| INFÉRIORITÉ, subst. fém. A. − Rare. Situation, position inférieure dans l'espace. Une infériorité de niveau (Ac.1935). B. − Qualité inférieure de quelque chose. Les deux degrés [du hautbois] : ut #, ré, n'ont pas d'infériorité sonore relativement aux autres (Widor, Techn. orch. mod.,1904, p. 14).Ce système [le dépôt électrolytique] présente une grosse infériorité sur le « shoppage » (Arts et litt.,t. 1, 1935, p. 2-13). − GRAMM. Comparatif*, superlatif* d'infériorité. C. − [En parlant d'une pers., d'un groupe humain] 1. Le fait d'être ou de se juger dans un rapport de dépendance physique, morale ou intellectuelle vis-à-vis d'un autre ou des autres. ♦ État, situation d'infériorité. Où l'on est le plus faible. Mais précisément, en tant que travailleur, Lamarck se trouve à partir de 1795 mis en état d'infériorité manifeste et de relative impuissance par son ignorance des techniques nouvelles de dissection que va mettre en honneur et pratiquer avec maîtrise un nouveau venu, Cuvier (L. Febvre, Combats pour hist., Linné à Lamarck et à Cuvier, 1927, p. 327). ♦ Complexe (v. ce mot II B1) d'infériorité (cour.). Synon. de sentiment d'infériorité.Des agents [allemands] en civil protègent ceux que les soldats italiens molestent, et remettent au pas ces derniers qui aussitôt filent doux. Leurs « complexes d'infériorité » s'affirment en arrogance et jamais ils n'ont porté plus haut la tête que depuis qu'ils ont moins de raisons d'être fiers (Gide, Journal,1943, p. 181).Elle était habillée avec une perfection qui eût donné des complexes d'infériorité à la duchesse de Windsor (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 342). ♦ Sentiment d'infériorité. Impression d'humiliation provoquée par le fait qu'on se sent inférieur à quelqu'un (au plan social, intellectuel). [De grands mariages] établissent des liens nouveaux, brillants, fragiles, entre l'Amérique et l'Europe (...). C'est la fin de l'isolement colonial et de l'ancien sentiment d'infériorité vis-à-vis du vieux continent (Morand, New-York,1930, p. 119): 1. Dès 1911, Adler s'était séparé de Freud en répudiant la théorie sexuelle de la libido et en voyant le ressort essentiel du développement humain dans un essor de la volonté de puissance essayant de compenser un sentiment d'infériorité, tantôt lié à des infériorités organiques tantôt à des infériorités d'ordre psychologique et social.
Delay, Psychol. méd.,1953, p. 159. − Rapport de force défavorable : 2. Cette chute terrible, par la rapidité même, ne nous laisse plus aucune illusion. Elle n'est pas due seulement à l'infériorité de notre aviation et de notre armement motorisé.
Mauriac, Journal occup.,1944, p. 307. 2. Situation sociale inférieure : 3. ... la population presque entière se confondait en un troisième « ordre », le tiers état en France, dont les prérogatives de l'aristocratie perpétuaient l'infériorité originelle.
Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 47. − [Avec une valeur concr.] N'oublions pas que nos plus ardents révolutionnaires puisèrent leur haine de la société dans des disgrâces de nature ou dans des infériorités sociales (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 114).Ces amis dont la seule présence chez lui était un constant et désobligeant rappel au passé, et l'aveu de cette tare, de cette infériorité sociale : la littérature et le travail (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 193). − Vieilli. Caractère humble et respectueux de celui qui est dans une position subalterne. Synon. humilité.On lui vit (...) cet air de respect et d'infériorité vis-à-vis de sa femme qui se trouve toujours dans les hommes qui se condamnent au faible rôle du mari de la Reine (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 167): 4. Il [le roi] ne m'adressa jamais la parole, mais j'entendais tout, et malgré la sévérité de ma consigne et l'infériorité de mon attitude, ma physionomie et mon sourire involontaire exprimaient quelquefois mon admiration pour tant d'heureuses reparties. Ces sourires irrespectueux ne paraissaient pas l'offenser.
Lamart., Nouv. confid.,1851, p. 320. Prononc. et Orth. : [ε
̃feʀjɔ
ʀite], [-fε
ʀ-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1588 « état de ce qui est inférieur (en rang, en mérite) » (Montaigne, Essais, III, 7, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 918); b) 1922 sentiment d'infériorité (Proust, Sodome, p. 662); 2. 1866 « situation inférieure, plus basse (d'une chose) » (Littré). Dér. sav. de inférieur*, d'apr. le lat. inferior (v. inférieur); suff. -(i)té*. Fréq. abs. littér. : 445. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 413, b) 444; xxes. : a) 593, b) 944. |