| HORREUR, subst. fém. I. − [Impression ressentie par une pers.] A. − 1. Violent saisissement d'effroi accompagné d'un recul physique ou mental, devant une chose hideuse, affreuse. Synon. effroi (v. ce mot A), épouvante (v. ce mot A), panique, peur, terreur.Mes os craquent d'horreur, toute ma chair frissonne comme un tremble au grand vent (Gautier, Comédie mort,1838, p. 16).La pensée du grand trou noir le mouillait d'une sueur froide et dressait ses cheveux d'horreur (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1056) : 1. Plus près de nous, plus familier, le mot même de terreur est bien loin de livrer tout son contenu. Horreur dit tout, et ne dit rien; mais ici la physiologie est assez éloquente; je sens en moi une défense comme du hérisson...
Alain, Propos,1930, p. 962. SYNT. Horreur indicible, inexprimable, instinctive, insurmontable, grandissante, infinie, panique, muette; angoissante, secrète, silencieuse, soudaine, véritable, vive horreur; accent, cris, exclamations, frisson, geste, mouvements, regards, signes, souffle, spasme d'horreur; degré, espèce, sorte d'horreur; image, impression, sentiment, scène, spectacle, vision d'horreur; horreur et angoisse, crainte, désolation, épouvante, malédiction, stupéfaction, stupeur, surprise, terreur; être abruti, béant, fixe, fou, frappé, ivre, muet, (r)empli, plein, blême, pâle, glacé, cloué, paralysé, pétrifié, saisi, stupéfait d'horreur; être étreint, gagné, pénétré par l'horreur; crier, se récrier, se dresser, s'écarter, reculer, frémir, frissonner, hurler, tomber, trembler, tressaillir, défaillir, s'évanouir d'horreur; causer, inspirer, éprouver de l'horreur; considérer, imaginer, regarder, voir qqc. avec horreur. − Loc., vieilli. Faire horreur à qqn (infra B). Produire chez quelqu'un un saisissement d'effroi, de répulsion. Synon. horrifier (v. ce mot A).Actes, personnes, spectacles qui font horreur. Isaac bas avec dégoût : Cet homme fait horreur! (Lamart., T. Louverture,1850, III, 4, p. 1328).P. métaph. ou au fig. Tes pas lourds font horreur aux grands bois chevelus, Et, lasse de te voir, la terre ne veut plus Cacher au fond du lac pâle ou de la caverne Ta moisson de corps morts (Banville, Exilés,1874, p. 31).Emploi pronom. À chaque fois que l'humanité acquiert une plus haute révélation d'elle-même, elle se fait horreur (Proudhon, Confess. révol.,1849, p. 193). − Loc., vx et littér. Devenir, être en horreur à qqn (infra B). Inspirer de la répulsion mêlée d'effroi à quelqu'un. Aussitôt (...) je devins en horreur à toute la population. Le curé prêcha contre moi (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 25). 2. Littér. [Avec un adj. caractérisant; correspond à horrible A 1 littér.] Profond saisissement de crainte mêlée d'admiration respectueuse devant le sublime, le mystérieux. Une divine, pieuse, religieuse, secrète horreur. Le vaste océan (...) formait un ensemble qui saisissait d'une sainte horreur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 525).Il en revenait toujours à une certaine horreur de Jean Valjean. Horreur sacrée peut-être, car (...) il sentait un quid divinum dans cet homme (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 680). B. − 1. Violent sentiment d'aversion morale, de dégoût. Synon. exécration, répulsion.J'appris qu'un Sarrazin pouvoit être regardé sans horreur (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 331).Le désespoir, la politique et la rage durent le peindre dans tous les pays, comme un objet d'horreur et d'effroi (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 115). SYNT. Horreur et cruauté, dédain, dégoût, honte, indignation, mépris, pitié; semer l'horreur; expressions, murmures d'horreur; fuir, repousser qqn ou qqc. avec horreur; se détourner, s'écarter avec horreur de qqn ou de qqc. − Expr. verb. Avoir, concevoir, professer de l'horreur pour qqn (ou qqc.). Synon. abhorrer, exécrer.Je consens (...) du fond de mon cœur (...) que vous n'ayez que de la haine, du mépris, de l'horreur pour la malheureuse Clémentine (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 383).Mon horreur physique pour cette sorte de papiers (...). Leur aspect seul me déséquilibre, me désespère (Bloy, Journal,1903, p. 191).Avoir (l')horreur de qqc. ou de qqn, avoir qqc. ou qqn en horreur. Éprouver un sentiment de forte aversion devant quelque chose ou quelqu'un. Il [Dieu] hait souverainement le désordre; il l'a en horreur, comme l'homme a horreur de sa destruction (Lamennais, Indifférence, t. 1, 1817-23, p. 380).J'ai toujours eu horreur de toi, toujours peur de toi (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 288).Prendre en horreur qqn ou qqc. Synon. prendre en aversion.Eugénie revint pour cet enterrement et prit en horreur l'Indienne qui était la cause de cette mort (Barrès, Cahiers, t. 3, 1903, p. 75).Faire horreur à (qqn) (supra A 1). Provoquer chez quelqu'un une nette aversion. Combien je me déteste, combien je me fais horreur et dégoût dans mon passé (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 277).Je n'aime pas mon mari. Je pense même qu'il me fait horreur (Duhamel, Cécile,1938, p. 241). 