| INCARNAT, -ATE, adj. et subst. I. − Adj. D'une couleur vive située entre le rose et le rouge franc, et rappelant celle de la chair. Tissu incarnat; lèvres incarnates. Des rosiers étaient à l'entour couverts de fleurs incarnates (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 88).L'émail incarnat des ongles (Peyré, Matterhorn,1939, p. 172) : 1. Il regardait cette petite pièce et constatait que rien n'était changé depuis sa dernière visite. Elle restait meublée d'un divan de velours dont le rouge jadis incarnat était devenu de ce rose fané qu'a la confiture de framboise bue par du pain.
Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 111. − Trèfle incarnat. Variété de trèfle à panicule rouge. Synon. farouche1.À leurs pieds coulait une pièce de trèfle incarnat, où de gros bourdons bleus erraient (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 254). II. − Subst. Couleur incarnate. Elles cueilloient les fraises dont l'incarnat teignoit leurs doigts et les gazons d'alentour (Chateaubr., Natchez,1826, p. 108).Les carmins et les incarnats, La pourpre des assassinats, Tous les rubis, tous les grenats Luisent en elles [les fleurs de coquelicots] (Rollinat, Névroses,1883, p. 233) : 2. ... je vis des nuages échancrés dont le doux duvet était d'un rose fixé, mort, qui ne changera plus (...). Mais je sentais qu'au contraire cette couleur n'était ni inertie, ni caprice, mais nécessité et vie. Bientôt s'amoncelèrent derrière elle des réserves de lumière. Elle s'aviva, le ciel devint d'un incarnat que je tâchais, en collant mes yeux à la vitre, de mieux voir, car je le sentais en rapport avec l'existence profonde de la nature...
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 655. − P. métaph. Les animaux perdent avec les années, il est vrai, leur force et leur agilité, mais l'incarnat de la vie ne se change point pour eux en livides couleurs (Staël, Allemagne, t. 5, 1810, p. 185). − En partic. Teinte vive que donne le sang affluant au visage (notamment sous l'effet d'une émotion, d'un effort physique, etc.). La modeste rougeur de son visage (...) ses longues paupières noires (...) dont la couleur, plus foncée que l'ébène, relevoit encore le vif incarnat de ses joues (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 237).Elle s'abandonnait nonchalamment à la caresse du soleil, qui rendait sa peau moite et parait ses joues d'un léger incarnat (Arland, Ordre,1929, p. 42). Prononc. et Orth. : [ε
̃kaʀna], fém. [-at]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Adj. a) ca 1515 incarnade (Arch. Nord B 3511, no123937 ds IGLF : Une autre servyette de petit ouvraige, ouvree d'or, de gris vert, incarnade, tanné et bleu); b) 1528 incarnat (Invent. du château de Taillebourg, éd. Ch. Dangibeaud, p. 38); 2. subst. 1562 nom de couleur (doc. ds Mém. Soc. archéol. Touraine, t. 41, p. 185 ds IGLF : Ces nimphes habillees de toille d'argent et de crespe d'argent varié d'incarnat et de bleu). Empr. à l'ital.incarnato, attesté comme adj. de couleur dep. fin xive-début xves. (Cennini ds Batt.), dér. de carne « chair » formé d'apr. le part. passé de incarnare « incarner ». Bbg. Hope 1971, p. 202. - Wind 1928, p. 20, 145, 200. |