| HOULETTE, subst. fém. Bâton utilisé par le berger, pourvu à l'une de ses extrémités d'une plaque métallique, creusée en forme de gouttière, destinée à arracher des mottes de terre ou à ramasser des pierres qu'il jette de manière à faire revenir dans le troupeau les moutons qui s'en écartent. Le soleil sur ta tête S'attarde ainsi qu'au fer de la houlette Quand vient le soir (Jammes, De tout temps,1935, p. 230) :1. ... un troupeau de chèvres qui se dispersent de tous côtés, quoique le pasteur les appelle, quoiqu'il les chasse avec sa houlette, quoiqu'il coure haletant autour de la prairie...
Flaub., Tentation,1849, p. 236. − P. méton., vx, poét. Métier, condition de berger. Prendre, quitter la houlette. Si vous voulez continuer sur ce ton tragique, de grâce, quittez votre houlette, et reprenez votre armure (Genlis, Chev. cygne, t. 2, 1795, p. 41).Ah! simple houlette des bergers, pourquoi vous ai-je échangée contre une épée? (Staël, Allemagne, t. 2, 1810, p. 364). − Sous la houlette d'un berger. Sous la conduite d'un berger. Je ne vois d'abord que des moutons rentrant au bercail sous la houlette d'un berger (Green, Journal,1942, p. 202). − Au fig. ou p. métaph., littér., vieilli. [P. réf. au fait que la houlette est l'instrument qui soumet le troupeau à la conduite, à la direction du berger] Nous pouvons très bien vénérer chez un Baillard les sources mêmes de cet enthousiasme qui nous fait accepter, subir la discipline, la houlette de Nancy (Barrès, Cahiers, t. 10, 1913, p. 206).Très peu pour la houlette! Aucune envie d'aller rôtir dans le bled. Tu dis? Oui, bien sûr, la production nationale! Excuse papillon, moi, je m'en fous (H. Bazin, Lève-toi,1952, p. 148). ♦ Sous la houlette de. Sous la conduite, l'autorité de. Nous courons, sous la houlette de l'agent, jusqu'au boulevard Malesherbes (Colette, Vagab.,1910, p. 134). − Vieilli. [La houlette considérée du point de vue de sa valeur symbolique] ♦ [P. oppos. au sceptre, emblème de la royauté, symbolisant la grandeur et la puissance, la houlette, emblème du berger, symbolise la modestie, l'humilité] Depuis le sceptre jusqu'à la houlette. Depuis les rois jusqu'aux bergers (cf. J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., 1813, p. 75). Je me suis plue souvent à unir la houlette au sceptre des rois (Zola, Contes Ninon,1864, p. 82). ♦ [La houlette en tant qu'elle symbolise la fonction pastorale dans ses différents aspects] [Le pasteur est un berger] Pasteur ou roi, qu'aurois-je fait de ma houlette ou de ma couronne? Je serois également fatigué de la gloire et du génie, du travail et du loisir, de la prospérité et de l'infortune (Chateaubr., Natchez,1826, p. 438).[Le pasteur est un conducteur d'hommes] :
2. Seigneur, (...) ce sceptre est la houlette qui me sert à conduire mon troupeau, car je ne suis point un roi, mais un pasteur. Ce Dieu qui reçoit mon sacrifice est né parmi des bergers dans une crèche.
Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 166. [Le pasteur est un homme d'Église] Quant aux religieuses de Port-Royal, elles se réjouirent humblement de sentir la houlette pastorale aux mains d'un prélat vertueux (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 130).[Le pasteur est le Christ] :
3. Dans les prairies du ciel, j'ai laissé courir mes pensées comme des brebis et elles errent dans les vastes espaces habités par le vent. Berger des écritures, étends sur elles ta houlette, et ton bâton qui les gardera de se perdre. Qu'elles paissent dans les herbages tranquilles de ta parole...
Green, Journal,1942, p. 256. − [P. anal. de forme] ♦ [Et p. réf. à la notion de pasteur] Crosse pastorale des évêques. (Dict. xxes.). P. méton. Lorsque toutes ces tiares, ces turbans, ces couronnes, ces dalmatiques et ces chasubles, ces parasols et ces houlettes eurent pris la place qui leur était assignée, la cérémonie commença (Tharaud, Passant éthiop.,1936, p. 122). ♦ ART CULIN. Cuiller de glacier utilisée dans la préparation des glaces et des sorbets (d'apr. Chesn. 1857). ♦ HORTIC. Petit instrument de jardinage dont le manche court se prolonge par une sorte de lance de fer, utilisé pour lever de terre des plants en motte que l'on veut transplanter ou pour ameublir la terre en surface (d'apr. Fén. 1970). Quelques coups de houlette suffiraient pour enfouir les semences, et ameublir la terre du voisinage (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 210). ♦ ZOOL. ,,Coquille bivalve, fort rare et à laquelle une ressemblance grossière avec le fer d'une houlette, a fait donner le nom qu'elle porte`` (Privat-Foc. 1870). C'est là [aux récifs de Vanikoro] que je trouvai la houlette, coquille rare et recherchée dans les collections. Elle habite dans les polypiers où elle se creuse un trou (Dumont D'Urville, Voy. autour du monde, t. 5, 1832, p. 358). Prononc. et Orth. : [ulεt] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1285 houlete « bâton de berger » (Adam de La Halle, Robin et Marion, éd. E. Langlois, 24); b) 1530 hollette « bâton pastoral d'un évêque » (Palsgr., p. 271b); 2. p. anal. 1680 hortic. (Rich.). Dér., avec le suff. -ette à valeur instrumentale, du rad. de l'a. verbe houler « jeter » (xiiies., Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, XXX, 2), parce que le bout recourbé de la houlette sert à jeter des mottes de terre sur les brebis qui s'écartent du troupeau (cf. J. de Brie, Bon Berger, éd. P. Lacroix, p. 77). Houler, en raison de son ancienneté et de sa géogr. (pic., norm., wallon, champ. ds FEW t. 16, p. 222a), représente prob. le verbe frq. qui a donné le m. néerl. hollen « courir impétueusement » et qui à l'orig. avait sans doute le sens plus gén. de « agiter énergiquement » (cf. l'all. rhénan holdern « faire du boucan », holtern « travailler d'une manière désordonnée »); cf. FEW t. 16, p. 223a. Fréq. abs. littér. : 79. |