| IMPOSTEUR, subst. masc. A. − Celui qui trompe, qui abuse autrui par des mensonges, de fausses promesses, dans le but d'en tirer un profit matériel ou moral. Synon. fourbe, menteur, trompeur.Les douaniers nous fouillent, et leur chef oblige mon compagnon de voyage, qui lit un volume de Silvio Pellico, à reporter en Suisse, le livre de « cet imposteur qui n'a dit que des mensonges » (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 431) : 1. ... comme ils ne pouvaient concevoir ni les uns ni les autres qu'on fût assez absurde pour croire à aucune religion révélée, voyant que le père Longuemare ne manquait pas d'esprit, ils le prenaient pour un fourbe. Afin, sans doute, de se préparer au martyre, il confessait sa foi en toute rencontre, et, plus il montrait de sincérité, plus il semblait un imposteur.
A. France, Dieux ont soif,1912, p. 237. ♦ Imposteur littéraire. Synon. de forban littéraire, plagiaire.Elle [l'âme anglaise] a un tel besoin de nature et de rêverie qu'elle écoute avec ivresse un imposteur littéraire parce qu'il dit avoir retrouvé les poèmes barbares des premiers hommes de ses fiords et de ses montagnes (Faure, Hist. art,1921, p. 149). − [Employé comme injure] − « Imposteur! » cria M. Thibault. Il se mit debout. « Ah, ça devait arriver! Je te voyais venir depuis longtemps » (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 725). − Emploi avec valeur d'adj. Ce peintre est bien imposteur ou bien maladroit en évoquant, avec le nom de Chardin, le souvenir de la fameuse raie pendue au Louvre (Huysmans, Art mod.,1883, p. 166).Mais songez à ce que le Saint-Père captif a souffert, entendant ce suppôt imposteur le proclamer républicain! (Gide, Caves Vatican,1914, p. 751). ♦ Littér., vieilli. [En parlant d'une chose] Là, satisfait des biens que donne la nature, Sous un tranquille abri, près d'une source pure, Dédaignant les cités et leur luxe imposteur, Les champs et l'amitié suffiront à mon cœur (Michaud, Printemps proscrit,1803, p. 86).Qui croiroit qu'un héros fait pour tout gouverner, Par un art imposteur se laissât fasciner! (Constant, Wallstein,1809, I, 5, p. 27).Qu'un homme soit sans foi, trahisse sa parole, S'enrichisse aux dépens des gens simples qu'il vole, Qu'habile à manier des chiffres imposteurs, Il soit le plus fripon des grands spéculateurs (Ponsard, Honn. et argent,1853, I, 3, p. 18). − Vieilli. Celui qui répand sur autrui des accusations mensongères. Synon. calomniateur.− Si vous voulez me dire, Monsieur, qui m'a perfidement calomnié, dis-je à M. De Charlus, je reste pour l'apprendre et confondre l'imposteur (Proust, Guermantes 2,1921, p. 559). B. − Celui qui cherche à abuser autrui sur sa propre personne, en feignant les apparences de la vertu, de la sagesse, de l'intégrité, du savoir. Synon. hypocrite.Mais, dès qu'on vous résiste, vous reculez et vous avouez en riant que vous jouez un faux rôle parmi les hommes, charlatans et imposteurs que vous êtes! (Sand, Lélia,1833, p. 67).La fantaisie et la volonté étant prises partout pour arbitres à la place du raisonnement et des faits, il a été impossible jusqu'à ce jour de discerner le charlatan du philosophe, le savant de l'imposteur (Proudhon, Propriété,1840, p. 199) : 2. C'est ainsi qu'on trouve chez La Rochefoucauld, La Bruyère, Kant, toute une théorie de la contrefaçon morale : les actes « conformes au devoir » imitent ce qu'on peut imiter, attrapent ce qu'on peut attraper, une ponctuation par ici, un pas de danse par là, des intonations, des mines contrites et des simagrées; l'imposteur à cet égard n'est rien d'autre qu'un singe.
Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 28. ♦ LITT. [P. allus. à la pièce de Molière : Tartuffe] Ce n'est pas qu'un vrai chrétien puisse ressembler, même de loin, à l'imposteur de Molière; mais d'un Tartuffe à demi sincère, nous devrions toujours avoir l'image présente, pour nous tenir sur nos gardes (Mauriac, Journal 1,1934, p. 82). − En partic. Celui qui usurpe le nom, la qualité, le titre d'un autre; celui qui se fait passer pour autre que ce qu'il est. Synon. usurpateur.Signer que vous n'êtes pas le colonel Chabert, reconnaître que vous êtes un imposteur, (...) le dévouement humain ne saurait aller jusque-là (Balzac, Chabert,1832, p. 124).Il me dit qu'un de ses collègues, qu'il appelle l'imposteur, se fait passer pour moi en vue de soutirer de l'argent à des personnes charitables qui me croient dans une situation difficile! (Green, Journal,1929, p. 22).Mes joues s'embrasèrent; je regardai avec horreur l'imposteur que pendant des années j'avais pris pour le représentant de Dieu : brusquement il venait de retrousser sa soutane, découvrant des jupons de bigote (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 135). Prononc. et Orth. : [ε
̃pɔstœ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1542 « trompeur » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, V. L. Saulnier, chap. 43, p. 255, var.). Empr. au lat. d'époque imp.impostor, -ōris « id. », dér. du lat. class. impōnere. La forme plus francisée emposteur est aussi attestée chez Rabelais (Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, prol., p. 6, 57, var.); cf. imposture. Fréq. abs. littér. : 210. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 458, b) 285; xxes. : a) 190, b) 233. Bbg. Launay (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Genève-Paris, 1977, p. 118. |