| IMPALPABLE, adj. A. − Qu'on ne peut palper, toucher; sans consistance, de nature immatérielle. Synon. intangible, insaisissable.Ombre, fantôme, substance impalpable. Si je vous parlais du monde invisible, du vaste monde silencieux et impalpable qui est sans caresses et sans baisers (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 209).Dans l'espace surnaturel flottaient, invisibles, impalpables, des myriades de petites âmes qui attendaient de s'incarner (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 51) : 1. Surnaturelle, lumineuse, impalpable, nue et pure, la vision flottait sur la pierre, palpitait moelleusement. Il fixait les yeux sur elle et pourtant il craignait déjà que la caresse de son regard ne fît évaporer dans l'air cette hallucination faible.
Louÿs, Aphrodite,1896, p. 99. − En partic. Qui est léger, trop ténu pour être palpé, presque imperceptible. Synon. délié, fin, léger, subtil.Poudre, poussière, pluie impalpable. Un nuage de poudre fine, de cette farine impalpable dont sont couverts, en été, les chemins provençaux (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 75).Un voile floconneux et bleuâtre de poils longs, impalpables comme une transparente gaze de Perse (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 240) : 2. La pluie, par contre, diminuait d'intensité pour se transformer graduellement comme cela arrive à l'aube dans cette région désolée de la Picardie en un crachin impalpable mais glacé.
Cendrars, Main coupée,1946, p. 66. B. − Qui est imperceptible aux sens en général ou insaisissable par l'esprit. Synon. indéfinissable.Menace impalpable; forme, nuance impalpable. Le sourire dont je parlais est bien celui de Gide : une ironie impalpable, qui est comme une indifférence infiniment ténue et subreptice pour ce pour quoi tant l'on se passionne (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 42).La différence paraît impalpable, à première vue, entre le matérialisme et le mécanisme de la forme (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 44) : 3. Il y avait de la joie dans tout son corps, dans sa démarche, dans les inflexions de sa voix et dans ses silences, une joie impalpable qui émanait d'elle, comme le parfum sort des fleurs.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 167. − Littér., emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. C'est hors d'approche. On est convaincu jusqu'à l'oppression. On a sur soi on ne sait quelle évidence noire. On ne peut rien saisir. On est écrasé par l'impalpable (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 303).Qu'ils nous soulèvent de dessus ce monde et nous rendent sensibles l'impalpable, l'inexprimable et l'invisible (Barrès, Cahiers, t. 12, 1919, p. 195). REM. 1. Impalpablement, adv.De façon impalpable. Le sommeil, la fraîcheur, l'aube grise s'étaient glissés dans la salle, impalpablement, le dancing sentait le petit matin (Sartre, Âge de raison,1945, p. 203). 2. Impalpé, -ée, adj.,hapax. Les plus hautes feuilles des arbres impalpées (Renard, Journal,1894, p. 223). Prononc. et Orth. : [ε
̃palpabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Ca 1440 d'apr. Bl.-W.1-5]; 1. 1517 « qu'on ne peut palper à cause de son immatérialité » (J. Bouchet, Noble Dame, fo152 rods Gdf. Compl.); 2. 1549 « qu'on ne peut sentir au toucher » (A. Du Moulin, Quinte ess. de tout. chos., p. 104, ibid.). Du b. lat. impalpabilis « qu'on ne peut saisir, toucher » (de in privatif et palpabilis « qu'on peut toucher »). Fréq. abs. littér. : 273. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 159, b) 357; xxes. : a) 459, b) 557. |