| IMITER, verbe trans. I. − [Le suj. désigne un animé] A. − [Le suj. désigne une pers. ou un animal] 1. [L'obj. désigne également un animé ou, plus fréq., son comportement, un de ses moyens d'expression] Faire ou s'efforcer de faire (ce que fait une personne ou un animal) dans le seul but de reproduire dans sa particularité (une attitude, un comportement, une façon de s'exprimer). Synon. copier, simuler (qqn, qqc.), répéter (qqc.).Imiter les manières, les gestes. Quelques oiseaux peuvent imiter les accents de l'homme, comme le perroquet, la pie, le corbeau, etc., mais ils ne s'en servent pas d'eux-mêmes (Broussais, Phrénol., leçon 17, 1836, p. 618).J'imitais donc sa réserve, et, comme j'étais assise à côté de lui, notre silence, dans l'animation générale, formait un petit îlot de froideur (Gide, École femmes,1929, p. 1257) : 1. ... les yeux proéminents, les joues gonflées, un bout de langue violette entre les dents serrées, elle tâchait d'imiter l'image qu'elle se faisait d'une personne noyée.
Schwob, Monelle,1894, p. 50. ♦ Emploi abs. : 2. ... assis au fond d'une barque amarrée, j'attendais le vol approcher. − Hubert, quand il fut bien caché, commença d'appeler le canard. Il employait à cet effet deux pipeaux : l'un d'appel, l'autre de réponse. Le voilier lointain entendait; il entendait cette réponse : le canard est si bête qu'il la croyait de lui; de sorte qu'il arrivait vite − pour l'avoir faite, chère Angèle. − Hubert imitait parfaitement.
Gide, Paludes,1895, p.135. − Emploi pronom. passif : 3. ... c'est justement qu'on peut contrefaire l'apparence sans avoir l'essence, c'est qu'imiter [it. ds le texte] est toujours « paraître » et qu'on n'imite l'« être » que si l'on est à son tour et pour sa part. C'est pourquoi la mimique, fût-elle pantomime, n'est jamais que mimique, c'est-à-dire à la fois imitation (ou mimétique) et gesticulation... Ressembler, n'est-ce point sembler sans être? Les gestes et conduites s'imitent, mais l'impalpable intention, comme l'amour lorsqu'il est sincère, s'éprouve toujours pour la première fois.
Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 154. − [P. méton du suj.] Ses gestes imitent ceux de qqn. Qu'est-ce qui ne va pas? dit Dubreuilh d'une voix qui imitait à merveille la sollicitude (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 239). 2. En partic. [Avec une intention de moquerie] Synon. mimer, parodier, singer (fam.), caricaturer.Servigny, un peu gris, imitait l'ouvrier pochard, appelait la marquise la patronne (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Yvette, 1884, p. 547).J'en refaisais moi des grimaces, je me les imitais tout seul! Je me refaisais la gueule à Antoine, pendant qu'il chiait aux cabinets (Céline, Mort à crédit,1936, p. 302). 3. [L'obj. désigne un bruit, un phénomène naturel] Reproduire aussi fidèlement que possible. L'ingénieur-géophysicien a imité les tremblements de terre par des explosions et créé ainsi des ondes artificielles (Rothé, Géophys.,1943, p. 300). B. − [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne une pers. ou un comportement considérés comme un exemple] 1. Adopter les façons de, se conformer à l'exemple de. Synon. aller sur les brisées, les traces de qqn, marcher sur ses pas; suivre son exemple, sa trace.Imiter ses ancêtres, un maître, les anciens; imiter le courage de qqn; imiter beaucoup, tout, l'essentiel de qqn. Peuple qui a beaucoup imité d'un autre. Imitez le Juif qui ne perd jamais son temps à venger des blessures d'amour-propre. Il prend les hommes comme des faits. On ne se venge pas d'une tuile qui tombe (Barrès, Cahiers, t. 9, 1911, p. 141).Modèle unique, où toute femme trouvera de quoi imiter, tout homme de quoi comprendre et aimer toute femme (Alain, Propos,1928, p. 805).Ainsi le cavalier a-t-il en main deux paires de rênes... Des rênes que le Moyen Âge, imitant en cela les Huns et les Mongols, ne manque pas de décorer (P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p. 82) : 4. ... l'église s'était corrompue en imitant le monde profane: elle avait pris les allures d'une administration impériale et les factions qui la déchiraient étaient bien plutôt exaltées par l'appétit du pouvoir que par des raisons religieuses.
