| IMPRESSIONNISTE, subst. et adj. I. − Substantif A. − 1. Les impressionnistes. Groupe de peintres qui présentèrent leurs œuvres dans une série d'expositions communes entre 1874 et 1886 et qui partageaient le même refus des conventions traditionnelles de la peinture (dessin, perspective, éclairage d'atelier) et le même désir d'exprimer par la modulation des couleurs l'impression ressentie devant les spectacles de la nature ou de la vie moderne. On appela (...) « impressionnistes » et même, par un barbarisme bizarre, « impressionnalistes » les peintres qui peignaient plus ou moins dans cette manière [celle de Monet] (Mauclair, Maîtres impressionn.,1923, p. 16).L'évolution réaliste ne s'arrêta pas là et, vers la fin du xixesiècle, les impressionistes [sic] cessèrent de s'attacher aux objets en eux-mêmes pour tenter de les résoudre en taches de lumière et de couleur (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 210) : C'est au petit groupe des impressionnistes que revient l'honneur d'avoir balayé tous ces préjugés, culbuté toutes conventions. L'École nouvelle proclamait cette vérité scientifique : que la grande lumière décolore les tons, que la silhouette, que la couleur, par exemple, d'une maison ou d'un arbre, peints dans une chambre close, diffèrent absolument de la silhouette et de la couleur de la maison ou de l'arbre, peints sous le ciel même, dans le plein air.
Huysmans, Art mod.,1883, p. 103. 2. Membre de l'école impressionniste. Je connais de l'impressionniste [L. Forain] que je viens de citer des aquarelles qui décèlent, en effet, un sens très particulier et très vif de la vie contemporaine (Huysmans, Art mod.,1883p. 91). − Peintre adoptant les techniques et les conceptions picturales de cette école. Bien loin d'être les impressionnistes attardés dont on a voulu parfois leur faire endosser le médiocre personnage, ils [les nabis] ont frayé la voie à tous les peintres qui les ont suivis (Dorival, Peintres xxes., 1957, p. 24). B. − P. anal. Écrivain, musicien proche du groupe des impressionnistes (supra A 1) ou que la critique rapproche de ces derniers. Monteverdi, comme Moussorgsky, me semble un « expressionniste » et même un « impressionniste », − ce qui n'empêche pas sa musique d'être construite (Koechlin, Harm.,1930, p. 137). II. − Adjectif A. − 1. Qui appartient au groupe des impressionnistes. Les peintres dits impressionnistes, MM. Claude Monet et Sisley (Huysmans, Art mod.,1883, p. 285).Il [Renoir] a appartenu, comme Cézanne, au groupe impressionniste et partagé son impopularité, puis sa fortune (Faure, Hist. art,1921, p. 218). 2. Qui est relatif au groupe des impressionnistes, qui est caractéristique de l'impressionnisme. L'art, l'école, la méthode impressionniste; l'œil, la touche impressionniste. Cet engouement impressionniste, où toute la peinture est à l'état d'esquisse (Goncourt, Journal,1889, p. 1005).Il s'agit de blesser l'orgueilleuse couleur sans la faire mourir. Ensor y arrive par la modulation impressionniste, par une fragmentation minutieuse, touche après touche, de la surface (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 161). B. − P. anal. 1. a) [En parlant d'un écrivain, d'un musicien] Qui a une technique et des conceptions artistiques comparables à celles des peintres impressionnistes. M. Huysmans est une espèce de misanthrope impressionniste qui trouve tout idiot, plat et ridicule (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 316).Agir et vénérer sont deux choses. J'ai dû, à mon vif regret, en 1916, feindre d'attaquer Debussy. En fait, j'attaquais le debussysme. Vous devinez le jeu des musiciens impressionnistes. Ils s'y prirent avec tant d'adresse que Debussy en souffrit beaucoup l'année de sa mort (Cocteau, Poés. crit.,1960, p. 63). b) Qui est caractéristique de l'impressionnisme, en littérature ou en musique. Charme, climat, vision impressionniste. Le debussysme eût encore comblé d'aise le maître des symbolistes par une autre raison : (...) faire de la musique, selon le mot d'un critique, un « feu d'artifice impressionniste » (Benda, Fr. byz.,1945, p. 284).[Victor Hugo] a traduit ce sentiment avec une acuité extraordinaire, d'une touche déjà impressionniste (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 38). 2. Critique impressionniste. Critique qui ne veut se fonder que sur l'impression ressentie. La critique impressionniste jette son plus bel éclat avec Jules Lemaître, aux Débats, de 1885 à 1895 (Arts et litt.,1936, p. 40-8).L'impressionnisme et le dogmatisme ne s'opposent pas sur le problème essentiel de l'existence des valeurs esthétiques; mais seulement sur la question de leur généralisation. Toutes les deux jugent; mais pour le critique impressionniste, ces jugements ou ces valeurs sont purement personnels (Lalo ds Foulq.-St-Jean1962). 3. P. ext., dépréc. Qui n'est pas rigoureux, qui ne repose que sur des intuitions. Synon. intuitif, subjectif.Nous nous sommes permis de contester (...) l'exploitation impressionniste de tels documents pris isolément (M. Vovelle, De la cave au grenier, Québec, Serge Fleury, 1980, p. 389). REM. Impressionnaliste, subst. et adj.[Nom donné aux impressionnistes lors des premières expositions du groupe] Voir ex. de Mauclair supra I A 1. Prononc. et Orth. : [ε
̃pʀ
εsjɔnist] ou [ε
̃pʀe-]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. Subst. 1874 peint. (L. Leroy ds Le Charivari, 25 avr. d'apr. FEW t. 4, p. 603, note 1); adj. 1876 (Journal officiel, 8 févr., p. 1111, 2ecol. ds Littré Suppl.); 2. subst. 1876 litt. (Flaub., Corresp., p. 359); adj. 1880 (Id., ibid., p. 28); 3. adj. 1877 « qui ne traduit que des impressions subjectives » (Journal des Débats, 19 nov. ds Littré Suppl.). Mot créé, par dérision, par Louis Leroy, à propos d'un tableau de Cl. Monet intitulé Impression : Soleil levant (1874). Dér. de impression* au sens B 4; suff. -iste*. Fréq. abs. littér. : 95. Bbg. Quem. DDL t. 15. |