| INDIVIDUER, verbe trans. Donner un caractère distinct, différent à un être ou à un objet. Synon. individualiser :... il [le christianisme] humanise, non seulement le sujet, mais encore l'objet de l'hiérophanie; il va même jusqu'à individuer la théophanie, au moment où les normes de l'expérience religieuse atteignent un point de perfection idéale.
Philos., Relig., 1957, p. 38-10. − Emploi pronom. Au lieu de m'individuer, j'eusse été ravi de me plonger dans le courant de mon époque. Seulement il n'y en avait pas (Barrès, Jard. Bérén.,1891, p. 181).Partout, la tendance à s'individuer est combattue et en même temps parachevée par une tendance antagoniste et complémentaire à s'associer, comme si l'unité multiple de la vie, tirée dans le sens de la multiplicité, faisait d'autant plus d'effort pour se rétracter sur elle-même (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 259). − PHILOS. Réaliser une espèce dans un individu. Il n'est pas nécessaire d'ajouter une forme à chaque forme pour l'individuer. Nul ne doute que, d'un certain point de vue, Dieu ne soit un individu, et pourtant on ne saurait attribuer son individualité ni à de la matière, ni à une forme supplémentaire qui viendrait l'individuer (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 202). REM. 1. Individuabilité, subst. fém.Aptitude à (ou possibilité d') exister en tant qu'individu. Les auteurs des lois agraires se présentent à des époques différentes; mais sous des noms identiques qui font douter de leur individuabilité : Spurius Cassius, Spurius Melius, Spurius Mecilius (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 115). 2. Individuant, -ante, part. prés. et adj.,philos. [En parlant d'un caractère, d'un principe, d'une qualité] Qui détermine un être ou un objet en tant qu'individu. Les caractères extrinsèques, tels que la situation dans l'espace, l'époque de l'existence, l'appellation, etc., étaient appelés par les Scolastiques : caractères individuants (Goblot 1920 s.v. individuation). La matière ne devient principe d'individuation que parce qu'elle est elle-même rendue individuante par une forme (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 201). 3. Individué, -ée, part. passé et adj.Qui a (reçu) un caractère distinct. Un organisme tel que celui d'un vertébré supérieur est le plus individué de tous les organismes (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 43).L'homme n'est pas seulement personne, c'est-à-dire subsistant spirituellement, il est aussi individu, fragment individué d'une espèce (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 147).Dans toutes les civilisations historiques, l'homme nous apparaît sollicité par des tendances altruistes et des tendances égotistes. En tant qu'être individué, il est animé du désir d'accroissement et, dans ce mouvement, rencontre sur son itinéraire d'autres êtres animés du même désir (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 84). 4. Individûment, adv.Chaque individu considéré séparément; objet par objet. Le philosophe doit savoir entendre généralement, et supposer vrai d'un nombre quelconque de sujets particuliers, ce que le naïf historien des temps primitifs ne s'est représenté qu'individûment (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 194). Prononc. : [ε
̃dividɥe]. Étymol. et Hist. Fin xves. « particulariser, donner le caractère d'individu à » (Jardin de santé, II, I, impr. la Minerve ds Gdf.). Empr. au lat. scolast.individuare « individualiser, donner son individualité à » (xiiies., L. Schütz, Thomas-Lexikon; Blaise Latin. Med. Aev.). Fréq. abs. littér. : 22. |