| HUMILIATION, subst. fém. A. − 1. Action d'humilier (quelqu'un, quelque chose). Synon. abaissement; anton. exaltation, glorification.Causer l'humiliation de qqn; humiliation publique. [Raphaël] savoura tous les plaisirs de la vengeance en contemplant l'humiliation profonde de cette sagesse sublime, dont naguère la chute semblait impossible (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 211) : 1. Nos philosophes ne sont point cyniques (...). Ils n'étalent pas un désir (...) de voir se maintenir au profit de leur classe l'humiliation et l'écrasement des hommes.
Nizan, Chiens garde,1932, p. 92. 2. Fait d'être humilié (par quelque chose). Synon. abaissement; anton. exaltation, glorification.Le souvenir d'une humiliation; avoir son lot d'humiliation. La perte de ce pont-levis fut, je pense, la première humiliation que ce manoir guerrier eut à subir (A. France, Bonnard,1881, p. 345).Des semaines, il garda de son humiliation un souvenir cuisant (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 102) : 2. L'homme est fait ainsi; comme il a démoli, il va reconstruire; le difficile ne lui fait pas peur. Mais il ne supporte pas l'humiliation.
Alain, Propos,1922, p. 382. − [Avec un compl. introd. par de spécifiant la cause] Et Morrel avait eu raison, car il était revenu brisé sous l'humiliation d'un refus (Dumas père, Comte Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 363).L'humeur altière de la marquise était bien connue dans le pays; on devinait sans peine tout ce qu'elle avait dû souffrir avant de se résigner à l'humiliation d'une pareille mésalliance (Sandeau, Sacs,1851, p. 36). 3. Action de s'humilier soi-même. − On parle aisément de ses fredaines, de ses turpitudes à des amis (...) mais raconter la même chose à genoux (...) cela diffère; ce qui n'était qu'une amusette devient une humiliation vraiment pénible (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 234).Aussi cette semaine de prières est-elle pour nous une époque d'humiliation, d'amère contrition et de fervent repentir (Le Monde,19 janv. 1952, p. 9, col. 3) : 3. ... MmeJeannin (...) prit des secondes classes, bien qu'elle se fût promis de prendre des troisièmes; mais elle n'eut pas le courage de cette humiliation, en présence des deux ou trois employés du chemin de fer, qui la connaissaient.
Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 860. B. − Sentiment d'une personne qu'on a humiliée ou qui s'est humiliée. Grande, petite, légère humiliation; ressentir, éprouver, partager une humiliation, surmonter l'humiliation. Pleurer, rougir d'humiliation. Je n'ai pu le voir dans une si grande humiliation sans lui pardonner. C'est le comble de l'humiliation (Ac.). J'avoue que cet acte si rapidement accompli m'a causé une des plus profondes humiliations de ma vie (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 77).Il ne laissait à Maigret aucune initiative et celui-ci n'en ressentait ni contrariété, ni humiliation (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 53) : 4. Pourtant, il ressentait jusqu'à l'envie de vomir l'humiliation que ressent tout homme devant un homme dont il dépend : impuissant contre cette immonde à fouet, − dépouillé de lui-même.
Malraux, Cond. hum.,1933, p. 388. − Adj. + d'humiliation.Dans tel ou tel état à cause du sentiment d'humiliation. Être malade d'humiliation. Mehoul, stupide d'étonnement et d'humiliation, ne bougeait pas (Aymé, Rue sans nom,1930, p. 230).Le spectacle réjouissant (...) des colonnes de prisonniers feldgrau (...) le bleu des yeux pâle d'humiliation et de panique (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 416). − [Dans une constr. comportant un compl. spécifiant la cause de l'humiliation] ♦ Humiliation + de + subst.La coutume exige ici que l'offensé ne survive pas à l'humiliation de l'outrage (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 75).Jeunes filles, craignez l'humiliation du célibat (Romains, Copains,1913, p. 242) : 5. ... il faut tout faire, en effet, pour que ces hommes échappent à la double humiliation de la misère et de la laideur.
Camus, Env. et endr.,1937, p. 17. ♦ Humiliation + à/de + inf.Rome eut l'humiliation d'avouer aux montagnards que (...) rien n'empêchait ceux-ci de faire la guerre à qui ils voulaient (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 146).L'inspecteur de police éprouvait comme une sorte d'humiliation à profiter ainsi des obligeances du sieur Fogg (Verne, Tour monde,1873, p. 112) : 6. Quand les maîtres d'hôtel s'empressèrent, que le wagonnet d'argent où roulait le rosbif, les raviers des hors-d'œuvre avec les mayonnaises, les crevettes, les salades, valsèrent autour d'eux, Edmond éprouva l'humiliation profonde de n'être pas l'homme qui paie.
Aragon, Beaux quart.,1936, p. 309. C. − Fait, acte qui humilie (quelqu'un). Synon. outrage, avanie, affront.Quelle humiliation! Il a essuyé une grande humiliation (Ac. 1835-1935). Outre cela, un avantage incontestable (...) c'est qu'il a le privilège de tenir dans sa main l'humiliation de la France, et de lui rendre le long affront du traité de Westphalie! (Quinet, All. et Ital.,1836, p. 7).Le ridicule de cette poursuite, l'humiliation d'interroger à son tour, (...) étaient amers à sa fierté (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 197) : 7. Le Principal descendit ainsi tous les degrés de la table de Pythagore, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à cette question dérisoire : « Combien font un et un? » Mais Charles-Marie, ne pouvant plus supporter cette humiliation, fondit en larmes.
Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 167. Prononc. et Orth. : [ymiljasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Av. 1449 « acte destiné à humilier » (J. de Stavelot, Chron., p. 466 ds Gdf. Compl.); 2. 1495 « fait d'être humble, de s'humilier » (J. de Vignay, Miroir historial, Delb., Rec. ds DG). Empr. au lat. chrét.humiliatio « action d'abaisser; fig. humiliation, abaissement; action de mater, d'humilier (par mortification) ». Fréq. abs. littér. : 1 055. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 200, b) 1 151; xxes. : a) 1 441, b) 1 978. |