| INFLUX, subst. masc. I. − Fluide. A. − Rare. Ce qui coule, se répand. Attendre l'imprévu qu'apporte l'eau qui coule : (...) l'influx caressant de l'eau froide, obstinée (Cros, Coffret santal,1873, p. 36).[Cette femelle d'homme préhistorique] aspirait les influx ambiants, et s'en imprégnait (Richepin, Truandailles,1891, p. 6). B. − P. métaph. Ce qui s'insinue, se diffuse dans. Celui-ci [le boulevard] ne cessait de déverser, à moins que ce ne fût vers lui qu'ils affluassent, des soldats de toute arme et de toute nation, influx juvénile, compensateur et consolant pour M. de Charlus, de ce reflux de tous les hommes à la frontière (Proust, Temps retr.,1922, p. 800).La communication (...) repose sur le double influx d'aller et de retour (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 10).L'influx salvateur de capitaux dans les pays sous-développés (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 364): 1. ... l'humeur est plutôt un ton général, qui sert de toile de fond à tous les modes définis du cogito. (...) elle est informe et insinuante tout à la fois; elle opère plutôt à la façon d'un parfum qui flotte dans l'air et baigne les formes; comme l'odeur elle est un influx, une influence diffuse...
Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 386. II. − Force agissante. A. − Ce qui agit sur des phénomènes d'ordre matériel. 1. Rare. D'après Averroès l'existence du fini n'est pas intelligible sans l'influx causal de la cause première. L'existence des êtres produits, c'est l'être en puissance, (...) devenant être en acte sous l'influence continue de la première cause (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1229). 2. PHYSIOL. Influx (nerveux). Processus de transmission d'une excitation au long des fibres nerveuses. Conduction, transmission, vitesse de l'influx nerveux. On a tout d'abord assimilé l'influx nerveux à un courant électrique; (...) jusqu'en ces derniers temps (...), la tendance générale des physiologistes était encore de rattacher la transmission de l'influx nerveux à un processus purement physique, et la théorie chimique ne s'est vraiment accréditée qu'à la suite des travaux de Hunt (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 54).Les motoneurones ne sont donc activés par les influx efférents apportant les ordres volontaires que par voie itérative; il faut au moins deux impulsions consécutives pour qu'ils daignent répondre (Piéron, Sensation,1945, p. 372).L'influx nerveux peut être déclenché en un point du nerf, par une action mécanique, chimique ou électrique. Il chemine jusqu'à l'extrémité du nerf avec une vitesse constante (...). L'onde nerveuse est constituée par des courants bouclés (...) qui se propagent à peu près comme des tourbillons de liquide dans un tuyau (Couffignal, Mach. penser,1964, p. 76): 2. On appelle influx nerveux cette activité particulière, cette perturbation qui, née au point d'excitation, se propage le long d'un neurone (d'un nerf) et peut être transmise à un organe effecteur (muscle), en le faisant réagir, ou à un autre neurone, lequel se trouve excité à son tour. La conductibilité est cette propriété qu'ont les neurones (les nerfs) de conduire l'influx nerveux. On ignore encore la nature exacte de l'influx nerveux.
Camefort, Gama, Sc. nat.,1960, p. 226. Rem. Pour Encyclop. univ. t. 2 1968 (s.v. nerveux) ,,« Influx » est un terme impropre, dans la mesure où (...) il évoque l'image d'un fluide qui s'écoule et, par suite, distingue l'agent de son support, la fibre nerveuse, alors que c'est la fibre elle-même qui, en vertu des propriétés de sa membrane plasmique (...) engendre l'influx en chacun de ses points``. − P. ext. Influx (nerveux/vital). Synon. ardeur, dynamisme, énergie, puissance, ressort, vigueur.Il lui arrivait [à Hugo] de s'entraîner à ses poésies les plus éthérées par quelques dessins et poésies obscènes, où se dépensait le trop-plein de son influx vital intérieur (L. Daudet, Idées esthét.,1939, p. 163).Souvent, ces gens-là, par la valeur de leur influx nerveux, ont des vigueurs inattendues (La Varende, Esculape,1949, p. 324).Elle a (...) satisfait amoureusement ses sens aux heures de détente, sans les solliciter aux jours où l'homme ne peut rien distraire de son influx nerveux, où toute perte de potentiel se paie cher, souvent de la défaite irrémédiable (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 95). B. − 1. Ce qui agit sur les dispositions psychiques, intellectuelles, spirituelles de telle personne. Je me rappelai l'évidence que j'avais eue (...) : l'impuissance du raisonnement contre la passion, et qu'il fallait, pour dominer une âme déchaînée, l'influx d'une autre âme, une force d'apostolat (Bourget, Sens mort,1915, p. 167).Djélal-eddin le dicta [le Divan] tout entier sous l'influx du fou de génie [Chems-eddin] qui continuait, même dans la mort, à le fasciner (Barrès, Pays Lev., t. 2, 1923, p. 105).L'influx mystérieux qui émanait de sa jeune maîtresse (Druon, Chute corps,1950, p. 184). 2. THÉOL. Influx (divin). ,,Secours spécial donné à l'homme pour lui permettre d'agir surnaturellement`` (Foi t. 1 1968). Dieu (...) attend (...) que chacun de nous refuse ou non les dons de l'influx souverain dont tout être et toute action tiennent tout (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 86).La couche humaine de la Terre est (...) sous l'influx organisateur du Christ incarné (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 152): 3. ... si la cause, si l'action intérieure est la même pour tous les contemplatifs, elle n'en diffère pas moins (...) suivant les desseins du Seigneur et la complexion de ceux qui les subissent; la différence des sexes change souvent la forme de l'influx mystique, mais elle n'en modifie nullement l'essence; l'irruption de l'esprit d'en haut peut produire des effets divers, mais elle n'en reste pas moins identique.
Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 146. Rem. Les emplois II rappellent ceux de influence, mais influence désigne plutôt une action, tandis que influx désigne plutôt, métonymiquement, la force qui agit. Prononc. et Orth. : [ε
̃fly]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. 1547 [éd.] « influence des astres » par influx de celeste action (Blas. de la goutte, p. 3 ds Gdf.); 2. a) 1768-72 « influence » ici, en partic. celle de l'âme sur le corps (Euler, Lettres à une princesse d'Allemagne, deuxième partie, lettre XIV ds Lal.); b) 1834 le torrent d'influx nerveux ou, si l'on veut, d'électricité vitale (Broussais, Traité de physiol., Paris, Baillière, 2eéd., t. 2, p. 31). Empr. au b. lat.influxus « écoulement », (TLL s.v. 1472, 36), lat. scolast. « influence » (cf. Thomas-Lexikon, p. 396 et Blaise Latin. Med. Aev.). Fréq. abs. littér. : 54. |