| INCOLORE, adj. A. − Qui n'a pas de couleur propre. Synon. limpide, transparent.Liquide, vernis, verre incolore. Le vide incolore des eaux du ciel (Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 235): 1. − De l'eau... De l'eau pure..., répéta M. Ouine, d'une voix peu perceptible. Non pas pure − insipide, incolore, sans fraîcheur ni chaleur...
Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1556. − Qui n'a pas de couleur bien déterminée, qui manque de teint. Synon. pâle.Figure, toujours marmoréenne, incolore (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 240).Cheveux presque incolores, couleur de paille (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 76).V. brillanté ex. 1. B. − Au fig. Qui manque de netteté ou d'éclat. Synon. monotone, morne, terne.Ah! sans la pipe, la vie serait aride, sans le cigare elle serait incolore, sans la chique elle serait intolérable! (Flaub., Corresp.,1843, p. 145): 2. Mais en les apprenant [les incidents concrets de la vie d'Odette], il craignait que ce passé incolore, fluide et supportable, ne prît un corps tangible et immonde, un visage individuel et diabolique.
Proust, Swann,1913, p. 368. − [En parlant de la pers.] Dépourvu d'individualité propre, d'originalité. L'instituteur est un veuf triste, incolore, on sait à peine s'il existe (Colette, Cl. école,1900, p. 25). − [En parlant des expressions hum.] Dénué d'expression, de caractéristique. Sourire incolore. Un lecteur debout lit d'une voix absolument incolore une vie du curé d'Ars (Green, Journal,1946, p. 10). − [En parlant des œuvres de l'esprit] Épithètes, phrases incolores. Rien, en effet, de plus dissemblable que ces deux exécutions du même ouvrage à dix minutes de distance l'une de l'autre. Autant la première avait été flasque et incolore, autant la seconde a été précise et animée (H. Berlioz, Beethoven, Paris, Corrêa, 1941 [1845], p. 173).Les romances à la mode, platement spirituelles, ou même franchement incolores, variées sur trois à quatre thèmes éternels (Nerval, Filles feu, Chansons et légendes du Valois, 1854, p. 638).En vérité, le beau document! le style est incolore, morne, pesant (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 20). ♦ P. plaisant. Opinions incolores. Sans couleur politique. (Ds Lar. 19e-Lar. Lang. fr.). REM. 1. Incoloration, subst. fém.Fait de n'être pas coloré. Il [le peintre] est affecté par l'incoloration du pays, où tout est du gris violet (Goncourt, Journal,1872, p. 878). 2. Incoloré, -ée, adj.Qui n'est pas coloré. Un morne, un léthargique canal [le fleuve du temps], un presque horizontal miroir; et rien ne distinguerait de l'ambiance incolorée cette eau terne, si l'on ne sentait qu'elle coule (Gide, Traité Narcisse,1891, p. 4). Prononc. et Orth. : [ε
̃kɔlɔ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. [1797 « sans couleur » (s. réf. ds Bl.-W.3-5)] 1799 (Annales de Chimie, XXXI, 144 ds Fonds Barbier); 2. a) 1840 fig. « terne, qui manque d'éclat » (Flaub., Corresp., p. 69 : ma douleur est bête, incolore); b) 1841 fig. « indécis, neutre, vague » (Balzac, Corresp., p. 295 : des phrases incolores). Empr. au b. lat.incolor « sans couleur » (CGL II, 254, 48; 583, 51). Fréq. abs. littér. : 156. |