| INFILTRER (S'), verbe pronom. A. − [L'action concerne un liquide] Pénétrer comme par un filtre à travers les interstices ou les pores d'un corps solide. Les cerfs-volants (les lucanes) (...) percent des trous dans la fibre, par où la pluie s'infiltre et fait pourrir (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 34): 1. Si même le tribut versé par les neiges et les glaciers est très abondant, il arrive qu'en aval l'eau souterraine afflue. Sous les sables qui succèdent aux amoncellements de blocs et de graviers dont le fleuve s'est déchargé d'abord, elle s'infiltre pour reparaître en sources...
Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 55. − MÉD. [En considération d'une sérosité d'origine organique] Imprégner. La peau est rose, les tissus froids et mous, les muscles détendus, infiltrés de graisse, décolorés (Mounier, Traité caract.,1946, p. 181). − [P. anal. visuelle ou auditive] Passer. Maintenant c'est la voix solitaire, fluette et prolongée, qui roule et s'infiltre en sons pénétrants et doux (Renan, Avenir sc.,1890, p. 196).Malgré les stores, le soleil s'infiltrait par endroits et l'air était déjà étouffant (Camus, Étranger,1942, p. 1182). B. − Au fig. 1. S'introduire furtivement. Les artilleurs, qui se sont mis à savoir une foule de choses, savent que l'ennemi s'est infiltré fort loin dans les bois, et que c'est là qu'on peut le mieux l'atteindre (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 71). 2. Emploi trans. Ils [les dirigeants de l'U.R.S.S.] infiltrent leurs hommes partout (Rapport secret au comité central sur l'état de l'Église en U.R.S.S., introd. Nikita Struve, trad. du russe par S. Benoît, Paris, Éd. du Seuil, 1980, p. 9). 3. S'insinuer. Il avait beau se révolter contre l'esprit latin : cet esprit s'infiltrait en lui (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 775): 2. ... infatigables dans l'obstruction, audacieux dans l'attaque, ils [les socialistes] sont surtout admirables de cohésion. Leurs propositions ne passent pas; leurs idées s'infiltrent, démolissent nos projets de lois, paralysent les majorités intimidées.
Vogüé, Morts,1899, p. 244. REM. 1. Infiltrant, -ante, part. prés. en emploi adj.Par son caractère infiltrant, l'échinococcose [maladie parasitaire due au développement dans les viscères de larves du ténia échinocoque] alvéolaire se comporte comme une néoplasie maligne (Dévéds Nouv. Traité Méd. fasc. 5, 1 1924, p. 330). 2. Infiltrable, adj.Qui se prête à une infiltration. Au total, c'est presque un cercle de forêts et de collines, tout cela sec à la surface; mais ce grès est très-perméable, mais ce sable est très-infiltrable. Et des eaux inaperçues descendent de tous côtés à un grand réservoir qui en occupe le fond (Michelet, Insecte,1857, p. XXXI). 3. Infiltrat, subst. masc.,méd. ,,Opacité pulmonaire provoquée par la pénétration et la fixation de leucocytes à la suite d'une inflammation`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Gastinal et Reilly (...) ont constaté la présence d'infiltrats dans les espaces vasculo-nerveux (Ravautds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p. 404). 4. Infiltreuse, adj. fém.,rare. Qui laisse s'infiltrer. À toute heure, sa voix infiltreuse d'espoir Chuchote un mot tranquille à mon inquiétude (Rollinat, Névroses,1883, p. 27). Prononc. et Orth. : [ε
̃filtʀe], (il s')infiltre [ε
̃filtʀ
̥]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. ca 1370 [ms.] méd. (G. de Chauliac, Grande Chirurgie, ms. Montpellier H 184 ds Fr. mod. t. 33, p. 208); 2. a) 1762 « passer comme par un filtre » (Ac.); b) 1783 « id. (en parlant d'un fluide) » (Buffon, Hist. nat. des minéraux, t. 1, p. 169 : les fontaines proviennent des eaux pluviales infiltrées et rassemblées sur la glaise). B. Verbe pronom. 1. 1752 méd. (Trév.); 2. 1762 « passer comme par un filtre » (Ac.); 3. a) 1827 « s'introduire, se glisser » (Hugo, Cromw., préf., p. 20); b) 1833 « pénétrer peu à peu dans l'esprit, l'âme » (M. de Guérin, Corresp., p. 85). Dér. de filtrer*; préf. in-2*. Fréq. abs. littér. : 140. Bbg. Quem. DDL t. 18 (s.v. infiltrat). |