| IGNOMINIE, subst. fém. A. − Au sing. 1. Grand déshonneur (infligé par un jugement social, formel ou implicite), état de dégradation, de déchéance sociale. Synon. infamie, opprobre.Acte, marque d'ignominie; être couvert d'ignominie; être exposé à l'ignominie; vivre dans l'ignominie. La Grèce ignorait nos préjugés aristocratiques, qui frappent d'ignominie quiconque exerce une profession manuelle, et l'excluent de ce qu'on peut appeler le monde distingué (Renan, Avenir sc.,1890, p. 395).Le petit Jean-François connut alors les tristesses réservées aux enfants des familles qui tombent, l'ignominie où chaque jour on enfonce davantage, l'éternel regret du temps où l'on était encore quelque chose (Tharaud, Trag. de Ravaillac,1913, p. 14) : 1. La fadeur de la fausse bonne renommée met en appétit de honte. On dédaigne tant les hommes qu'on voudrait en être méprisé. Il y a de l'ennui à être estimé. On admire les coudées franches de la dégradation. On regarde avec convoitise la turpitude, si à l'aise dans l'ignominie.
Hugo, Travaill. mer,1866, p. 213. − P. méton. Caractère de ce qui cause de l'ignominie, de ce qui est dégradant. L'ignominie d'une condamnation, d'un châtiment. Ces douleurs, Il [le Christ] les a senties de telle sorte que l'ignominie de son supplice et l'angoisse de sa mort physique n'ont été que la faible image de l'angoisse de son âme (Monod, Sermons,1911, p. 200). 2. Caractère de bassesse extrême, de vilenie morale (d'une personne ou d'un acte). Ils ont proclamé la noblesse morale de la dureté et l'ignominie de la charité (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 173) : 2. On nous a reproché d'autre part, de souligner l'ignominie humaine, de montrer partout le sordide, le louche, le visqueux, et de négliger un certain nombre de beautés riantes, le côté lumineux de la nature humaine...
Sartre, Existent.,1946, p. 10. − P. anal. Caractère hideux, répugnant (d'une chose). L'auteur [Zola] relève l'ignominie de sa conception par je ne sais quelle sombre apothéose qui fait planer sur tout Paris une Nana impersonnelle (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 256).Je me rends compte (...) combien un prêtre intelligent peut être incompréhensif dès qu'il s'agit d'art. Je lui parle de l'ignominie monumentale de Lourdes; il ne s'en était jamais aperçu (Huysmans, Foules Lourdes,1906, p. 149). B. − Au sing. et au plur. 1. Action, parole basse et déshonorante. Voyez comme on traite cet homme après tant de services, c'est une ignominie (Ac.1935).Nous vivons dans un âge fréquent en lâchetés, abondant en ignominies, fertile en crimes (A. France, Pierre bl.,1905, p. 56).Le discours par où s'achevait la promenade comportait généralement, en effet, quelque ignominie bien frappée, qui souffletait tout ensemble sur nos joues de soldats vaincus la vérité, la décence et la patrie (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 155). 2. Chose d'une laideur ou d'une saleté répugnante. Nous le suivîmes à sa boutique où nous choisîmes deux costumes, de singes, je crois (...); deux ignominies en tout cas, deux saletés rongées de vermine et d'usure (Courteline, Linottes, Pendule, 1890, I, p. 182).Je ne permets pas que vous avilissiez la beauté du monde, en mettant dans le même panier les saintes harmonies et les ignominies (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 434). Prononc. et Orth. : [iɳ
ɔmini]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Av. 1475 (G. Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 7, p. 119 : Depuis... monta de ignominie a grant gloire); 1572 (Amyot, Alc., 59 ds Littré : a la honte et ignominie des Athéniens); 1587 (La Noue, Disc. polit. et milit., XXVI, 1, p. 695 ds Hug. : irritez d'une telle ignomenie). Empr. au lat.ignominia « deshonneur, tache, honte ». Fréq. abs. littér. : 391. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 383, b) 404; xxes. : a) 1 229, b) 378. |