| HÔTEL, subst. masc. A. − Demeure vaste et somptueuse. 1. Vx. ,,Résidence du roi et p. ext. de l'ensemble des personnes attachées au service du roi`` (Lep. 1948). Grand prévôt de l'hôtel; maître des requêtes de l'hôtel. Les fonctions publiques exercées par les bourgeois leur confèrent de l'autorité. Ils occupent des emplois à l'hôtel du roi, dans ses finances, dans diverses branches de son administration (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 60). 2. Vieilli en emploi abs. Bel immeuble, situé en ville et appartenant à un particulier titré ou fortuné. Hôtel particulier; vieil hôtel du xviies.; faire bâtir un hôtel. Il avait (...) dans la ville de Paris, un très-bel hôtel, comme plusieurs grands seigneurs de France en avaient aussi, afin d'être logés commodément lorsqu'ils y venaient passer quelque temps (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 46).La cousine que tout à l'heure j'ai nommée, (...) habitait, du temps de ma jeunesse rue de Bellechasse, le second étage d'un élégant hôtel particulier (Gide, Si le grain,1924, p. 527) : 1. L'hôtel de Nana se trouvait avenue de Villiers (...), dans ce quartier de luxe, en train de pousser au milieu des terrains vagues de l'ancienne plaine Monceau. Bâti par un jeune peintre, grisé d'un premier succès et qui avait dû le revendre à peine les plâtres essuyés, il était de style Renaissance...
Zola, Nana,1880, p. 1347. 2. ... ce qui m'était apparu autour de Mmede Guermantes comme sa demeure, ç'avait été son hôtel de Paris, l'hôtel de Guermantes, limpide comme son nom (...). Comme l'église ne signifie pas seulement le temple, mais aussi l'assemblée des fidèles, cet hôtel de Guermantes comprenait tous ceux qui partageaient la vie de la duchesse...
Proust, Guermantes 1,1920, p. 15. SYNT. Hôtel magnifique, princier; appartements, salons d'un hôtel; hôtel d'un duc, d'un grand seigneur; acheter, louer, vendre un hôtel; hôtel entre cour et jardin; l'hôtel de Rambouillet. Hôtel de Bourgogne. Ancienne résidence, à Paris, des ducs de Bourgogne, qui servit de théâtre, et où furent jouées la plupart des pièces de Corneille et de Racine. Les comédiens se livraient aux plus folles espérances. Ils rivalisaient en idée avec l'hôtel de Bourgogne et la troupe du Marais (Gautier, Fracasse,1863, p. 282).Il est malaisé, alors, pour un metteur en scène, de ne pas se soumettre aux tout puissants comédiens de l'hôtel de Bourgogne (Brasillach, Corneille,1938, p. 85).− Maître d'hôtel a) Officier qui était préposé à la direction du service de la table chez un seigneur. Les maîtres d'hôtel du roi lui apportèrent une aiguière et une serviette qu'il toucha du bout des doigts (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 384). b) P. ext. ♦ Personne qui remplit cette fonction chez un particulier. Le premier maître d'hôtel lui-même, lequel avait été officier de la bouche de sa majesté Nicolas, donnait la serviette et découpait les pièces (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 90). ♦ Personne qui dirige le service de table dans un restaurant. On leur avait adjoint, à propos de la fête, les glaciers, les cuisiniers et les maîtres d'hôtel du café de Paris (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 517).Le sommelier apporta une seconde bouteille de champagne, le maître d'hôtel proposa des desserts (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 57).Sauce (à la) maître d'hôtel. Sauce à base de beurre fondu, de persil haché et de jus de citron. S'il [le plat] était froid, la porcelaine soustrairait tout le calorique de l'omelette, et il ne lui en resterait pas assez pour fondre la [sauce] maître-d'hôtel, sur laquelle elle est assise (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 317). B. − Maison meublée qui possède des installations d'un certain confort, et assure aux voyageurs, moyennant rétribution, le logement, le service et parfois la nourriture. Synon. auberge, hôtellerie, relais de campagne.Hôtel de tourisme; chambre d'hôtel; descendre à l'hôtel. La vie d'hôtel garni lui pesait par son manque de liberté. Les domestiques ont une heure fixée pour faire la chambre; il n'est guère possible de rester dans une chambre où on fait un lit (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 96).Je retourne dans le quartier Saint-Martin, et rôde jusqu'à la nuit dans d'extraordinaires ruelles pleines d'hôtels borgnes ou louches (Gide, Journal,1902, p. 115) : 3. Quoi de plus triste qu'une chambre d'hôtel, avec ses meubles jadis neufs et usés par tout le monde, son demi-jour faux, ses murs froids qui ne vous ont jamais renfermé, et la vue dont on jouit sur des arrière-cours de dix pieds carrés, ornées aux angles de gouttières crasseuses, avec des cuvettes de plomb à chaque étage?
Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 15. 4. ... la vie d'hôtel est la seule qui se prête véritablement aux fantaisies de l'homme. Paresseux, noctambule, excentrique, celui qui choisit de vivre à l'hôtel est d'abord un client, surtout en Amérique, et la loi, l'impératif est de se mettre à sa disposition sans manifester jamais d'étonnement, demanderait-il quelques grammes de radium ou un éléphant...
Fargue, Piéton Paris,1939, p. 194. SYNT. Hôtel confortable, luxueux, moderne, modeste, simple, sordide; hôtel (de) 2, 3 étoiles, de première classe, bon marché; hôtel borgne, mal famé; hôtel meublé, hôtel-restaurant; hôtel de bon confort, de luxe, de passe, de tourisme; café-hôtel; chaîne d'hôtels; chercher, choisir, retenir un hôtel; aller, loger, vivre à l'hôtel; gérer, tenir un hôtel; catégories, classes d'un hôtel; hall, réception, salle à manger d'un hôtel; note, registre d'hôtel; directeur, gérant, propriétaire d'un hôtel; clientèle, personnel, pensionnaires d'un hôtel; rat d'hôtel. − (Hôtel) garni. Cf. garni. I A.P. métaph. Je suis le frère en Dieu de tout ce qui vit, de la girafe et du crocodile comme de l'homme, et le concitoyen de tout ce qui habite le grand hôtel garni de l'univers (Flaub., Corresp.,1846, p. 271). − P. plaisant. ♦ (Coucher, loger à l') hôtel de la belle étoile. Coucher dehors. Cf. étoile B 2. ♦ Vx. Hôtel des haricots. Ancienne prison de la Garde nationale parisienne. Je vais à la prison de la Garde nationale, à l'Hôtel des Haricots (Goncourt, Journal,1862, p. 1061). C. − Grand édifice destiné à une administration, à un organisme public. 1. Domaine de l'administration.Hôtel du ministère, de police, de la préfecture; hôtel de la Monnaie, des Postes; hôtel des Ventes. Chaque année les hôtels des Monnaies frappent de nouvelles pièces, qui contiennent tout le métal pur qu'elles doivent avoir (Say, Écon. pol.,1832, p. 298).Les ambassadeurs de Russie, de Prusse et d'Autriche venaient à l'hôtel des Affaires Étrangères bavarder sur l'Espagne (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 201) : 5. M. Polizzi me répondit qu'il ne pouvait disposer de cet objet [un manuscrit] qui ne lui appartenait plus, et qui devait être mis aux enchères, à l'hôtel des Ventes, avec d'autres manuscrits et quelques incunables.
A. France, Bonnard,1881, p. 238. − Hôtel de ville [Dans une grande agglomération] Siège de la mairie, du conseil et des services municipaux. L'Hôtel de Ville. Celui de Paris. L'hôtel de ville d'Aix est, comme la chapelle, un édifice fait de cinq ou six autres édifices (Hugo, Rhin,1842, p. 79).Allocution prononcée par le général de Gaulle à l'Hôtel de Ville de Paris, le 25 août 1944 (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 709) : 6. Le 31 octobre éclatait une insurrection véritable à la tête de laquelle était Blanqui, vétéran de l'émeute. Le gouvernement, un moment prisonnier dans l'Hôtel de ville, fut dégagé non sans peine.
Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 219. 2. Domaine de la santé publique − Hôtel de cure. Établissement où séjournent des malades présentant des formes bénignes ou peu évolutives de tuberculose pulmonaire (cf. Réadaptation, 1956, no30, p. 46). − Hôtel-Dieu. Hôpital de fondation ancienne dans certaines villes (notamment à Paris), qui recevait les indigents et qui était administré par l'Église. De tous les établissemens consacrés aux pauvres malades, chez toutes les nations de l'Europe, le plus ancien est l'Hôtel-Dieu de Paris (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 300).Le vieil hôpital, construit en partie au bord du fleuve, avait disparu. Un nouvel Hôtel-Dieu se dressait de l'autre côté de l'église (Bourget, Actes suivent,1926, p. 74) : 7. L'Hôtel-Dieu lui-même, où l'on soigne des malades et qui est le plus important des établissements d'assistance, tire ses moyens d'existence de dons ou de concessions sur quoi il est malaisé de fonder des prévisions certaines.
Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 258. − Hôtel des Invalides. Édifice réalisé sous Louis XIV et destiné autrefois à recevoir les soldats blessés. Pauline l'avait conduit un jour à une vente de charité dans l'Hôtel des Invalides; sur le boulevard, c'était le printemps, des invalides assis dans leurs petites voitures lisaient leurs journaux au soleil (Nizan, Conspiration,1938, p. 27). − Hôtel maternel. Établissement hébergeant, durant un certain temps, les jeunes mères en difficulté et leur bébé afin de leur venir en aide matériellement et moralement (cf. Pages documentaires, 1955, no1, p. 56). Rem. Hôtel entre comme 2eélém. de subst. composés désignant différents types d'hôtels de tourisme. Appartements-hôtels; building hôtel; châlets-hôtels; foyer-hôtel (Gilb. 1971). Prononc. et Orth. : [otεl] ou [ɔ-]. [ɔ-] 1revar. ds Barbeau-Rodhe 1930 et Warn. 1968 s'explique par la position atone de la syll. L'accent circonflexe, vestige de l'anc. s, aide la prononc. [o] à se maintenir. Att. ds Ac. dep. 1694. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. hostel. Homon. autel. L's, graph. étymol. (il n'est plus prononcé depuis la fin du xiies.), n'est remplacé par l'accent circonflexe qu'en 1740. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 « hébergement, logement » (Alexis, éd. Chr. Storey, 225 : Lit ed ostel e pain e carn e vin); b) ca 1100 « lieu où l'on trouve accueil, hébergement » spéc. pour les gens de guerre, ici « campement » (Roland, éd. J. Bédier, 342); c) 1erquart xiiies. « auberge » (Courtois d'Arras, éd., E. Faral, 142); ca 1225 « logis des hôtes ds un monastère » (Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 8867); d) 1260 Ostel Dieu de Paris (E. Boileau, Métiers, 39 ds T.-L.); 2. a) ca 1135 « (sa propre) maison » (Couronnement de Louis, 162, ibid. : son ostel); b) ca 1165 tenir ostel « avoir maison, table ouverte; mener un certain train de vie » (B. de Ste-Maure, Troie, 10461, ibid.); ca 1225 « Cour » mestre de l'ostel le rei (G. Le Marechal, 6467, ibid.); début xves. en l'ostel du duc de Bourbon (Hist. de J. de Boucic., liv. 1, p. 58 ds Littré); c) ca 1225 « palais royal » (Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 9387); 4equart xives. « maison seigneuriale » (J. Froissart, Chron., éd. S. Luce, I, 672 : li princes de Galles... prist congiet et se retray à son hostel de Berkamestede); 1505 « maison de qualité » (Gringore, Folles entreprises I, 35 ds Hug. : pillent maisons, hostelz); d) 1478 ostel commun « maison commune, hôtel de ville » (Ord. des rois de France, xviii, 418 ds Bartzsch, p. 40); 1538 hotel de ville (Est. ds FEW t. 4, p. 495b). Du lat. hospitale [cubiculum], subst. « chambre destinée à recevoir les hôtes » à l'époque class. (Vitruve, 6, 7, 4 ds TTL s.v., 30, 34, 85 : domunculae constituuntur... uti hospites advenientes in ea hospitalia recipiantur); synon. de xenodochium, hospitium en b. lat. (ibid., 3035, 7); cf. aussi Loi salique, 1, 5, 2 (ibid. 3035, 5 : qui... ipsi... panem aut hospitalem dederit); v. aussi hôpital. Fréq. abs. littér. : 8 592. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 338, b) 16 242; xxes. : a) 11 499, b) 12 954. Bbg. Gerster (W.) Beitrag zur Geschichte einiger Bezeichnungen für Gasthaus. Vox rom. 1946/47, t. 9, pp. 57-151. - Henschel (B.). Qq. dat. nouv. du 18es. Fr. mod., 1969, t. 37, pp. 118-119. - Quem. DDL t. 4, 15, 17. |