| IMPLACABLE, adj. A. − Dont la dureté, la violence reste inflexible, ne peut être apaisée. 1. [En parlant d'une pers.] Ennemi implacable; être implacable dans ses haines; être implacable contre, pour qqn; être implacable à l'égard de qqn. Des escompteurs sans pitié, des usuriers implacables ou des créanciers que la passion anime (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 428).Trotsky (...) l'homme implacable qui n'hésitera pas à abattre, quand il le jugera utile, les socialistes révolutionnaires (Mauriac, Mém. intér.,1959, p. 136). − P. ext. [En parlant d'un attribut d'une pers.] Qui manifeste une telle dureté, une telle violence. Visage implacable. Les yeux du major restaient implacables; l'honneur parlait, il étranglait son attendrissement de brave homme (Zola, Cap. Burle,1883, p. 59) : 1. L'un d'eux [des valets de pied], d'aspect particulièrement féroce et assez semblable à l'exécuteur dans certains tableaux de la Renaissance qui figurent des supplices, s'avança vers lui d'un air implacable pour lui prendre ses affaires.
Proust, Swann,1913, p. 323. 2. [En parlant d'un sentiment, d'un trait de caractère] Colère, haine implacable. La jeune fille folle qui avoit été trouvée au château de Duino, (...) le seul objet qui eût jamais attendri l'implacable férocité de Jean Sbogar (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 218) : 2. ... d'ordinaire, le directeur se montrait d'une sévérité implacable d'homme pur, dès qu'un employé se passait le régal d'une jolie fille, dans une fosse.
Zola, Germinal,1885, p. 1428. − P. ext. [En parlant d'une action] Dont la dureté, la violence est excessive, inhumaine. Répression, vengeance implacable. Je demande un châtiment implacable pour Lourenço Payva. (...) je demande la mort (Montherl., Reine morte,1942, III, 5, p. 213) : 3. Cette organisation primitive, en détruisant l'idée d'un intérêt commun, a été de tout temps une source intarissable de querelles, de haines, de vengeances et de guerres plus implacables que celles des tigres, puisque les vainqueurs dévoroient les vaincus...
Crèvecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 92. B. − Dont la rigueur est inflexible. 1. [En parlant d'une pers.] Plus le don du vers lui venait [à Racine] (...) plus l'ordre lui manquait, l'ordre intérieur (...). Lui-même le sentait bien, l'analyste implacable (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 781) : 4. Agnosticisme total, avec ses conséquences : infinité divine, panthéisme, immortalité de tout et optimisme final, voilà donc le point de départ des grands instructeurs primitifs, pures intelligences et logiciens implacables...
Maeterl., Gd secret,1921, p. 306. 2. [En parlant d'une manifestation de l'esprit hum., d'un trait de caractère] Logique, précision, volonté implacable. Cet homme [Hitler] était seulement une force en mouvement, (...) rendue plus efficace par les calculs de la ruse et d'une implacable clairvoyance tactique (Camus, Homme rév.,1951, p. 223) : 5. ... le propre de ces dernières [les études scientifiques] (...) est d'habituer l'esprit à considérer des grandeurs et des formes matériellement définies, (...) à les enchaîner par un raisonnement implacable et à façonner ainsi cet esprit à une méthode de raisonnement des plus rigoureuses...
Foch, Mém., t. 1, 1929, p. VI. C. − Littér. [En parlant d'une chose difficile à supporter] Que l'on doit inéluctablement subir. Ciel, lumière, pluie, soleil implacable; destin, maladie, sort implacable. L'ouragan se déchaîne, implacable, inattendu dans sa violence et sa férocité (Cendrars, Dan Yack, Plan de l'Aiguille, 1929, p. 119).L'implacable blancheur des sables sous le soleil (Maurois, Byron, t. 2, 1930, p. 226) : 6. ... au moindre coup de vent, un nuage de plâtre s'envolait et s'abattait sur les toitures environnantes (...). Les Baudu désespérés regardaient cette poussière implacable pénétrer partout, traverser les boiseries les mieux closes, (...) se glisser jusque dans leur lit...
Zola, Bonh. dames,1883, p. 597. Prononc. et Orth. : [ε
̃plakabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) 1455 « qu'on ne peut apaiser » (Mielot, Advis directif de Brochard ds Gdf. Compl.); b) av. 1664 destin implacable « auquel il faut se soumettre » (Perrot d'Ablancourt ds Rich. 1680). Empr. au lat. class.implacabilis « implacable », dér., avec préf. in-* à valeur négative, de l'adj. placabilis « qui se laisse fléchir, qu'on peut apaiser » (dér. de placare « apaiser, calmer, adoucir »). Fréq. abs. littér. : 1 016. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 076, b) 2 119; xxes. : a) 1 477, b) 1 378. DÉR. Implacablement, adv.D'une manière implacable. a) [Correspond à implacable A] Il haïssait implacablement ses ennemis (Ac.1878-1935).La meilleure chance qui pourrait vous échoir serait que la loi fût si implacablement, si odieusement exécutée, qu'elle devînt par cela même difficile à défendre (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 85).Il avait fait le serment, si jamais il cessait d'aimer celle qu'il ne devinait pas devoir être un jour sa femme, de lui manifester implacablement son indifférence (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 525).b) [Correspond à implacable B] Ce poème de L'Azur (...) m'a donné beaucoup de mal, parce que bannissant mille gracieusetés lyriques et beaux vers qui hantaient incessamment ma cervelle, j'ai voulu rester implacablement dans mon sujet (Mallarmé, Corresp.,1864, p. 103).Savants qui suivent implacablement leur idée (Bourget, Actes suivent,1926, p. 113).c) [Correspond à implacable C] Une côte toute caillouteuse montant dans le ciel implacablement bleu (Goncourt, Journal,1858, p. 534).Lentement, mais implacablement, les poches se forment sous les yeux (Green, Journal,1939, p. 221).− [ε
̃plakabləmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1878. − 1reattest. 1546 « d'une manière implacable » (Est.); de implacable, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 70. BBG. − Dub. Pol. 1962, p. 320. |