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IMPÉNÉTRABLE, adj.
A. − [En parlant d'un objet ou d'un lieu] Dans lequel ou au travers duquel on ne peut pas pénétrer. C'était cette petite ville avec ses rues où ne passait personne, par une âme, pas un fantôme, avec ses maisons aux fenêtres impénétrables, aux vitres de verre glauque et tout aveuglées du givre matinal, plus fermées sur le regard que des paupières closes (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 164) :
1. ... nous ne savons rien que ce qui se trouve dans les mémoires de Cartan, première exploration à travers une jungle presque impénétrable; mais celle-ci menace de se refermer sur les sentiers déjà tracés, si l'on ne procède bientôt à un indispensable travail de défrichement. Gds cour. pensée math.,1948, p. 314.
SYNT. Bouclier, continent, défilé, endroit, feuillage, fourré, jardin, lacis, masque, mur, passage, rempart, sanctuaire, voile impénétrable; allée, barrière, cuirasse, enveloppe, fenêtre, forêt, forteresse, frontière, haie, nature, obscurité, ombre, région, retraite impénétrable; charmilles, masses, nuages, rameaux, ténèbres impénétrables.
PHYS. [En parlant de la matière] Qui a la propriété de l'impénétrabilité. Molécules impénétrables :
2. Ici apparaît le triomphe du dualisme. La matière est déclarée impénétrable, non pas comme les matérialistes et le vulgaire se le figurent, par le témoignage des sens, mais par la conscience. Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 18.
B. − Au fig.
1. [En parlant d'une pers. et de tout ce qui révèle sa psychol.] Qui ne se laisse pas percer à jour. Caractère, figure, regard, sourire, visage impénétrable; yeux impénétrables; trouver qqn impénétrable; impénétrable amant; bonhomme, femme, fille, homme impénétrable. Il vient de grincer un sourire. Un sourire insondable, impénétrable, amer (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 645).Il assista, impénétrable et serein, aux progrès du cancer (Bariéty, Coury, Hist. méd.,1963, p. 618) :
3. Thérèse avait repris son visage muet et rechigné. Elle était plus immobile, plus impénétrable, plus paisible que jamais. Zola, T. Raquin,1867, p. 57.
2. [En parlant d'une chose abstr.] Qu'il est difficile de connaître ou de comprendre, que l'on ne peut aborder. Tes desseins sont mystérieux, Seigneur, et tes voies impénétrables (A. France, Île ping.,1908, p. 131).L'âme russe est impénétrable (Alain, Propos,1930, p. 974).V. cryptogamme ex. :
4. ... Je crois que la seule parole qui me viendra à la bouche sera : « De quoi s'agit-il? » Mes préoccupations sont tellement impénétrables et incommensurables pour ceux qui m'arrêteront, qu'il me semble qu'à un moment ou l'autre il est fatal que cette évidence doive éclater... Montherl., Malatesta,1946, III, 3, p. 493.
SYNT. Âge, avenir, but, caractère, cœur, conseil, désespoir, esprit, jugement, monde, mythe, mystère, passé, sens, silence impénétrable; doctrine, circonstance, essence, froideur, grandeur, hostilité, intention, phrase, profondeur, sévérité, volonté impénétrable; dogmes, préoccupations, questions, raisons, secrets impénétrables; demeurer impénétrable.
Emploi subst. L'inaccessible ajouté à l'impénétrable, l'impénétrable ajouté à l'inexplicable, l'inexplicable ajouté à l'incommensurable, tel est le ciel (Hugo, Travaill. Mer,1866, p. 301).À quoi bon sonder l'impénétrable? (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 131).
Arg. Coffre fort. (Ds Esn. 1947).
REM. 1.
Impénétrablement, adv.D'une manière impénétrable. Les yeux impénétrablement baissés (H. Bataille, Maman Colibri,1904, IV, 5, p. 29).
2.
Impénétrabiliser (s'), verbe pronom.,hapax. Se rendre impénétrable. Le rieur par excellence prend sa tête la plus chienne, s'enfonce dans son air de plus mauvaise humeur, s'impénétrabilise (Goncourt, Journal,1850, p. 36).
3.
Impénétrant, adj.,hapax. [En parlant d'une pers.] Qui ne pénètre pas, qui ne discerne pas profondément les pensées ou les sentiments des autres. Capable il est vrai des attachements les plus fidèles, mais toujours quelque peu in abstracto; au demeurant aussi impénétrant qu'impénétrable, sinon dans le domaine de l'idée (Gide, Journal,1931, p. 1045).
4.
Impénétration, subst. fém.Manque de pénétration. Impénétration de la nature ou du moins manque de contact (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1895, p. 230).
Prononc. et Orth. : [ε ̃penetʀabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1380 « où l'on ne peut pénétrer; qui ne peut être traversé » (Evrart de Conty, trad. des Problèmes d'Aristote, ms. B.N. fr. 210, fo130b ds Gdf. Compl.); b) av. 1655 phys. atome (...) impénétrable (Gassendi ds Trév. 1704); 1718 « qui a la propriété de l'impénétrabilité » (Ac.); 2. av. 1662 « qu'il est difficile ou impossible de connaître, d'expliquer » (Pascal, Pensées, 199 ds Œuvres complètes, éd. L. Lafuma, 1963, p. 526); 3. 1681« qui ne laisse rien deviner de lui-même » (Bossuet, Discours sur l'hist. universelle, III, 6, p. 513). Empr. au lat. class.impenetrabilis « où l'on ne peut pénétrer », attesté chez les aut. chrét. au sens fig. « qu'il est difficile ou impossible de comprendre ». Fréq. abs. littér. : 833. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 111, b) 1 246; xxes. : a) 1 314, b) 1 135.