| INEXPUGNABLE, adj. A. − Qu'il est ou qu'il semble impossible de prendre d'assaut, par la force des armes. Synon. imprenable.Citadelle, cité, forteresse, tour inexpugnable; position, situation inexpugnable. Vers 1455, Frédéric Ier, voulant rendre son château inexpugnable, fit élever une forte tour au-dessus du petit vallon qui le sépare des montagnes au levant (Hugo, Rhin,1842, p. 333).Pieux que, pour rendre plus inabordables les fortifications, on (...) fichait (...) en terre devant elles, et qu'on reliait entre eux (...). Car ils passaient pour rendre une place inexpugnable. Évidemment, cela fait sourire avec l'artillerie moderne (Proust, Sodome,1922, p. 964): Les soldats de Crucha, venus pour défendre le monastère de Beargarden contre les barbares marsouins, s'y établirent fortement. Afin de le rendre inexpugnable, ils percèrent des meurtrières dans les murs et enlevèrent de l'église la toiture de plomb pour en faire des balles de fronde.
France, Île ping.,1908, p. 142. ♦ [P. méton., en parlant de pers.] Ils s'y étaient retranchés [dans un terrain de combat], et se croyaient inexpugnables; mais tout cède aux grandes vues (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 15). − P. ext., parfois p. plaisant. Que l'on ne peut enlever à son possesseur. Le timide lapin s'y creuse [dans les vallées] un terrier inexpugnable sur les pelouses de serpolet et de thym (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 328).J'ai dû demander la résidence de mon choix. Avignon, hélas! est inexpugnable, car le professeur Honorius tient bon, je le sais (Mallarmé, Corresp.,1866, p. 223). B. − Au fig. Qui ne peut être vaincu, qui résiste à tous les assauts. Synon. indomptable, invincible.Force, puissance inexpugnable. Cette conviction orageuse où tournoyait une âme inexpugnable (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 110).Nos automatismes ne sont pas en nous des fatalités inexpugnables (Mounier, Traité caract.,1946, p. 411). ♦ [P. méton., en parlant de pers.] Je crois très-fort qu'il n'y a que deux choses qui pourraient agir sur Zola, la trique ou le manque d'argent. Riche et bien portant, le drôle est inexpugnable (Bloy, Journal,1896, p. 227).Il croyait uniquement et avec ferveur à l'« être » véritable, inaliénable, inexpugnable, divin qu'il était lui-même (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 141). − En partic., vieilli, fam. (parfois p. plaisant.). [En parlant d'une femme ou de sa vertu] Qui résiste à toutes les tentatives de charme, de séduction. Cœur, femme inexpugnable; pudeur inexpugnable. La flatterie (...) échouait sur une fille, qui, depuis long-temps, se savait sans beauté. Mais l'homme de volonté ne trouve rien d'inexpugnable (Balzac, Pts bourg.,1850, p. 140).Elle ménage ce bélître dans l'idée de s'en faire épouser, et (...) se livre à ces simagrées de pudeur hyrcanienne et de vertu inexpugnable, repoussant l'amour des ducs les mieux faits (Gautier, Fracasse,1863, p. 345). REM. 1. Inexpugnabilité, subst. fém.,hapax. L'absence de pont-levis et d'accès maintint à notre forteresse [L'Action française] son caractère d'inexpugnabilité (L. Daudet, Vers le roi,1920, p. 51). 2. Inexpugnablement, adv.D'une manière inexpugnable. En attendant nous étions inexpugnablement retranchés derrière la ligne Maginot (L'Œuvre,30 janv. 1941).Au centre de nous-mêmes, (...) où le vaincu traqué, opprimé, humilié, réduit à presque rien, se retranche inexpugnablement (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 260). Prononc. et Orth. : [inεkspygnabl̥], [-ne-]; [-pyɳabl̥] (Lar. Lang. fr.). Martinet-Walter 1973 [-pygna-], [-pyɳa-] (7/10). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1364-73 [ms.] « qui ne peut être pris d'assaut » rochiers inexpugnables (Bersuire, T.-Liv., ms. Ste-Gen., fo334a ds Gdf. Compl.); 1543 « qu'on ne peut vaincre » force inexpugnable et invincible (Amyot, Crass., 26 ds Littré); en partic. 1636 cœur inexpugnable (Corneille, Illusion comique, V, 4, ibid.). Empr. au lat.inexpugnabilis « imprenable, invincible », dér. à l'aide du préf. in- négatif de expugnabilis « que l'on peut prendre d'assaut », lui-même dér. de expugnare « prendre d'assaut », lui-même dér. de pugnare « combattre, lutter », préf. ex- intensif. Fréq. abs. littér. : 83. Bbg. Delb. Matér. 1880, p. 178 (s.v. inexpugnabilité). - Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1917-18, t. 30, p. 137. |