| INFORTUNE, subst. fém. A. − Mauvaise fortune. Synon. adversité, détresse, malheur.Grande infortune; vivre, tomber dans l'infortune; le poids de l'infortune. Car la pauvreté et le malheur sont héréditaires dans ma famille, et la plupart de mes parents sont morts dans l'infortune (M. de Guérin, Corresp.,1828, p. 15).La pire infortune pour un grand homme, c'est l'admiration des imbéciles (Bloy, Journal,1902, p. 133).Il m'a aidée dans l'infortune. À mon tour, je le soutiendrai (Audiberti, Mal court,1947, III, p. 191). ♦ L'infortune de + inf.Le plus sensible accepterait sans révolte l'infortune d'être incompris (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 206): 1. ... et d'abord mettre fin à l'injustice établie en France; y désorganiser, si j'ose dire, l'injustice. C'est cela que j'eusse demandé au Garde des Sceaux, lors des derniers débats de l'Assemblée consultative, si j'avais l'honneur et l'infortune d'y siéger.
Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 494. ♦ (Subst.) + d'infortune.De misère. Le parfum de l'eau de Cologne (...) donna à ce logis de fugitifs effluves d'opulence (...) que recouvriraient bientôt les graillons des cuisines d'infortune (Arnoux, Roi,1956, p. 8).Compagnon, frère, sœur d'infortune. Personne qui supporte les mêmes malheurs. Il avait appuyé sa tête contre le sein de sa sœur d'infortune (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 403).Tu as tort. Si tu trahis ta compagne de condition, de corps, d'infortune... (Giraudoux, Électre,1937, II, 5, p. 150). − Rare. [En parlant de qqc.] État de ce qui est abandonné. Il acquérait (et cela depuis des années) tous les lopins tombés en infortune sur le bord de ses terres, de façon à créer autour de lui une étendue inhabitée où il fût seul (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 8). B. − Revers de fortune. Synon. calamité, catastrophe.Toutes les infortunes du monde; éprouver des infortunes; supporter les infortunes; raconter ses infortunes. Chavirer au port est ce qu'il y a de plus horrible dans les infortunes maritimes (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1850, p. 154).Entre dix-huit et vingt-deux ans, elle a dû être d'une éclatante et émouvante beauté. Quelles qu'aient pu être ses infortunes de famille (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 31): 2. Nous irons voir aujourd'hui les couvents du Nord, je veux dire tourner autour, car on n'y entre pas comme on veut. Les franciscains ne reçoivent pas les femmes; les carmélites et les clarisses se murent contre les hommes. J'ai connu pareille infortune au Mont Athos où j'ai dû, pour quelques jours, me condamner au célibat.
T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 278. ♦ Infortune(s) conjugale(s). Fait d'être trompé par son conjoint : 3. Pourquoi donc ce mauvais sentiment qui nous porte toujours à nous réjouir des infortunes conjugales d'autrui? Y a-t-il là une jalousie déguisée? Je crois, en effet, que chaque homme voudrait avoir à lui toutes les femmes, même celles qu'il ne désire pas.
Flaub., Corresp.,1853, p. 151. ♦ Infortunes domestiques. Événements malheureux qui arrivent au sein de la famille. Synon. infortunes de famille.Pardon, monsieur, de vous entretenir de nos infortunes domestiques (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 753). ♦ D'infortune en infortune. Quelque chose qui s'abat sur Nerval, et qui va, d'infortune en infortune, jusqu'à prendre entière possession de lui (Béguin, Âme romant.,1939, p. 361). Prononc. et Orth. : [ε
̃fɔ
ʀtyn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1370-72 « revers de fortune » (N. Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, IX, 15, p. 490); 1853 infortunes conjugales (Flaub., supra ex. 3); 2. 1370-80 « détresse, malheur » (Trad. Ovide, Remède d'Amour, 1449 ds T.-L.); 1797 compagnon d'infortune (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1742). Empr. au lat.infortunium « infortune, malheur, châtiment » avec pour la forme influence de fortune*. Fréq. abs. littér. : 824. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 332, b) 865; xxes. : a) 819, b) 557. |