Sorel, Réflex. violence,1908, p. 127. ♦ Imiter un exemple, un modèle. Dans notre métier, on reçoit souvent des lettres; il n'est point de chroniqueur qui n'ait communiqué au public quelque épître de ces correspondants inconnus. Je vais imiter cet exemple (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Lettre, 1885, p. 579) : 5. M. Lainé fut, depuis, mon maître. Si j'avais un jour une patrie à servir et une tribune à remplir, le souvenir de son patriotisme et de son éloquence poserait devant moi comme un modèle non à égaler jamais, mais à imiter de loin.
Lamart., Raphaël,1849, p. 273. ♦ Imiter un comportement, une action. Son invention fut bientôt copiée et imitée (Bassermann-Jordan, Montres, horl. et pend.,1964, p. 168).L'initiative française a été imitée dans un assez grand nombre de pays (Traité sociol., 1968, p. 223). 2. Faire la même chose que quelqu'un mais sans chercher à copier son geste. MlleSergent tire sa montre; nous ne la quittons pas des yeux. Elle se lève; nous l'imitons si brusquement que des chaises tombent (Colette, Cl. à l'école,1900, p. 214). 3. PSYCHOL. [Le suj. désigne souvent un être jeune] Copier presqu'instinctivement, consciemment ou non, quelqu'un de plus âgé, de plus averti, ou qui est envié. Le fils imite son père, l'apprenti son patron. Des enfants caractériels imitant le petit frère par jalousie ou la mère par désir de compensation (Jeux et sports,1967, p. 125).V. imitation I B 2 : 6. Tout ce qu'on invente sur l'éducation est misérable, faute d'avoir réfléchi sur la difficulté de penser. On admire le parler de l'enfant, sorte de chant d'oiseau qui imite sans savoir, et qui imite aussi bien le vieux merle, si bien dressé, j'entends l'homme important qui interroge.
Alain, Propos,1929, p. 826. C. − [Le suj. désigne un artiste, un créateur, un savant] 1. BEAUX-ARTS. [Le suj. désigne un peintre, un sculpteur] Reproduire à travers son art les apparences, les formes d'(objets réels pris pour modèles). Les ajustements des femmes, leurs aigrettes, leurs colliers, leurs éventails, les papillons de leurs coiffures, leurs robes à queues traînantes, sont imités d'après les insectes et les oiseaux les plus brillants (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 329).Il [l'automate] est si parfaitement imité qu'il est comme tout le monde : on le prend vraiment pour un homme (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 168). − Dans le domaine des arts et de la littérature.Imiter la nature. Imiter la nature [en art], ce n'est pas copier servilement un objet, c'est surprendre les procédés par lesquels elle le crée pour notre œil, et c'est faire comme elle (Séailles, E. Carrière,1911, p. 66).Pour tenter, sinon une rénovation du théâtre, du moins un effort personnel, j'ai pensé qu'il fallait revenir à la nature même, mais sans l'imiter à la manière des photographes (Apoll., Tirésias,1918, p. 865). − P. méton. [Le suj. désigne l'objet créé, l'œuvre d'art, les sons émis] Musique imitant le bruit d'une source. La couleur cendrée imite la transparence nocturne, ou la pâle clarté qui tombe de la lune sur les villages endormis [toiles de Cazin] (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 404). 2. [Le suj. désigne un savant, un écrivain, un artiste] Prendre pour modèle les méthodes, le style, la manière de. Synon. emprunter à (qqn), s'inspirer de (qqn).Imiter un chef d'école, un maître. En effet, Buffon, à l'aide de Daubenton, est le premier qui ait uni d'une manière continue l'anatomie à l'histoire naturelle. Pallas a suivi son exemple, mais il n'a point été imité par les naturalistes de l'école linnéenne (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. xx) : 7. Les grands classiques du xviiesiècle ont été imités servilement pendant plus de cent ans. Victor Hugo l'était encore au début de ce siècle. Les maîtres du symbolisme, et aussi les Goncourt, le furent presque une dizaine d'années. Cette proportion décroissante est significative. On n'est imité que dans la mesure où les imitateurs se croient originaux en imitant.
Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 157. ♦ P. méton. La coiffure des modèles et des maîtresses de peintres, apparaissant aux vernissages avec des bandeaux à la Vierge et des têtes imitant les têtes des tableaux primitifs (Goncourt, Journal,1892, p. 244).Quoique Elstir ait fait un beau portrait de moi (...). Cela imite les Régentes de l'hôpital de Hals (Proust, Guermantes 2,1921, p. 523). − Péj. Synon. de copier, plagier.Imiter servilement, platement, sans goût. Après avoir imité Delacroix, après avoir singé les coloristes, les dessinateurs français et l'école néo-chrétienne d'Owerbeck, M. Ary Scheffer s'est aperçu (...) qu'il n'était pas né peintre (Baudel., Salon,1846, p. 170).Les musiciens français qui admirèrent le maître de Bayreuth (...) surent pour la plupart assimiler ses théories sans imiter servilement son style (Dumesnil, Hist. théâtre lyr.,1953, p. 187). − Emploi abs. On imita, traduisit, compila, et de nouveau on compila, traduisit, imita (Quinet, All. et Ital.,1836, p. 91). − Emploi pronom. passif. Un poème surréaliste s'imite plus aisément qu'un sonnet (Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 145) : 8. La délicatesse et la finesse sont seules les véritables indices du talent. Tout s'imite, la force, la gravité, la véhémence, la légèreté même; mais la finesse et la délicatesse ne peuvent être longtemps contrefaites. Sans elles, un style sain n'annonce rien qu'un esprit droit.
Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 76. − Emploi pronom. réfl. : 9. Il est essentiel pour l'artiste qu'il sache s'imiter soi-même. C'est le seul moyen de bâtir une œuvre, − qui est nécessairement une entreprise contre la mobilité, l'inconstance de l'esprit, de la vigueur, et de l'humeur.
Valéry, Tel quel II,1943, p. 69. D. − Tenter de reproduire (un document, un titre de paiement) dans l'intention de faire passer la copie pour authentique. Synon. contrefaire, falsifier.Imiter un document, un acte; imiter des billets de banque. Imagine que papa s'est avisé d'imiter ma signature. Ce qu'on appelle un faux (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 254). II. − [Le suj. désigne une chose] Produire le même effet que. Synon. rappeler, ressembler à.Çà et là, des talus à pic imitent la forme des montagnes, et des filets d'eau gros comme le pouce parodient les torrents (Hugo, Rhin,1842, p. 382) : 10. Le nervosisme est un pasticheur de génie. Il n'y a pas de maladie qu'il ne contrefasse à merveille. Il imite à s'y méprendre la dilatation des dyspeptiques, les nausées de la grossesse, l'arythmie du cardiaque, la fébricité du tuberculeux. Capable de tromper le médecin, comment ne tromperait-il pas le malade?
Proust, Guermantes 1,1920, p. 305. − [Gén., le suj. désigne un article destiné à prendre la place d'une matière ou d'un objet plus riche] Depuis quelques années, le tissage des articles imitant la fourrure s'est beaucoup développé (Thiébaut, Fabric. tissus,1961, p. 110).Les chaises en (...) bois imitant le bambou (Viaux, Meuble Fr.,1962, p. 171).Strass. Inventé par Strasser de Vienne pour imiter le diamant et diverses pierres précieuses (C. Duval, Verre,1966, p. 86). REM. Imité, -ée, part. passé adj.[Correspond à imiter I A 2, 3] Simulé, factice. Marbre imité. Angélo était si fatigué qu'il n'y fit pas attention [au charme d'une jeune dame dans la diligence]. La politesse froide qui semblait imitée et pouvait passer pour de l'insolence (Giono, Bonh. fou,1957, p. 77). Prononc. et Orth. : [imite], (il) imite [imit]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1493 « chercher à reproduire ce que fait qqn, de manière à suivre son exemple » (O. de Saint-Gelais, Euraclius et Lucrèce, fol. 65 vods Gdf. Compl.); 2. 1549 « prendre pour modèle l'œuvre de qqn (domaine littér., artistique) » (J. du Bellay, Illustr. I, 8, éd. H. Chamard, p. 46); 3. 1674 B.-A. « reproduire par les moyens de l'art l'aspect sensible de la réalité » (Boileau, Art poét., III, éd. A. Adam et F. Escal, p. 169 : Il n'est point de Serpent ni de Monstre odieux, Qui, par l'art imité ne puisse plaire aux yeux); 4. 1690 (Fur. : le perroquet imite la voix de l'homme); 5. 1789 arts mét. « contrefaire une substance, une marchandise » (Encyclop. méthod., Arts mét. mécan. t. 6, p. 347 : Pierres précieuses. Art de les imiter). Empr. au lat.imitari « reproduire par imitation; être semblable à; exprimer, représenter (d'une peinture, par ex.); simuler », spéc. en lat. chrét. « reproduire par imitation des exemples de vertu, reproduire un modèle idéal » (viies. v. D.B. Botte ds ALMA t. 16, pp. 149-154). Fréq. abs. littér. : 2 737. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 544, b) 3 556; xxes. : a) 3 541, b) 3 726. |