM. Injustifiabilité, subst. fém.,rare. Fait d'être injustifiable. L'on pourrait identifier l'être avec la nature et le néant avec la conscience, celle-là imposant à celle-ci sa contingence, sa misère et son injustifiabilité (J. Vuillemin, Être trav.,1949, p. 16). Prononc. et Orth. : [ε
̃
ʒystifjabl̥]. Att. ds Ac. 1878 et 1935. Étymol. et Hist. 1791 dons injustifiables (Moniteur universel, 12 mars, t. 4, p. 289b). Dér. de justifiable*; préf. in-1*. Fréq. abs. littér. : 49. |