| INCRUSTER, verbe trans. A. − Emploi trans. 1. Qqn incruste qqc. de qqc.[Le compl. d'obj. désigne l'objet à décorer, le compl. prép. la matière décorative; le plus souvent empl. au passif] Décorer (un objet) avec des fragments d'une matière différente et souvent plus précieuse, en suivant un dessin préparé en creux. Les Égyptiens ne sont pas moins adroits à sculpter le bois de cèdre, de cyprès et de sycomore, à le dorer, à le colorier, à l'incruster d'émaux (Gautier, Rom. momie,1858, p. 231). ♦ Emploi part. passé. Ces messieurs qui louent des ateliers, avec tentures et portières et meubles incrustés de nacre (Ramuz, A. Pache,1911, p. 203). ♦ Emploi part. passé avec ell. du compl. prép. On prit sans discuter, évaluer, peser, comme à une mise à sac. Sièges de prix, lits anciens, commodes incrustées, grandes glaces biseautées (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 60). − P. métaph. : 1. Walter Scott élevait donc à la valeur philosophique de l'histoire le roman, cette littérature qui, de siècle en siècle, incruste d'immortels diamants la couronne poëtique des pays où se cultivent les lettres.
Balzac, Av.-pr. Com. hum.,1842, p. XXVIII. 2. Qqn incruste qqc. + compl. prép. de lieu.[Le compl. d'obj. désigne la matière décorative, le compl. de lieu l'objet à décorer] a) Insérer des fragments décoratifs à la surface d'un objet en suivant un dessin préparé en creux. Il y exécutait alors des mosaïques (...) il se donnait beaucoup de mal pour incruster les pâtes dans le ciment et pour les assembler artistement (France, Puits ste Claire,1895, p. 92).C'est seulement les artisans du fer qui incrustèrent le corail dans les armes des guerriers celtiques (Metta, Pierres préc.,1960, p. 6). − P. métaph. : 2. Car ce n'est pas sans but que la nature incruste
Dans l'albâtre vivant de la poitrine auguste
L'or du cœur maternel...
Sully Prudh., Justice,1878, p. 260. b) P. ext. Faire adhérer fortement (en enfonçant plus ou moins profondément). Le morceau de planche brisée où la figure de saint François avait été sculptée par son père; (...) il la nettoya avec son couteau (...). Il se proposait de l'incruster le lendemain sur l'extrémité intérieure de la proue (Lamart., Graziella,1849, p. 182). ♦ Emploi part. passé. Il ouvrait la caisse incrustée au mur (A. Daudet, Rois en exil,1879, p. 85). − Littér. Si tu incrustes une semence dure et fermée dans une terre fertile (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 840). c) Spécialement − BÂT. ,,Remplacer dans un mur une pierre défectueuse`` (Lar. Lang. fr., Lexis 1975). − BRODERIE. [Le plus souvent au passif et au part. passé] Fixer par une broderie un motif de dentelle dans une étoffe, qui sera ensuite découpée suivant les contours du motif. Pantalons-jupons incrustés de chantilly imitation (Colette, Chambre d'hôtel,1940, p. 161).À 3 cm du bord rouleauté, une valencienne noire de 3 cm 1/2 de large est incrustée au point de Paris (Elle,20 août 1951, p. 12). d) Au fig. Faire pénétrer profondément. Synon. graver.Ursus avait cultivé en lui [Gwynplaine] le saltimbanque, et dans ce saltimbanque, il avait incrusté de son mieux la science et la sagesse (Hugo, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 75).Il sent sa réflexion impuissante contre la décision irrévocable que chaque mot de cette lettre incruste davantage en lui (Martin du G., J. Barois,1913, p. 473). − Emploi pronom. Cette mort, je m'y attendais. Elle me fera plus de peine plus tard, je me connais. Il faut que les choses s'incrustent en moi (Flaub., Corresp.,1853, p. 339). 3. Qqc. incruste qqc.Couvrir d'un dépôt en pénétrant dans les interstices : 3. ... ses mains sont corrodées par ce qui ne peut être que de l'encre grasse d'imprimerie; elle incruste toutes les crevasses de la peau, tout le contour des ongles...
Montherl., Olymp.,1924, p. 344. − Emploi pronom. à valeur passive. [Dans la chaudière] le tuyau plongeur s'incruste fréquemment (Ser, Phys. industr.,1890, p. 171).Ces carbonateurs s'incrustent de bicarbonate de soude, mais après les avoir vidés, on les nettoie avec un jet de vapeur (Ch. Durand, Industr. minér.,1893, p. 41). ♦ P. métaph. Qu'il me soit permis (...) de m'en revenir, tout altéré, au bon La Fontaine, à cette source naïve et courante qui s'oublie parfois, mais qui ne s'incruste jamais (Sainte-Beuve, Portr. contemp., t. 2, 1839, p. 524). B. − Emplois pronom. spécifiques 1. Qqc. s'incruste dans qqc.S'enfoncer dans quelque chose et y adhérer. De telle sorte que la substance vénéneuse, au lieu de glisser sur le poli, s'incrustât dans les ciselures (Thierry, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 170).Peu de toitures eussent résisté à la chute de ces glaçons aigus dont quelques-uns s'incrustaient dans le tronc des arbres (Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 200). − À valeur passive. Les violons, eux, décoraient la salle de billard. Ils s'incrustaient dans l'écrin en velours bleu de roi des meubles d'ébène (Cocteau, Portr. souv.,1935, p. 28). 2. Au fig. Qqn s'incruste + compl. de lieu. a) P. plaisant. S'enfoncer profondément et rester. J'ai été charmé de monter dans la diligence et de m'y incruster chaudement entre deux fortes dames (Nerval, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 17). b) Péj. S'installer (trop) durablement. S'incruster chez qqn, dans une situation. C'est que la masse des armées allemandes s'incrustait sur notre sol (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 426).Elle est bavarde comme une pie!... Elle s'incruste chez la fruitière... Elle en finit plus (Céline, Mort à crédit,1936, p. 376). REM. Incrusteur, -euse, subst.,technol. Celui, celle qui fabrique des ouvrages incrustés. Cette admirable écritoire de laque noir, à décor de plomb (...) et où le grand incrusteur Korin avait donné un exemple de plus (Toulet, Notes art,1920, p. 61). Prononc. et Orth. : [ε
̃kʀyste], (il) incruste [ε
̃kʀyst]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. 1555 « couvrir d'une couche poreuse en forme de croûte » (G. du Choul, Des bains et antiques exercitations grecques et romaines, fo7 rods Gdf. Compl.); 2. 1564 parois ... incrustez de marbre (F. Rabelais, Cinquième Livre ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 145); 3. 1694 « remplacer dans un mur une pierre défectueuse » (Corneille). B. Verbe pronom. 1. 1564 méd. « adhérer fortement à une surface » (A. Paré,
Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, chap. 35, p. 461b); 2. fig. a) 1680 préjugés qui s'incrustent ... dans l'esprit de l'homme (Lauvergne, Recueil de poésies ds Lar. 19es.). b) 1834 s'incruster dans la maison de qqn (Balzac, Femme de trente ans, Œuvr., t. II, p. 768 ds Rob.); 3. 1820 l'or s'incruste sur le fer (Lav.). Empr. au lat.incrustare « couvrir d'une croûte, d'une couche, d'un enduit », dér. de crusta (croûte*). Fréq. abs. littér. : 262 (incrusté : 95). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 418, b) 547; xxes. : a) 360, b) 246. Bbg. Gohin 1903, p. 371. |