| INFINITÉSIMAL, -ALE, -AUX, adj. A. − D'une extrême petitesse, infiniment petit. 1. a) PHILOS. L'infinité d'éléments infinitésimaux et de causes infinitésimales qui concourent à la genèse d'un être vivant (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 226): 1. ... je ne parviens pas à concevoir qu'on puisse supposer la moindre relation psychologique (...) entre l'un de nous, infinitésimal accident de la vie universelle (même entre la terre, cette poussière parmi les poussières) et ce grand tout, ce principe universel!
Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1391. b) [En parlant d'une durée, d'un élément temporel] Dans l'histoire d'un amour et de ses luttes contre l'oubli, le rêve ne tient-il pas une place plus grande même que la veille, lui qui ne tient pas compte des divisions infinitésimales du temps (Proust, Fugit.,1922, p. 538).À la limite, à l'instant, infinitésimal de ma mort, je ne serai plus que mon passé. Lui seul me définira (Sartre, Être et Néant,1943, p. 18).On a dû également préciser que notre rencontre avec ce je-ne-sais-quoi advenait dans l'espace infinitésimal d'une étincelle (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 103). c) SC. [En parlant de quantités, de mouvements] On sait depuis longtemps que la chaleur n'est qu'un mode de mouvement : c'est un mouvement vibratoire infinitésimal des atomes (Flammarion, Astron. pop.,1880, p. 98).Toute son énergie [de l'éther] est due à la force vive des tourbillons infinitésimaux qui y sont renfermés (Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 580).Extraire des traces infinitésimales de radium (Decaux, Mesure temps,1959, p. 57). 2. Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est infiniment petit. L'ennemi nous le voyons bien, l'ennemi infinitésimal, l'ennemi sans pensée,le monde; il se peut même que nous ayons peur, quand l'infinitésimal se secoue un peu trop, cyclone ou volcan (Alain, Propos,1927, p. 750).Leibniz, le philosophe des petites différences, des petites perceptions et des micro-organismes, Leibniz le monadologue attire principalement l'attention sur la zone de l'infinitésimal et sur le microcosme où sont les êtres minuscules (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 38).[La technique] des isotopes radioactifs ou des marqueurs radioactifs, détecteurs de l'infinitésimal, mérite une attention particulière (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 663). 3. P. ext. Extrêmement, infiniment petit. Des ressources infinitésimales. Sans doute, de cette mine d'autrefois, l'expression voluptueuse que prenait aujourd'hui son visage à l'approche de mes lèvres ne différait que par une déviation de lignes infinitésimale (Proust, Guermantes 2,1921, p. 366). − Au fig. [En parlant de quantités non mesurables] . Ma ruse, À moi, qui suis un être infinitésimal, C'est de ne vraiment faire aux hommes aucun mal, Et de vivre pourtant (Hugo, Légende,1883, p. 285).Le travail auquel je me livre sur des traductions anglaises est au fond absurde (...), l'unique objet que je me propose est de sortir de mon texte les nuances infinitésimales (Du Bos, Journal,1922, p. 99). − P. anal. Extrêmement peu actif, presque inexistant. Eh bien, je mène la vie la plus infinitésimale qui se puisse imaginer, à l'extérieur (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 22). − En partic., souvent dans le domaine de la méd. homéopathique.À dose infinitésimale. À très faible dose. La sécrétine, messager chimique élaboré par la muqueuse duodénale et qui, à doses infinitésimales, déclenche la sécrétion interne du pancréas (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 647). ♦ P. anal. Le public ne supporte le génie qu'à des doses infinitésimales, rasé, rogné, épilé, frotté des onguents à la mode... (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1181).V. aussi baquet ex. 4. B. − MATH. Qui utilise les techniques du calcul différentiel et intégral. Analyse, méthode, transformation infinitésimale. L'invention cartésienne (...), en intime liaison avec le calcul infinitésimal, est devenue aussi indispensable à nos représentations du monde que l'est, par exemple, la numération décimale (Valéry, Variété V,1944, p. 224).Cette science qui, au cours du siècle, passait de la géométrie infinitésimale classique à la géométrie différentielle moderne (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 1, 1961, p. 43): 2. On peut dire que les analogies entre algèbre et analyse, et l'idée de considérer des équations fonctionnelles (c'est-à-dire où l'inconnue est une fonction) comme des « cas limites » d'équations algébriques, remontent aux débuts du calcul infinitésimal, qui en un certain sens répond à ce besoin de généralisation « du fini à l'infini ».
Bourbaki, Hist. math.,1960, p. 230. REM. 1. Infinitésimalement, adv.Très peu, de très loin. Que je puis la considérer [la trotteuse] comme devenue un organe, une sorte de visière (...) d'assassin patenté qui dose infinitésimalement son travail (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 18). 2. Infinitésimalité, subst. fém.Cet excellent ami croit à l'infinitésimalité de la Science (Verlaine,
Œuvres posth., t. 2, Souv. et prom., 1896, p. 186). Prononc. et Orth. : [ε
̃finitezimal], masc. plur. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1706 « relatif aux quantités infiniment petites » (Nouvelles de la République des Lettres, Nov., p. 522 d'apr. FEW t. 18, p. 73b). Empr. à l'angl.infinitesimal « id. » (dep. 1704, Hayes ds NED; déjà en 1655 au sens de « l'un des points d'une série infinie », H. More, ibid.), dér. du lat. infinitus (infini*) à l'aide des suff. -esimus et -alis (v. FEW, loc. cit.) Fréq. abs. littér. : 126. Bbg. Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1917-18, t. 30, pp. 137-138. |