2. P. ext. et p. hyperb. Synon. antipathie (vx), répugnance.L' horreur allait jusqu'à me faire faire des grimaces et me donner en spectacle (Stendhal, Souv. égotisme,1832, p. 66).Le peintre ici (...) professe une horreur profonde pour tout accent banal et lourd (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 159). − Expr. verb. Avoir horreur de qqc., avoir en horreur qqc.; avoir en horreur le tabac; avoir horreur de devoir se lever tôt. Synon. détester (v. ce mot B), exécrer (v. ce mot B).De tous les genres celui que j'ai le plus en horreur est le genre grisette (Flaub., Corresp.,1839, p. 43).Je crois qu'ils ont horreur des campements, redoutant les poux qui s'y trouvent (Gide, Retour Tchad,1928, p. 913).Nous avons vécu très intelligemment tous les deux, Éliane, avec la même horreur du drame. Ce n'est pas qu'il nous faisait peur, mais il nous paraissait de mauvais goût (Anouilh, Répét.,1950, V, p. 115).Prendre en horreur qqn ou qqc. Synon. Prendre en grippe.Elle prit en horreur toute activité (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 313).Vieilli. Être en horreur à qqn (ou qqc.). Être odieux, détestable pour (quelqu'un ou quelque chose). Elle étudiera votre caractère (...); et cette étude, en horreur à l'amour, se découvrira par les mille petits pièges (Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 107).La doctrine du perfectionnement par la souffrance était une cruauté barbare, en horreur au beau ciel de l'Italie (A. France, Lys rouge,1894, p. 133).Faire horreur à qqn (supra A 1 et B 1). Synon. dégoûter, écœurer, répugner; anton. enchanter, plaire (à).La différence entre ce que portaient les trois quarts des femmes et qui lui faisait horreur et une jolie chose qui le ravissait (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 900). Rem. À l'horreur, loc. adv., région. (Suisse). Horriblement mal. Cette nouvelle robe lui va à l'horreur (Pierreh. 1926). 3. En partic. Horreur de + subst. (indiquant l'objet de ce sentiment d'aversion) a) PHYS., vx. (La nature a) horreur du vide. Antipathie (v. ce mot I) autrefois prêtée à la nature et grâce à laquelle s'expliquaient tous les problèmes relatifs à la pesanteur de l'air (d'apr. Ac. Compl. 1842, Besch. 1845). [P. allus. à cette théorie] La conscience a horreur du vide (Valéry, Tel quel II,1943, p. 224). b) Dans le domaine de la médecine.Synon. phobie.L'horreur de l'eau, des espaces clos, vides, de la foule, de la lumière. Malgré l'horreur qu'elle avait pour l'humidité du soir (Stendhal, Lamiel,1842, p. 92). II. − [Caractère de ce qui est susceptible d'inspirer cette impression, de ce qui est horrible (v. ce mot A)] A. − L'horreur de + subst. (désignant une chose ou l'acte d'une pers.) 1. Caractère de ce qui cause un profond saisissement d'effroi mêlé de recul. a) [Supra I A 1] Synon. atrocité, cruauté; anton. attrait, charme.L'horreur d'un cachot, d'une prison; l'horreur d'un supplice, des combats. Les rayons qu'il lance (...) pour nous accoutumer à son absence et nous épargner l'horreur d'une nuit subite (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 99).Arrivé à Jérusalem, j'y ai trouvé la peste dans toute son horreur (Lamart., Corresp.,1832, p. 318). b) Littér. [Avec un adj. caractérisant; supra I A 2] Caractère de ce qui provoque un saisissement de crainte mêlée d'admiration respectueuse. Les Germains adoroient la secrète horreur des forêts (Chateaubr., Ét. disc. hist., t. 3, 1831, p. 139).Leur ombre nous couvrit de cette sainte horreur D'un temple où du Très-haut habite la terreur (Lamart., Chute,1838, p. 813).L'Hydre antique au souffle meurtrier Dans la livide horreur des brumes et des fanges (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 244). 2. Caractère de ce qui suscite l'aversion morale, de ce qui est infâme ou horrible (v. ce mot A 2). Synon. abjection, infamie, noirceur.L'horreur de son acte, de sa conduite, de son crime. Il est sans cesse bourreau et assassin. Là est l'horreur de son métier (Vigny, Journal poète,1851, p. 1287) : 2. Se représente-t-on l'horreur de ces deux ou trois cents voitures hideuses lancées comme des boulets et triturant (...) les mêmes lambeaux sanglants! Il y a des consolations. Une de ces voitures a pris feu et le chauffeur a été heureusement carbonisé.
Bloy, Journal,1903, p. 172. − P. ext. et p. hyperb., fam. (supra I B 2).Elle eût conservé dans son cœur la sainte horreur du despotisme! (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 182).Elle était mariée, bien entendu, car j'ai une sainte horreur des filles (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Misti, 1884, p. 908). B. − P. méton., au sing. ou au plur. 1. La personne ou la chose même qui inspire un sentiment d'horreur, de répulsion, d'indignation. Synon. monstruosité.Nulle réponse de cette Chambre des Horreurs (Verlaine, Corresp., t. 3, 1887, p. 196).Gilberte n'a jamais aimé son mari. C'est une petite horreur. Elle a aimé la situation, le nom (Proust, Temps retr.,1922, p. 1027). − Emploi avec valeur d'adj., fam. Horreur de + subst.Les femmes seulement me regardent comme « une horreur d'homme » (Flaub., Corresp.,1856, p. 135) : 3. L'abbé Guibourg officiait, consacrait l'hostie, (...) la mêlait à ce sang obscurci de cendre; c'était là la matière du Sacrement.
− Quelle horreur de prêtre! s'écria la femme de Carhaix, indignée.
Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 100. − Horreur! horreur vivante! [Expressions traduisant l'effroi mêlé de dégoût, de répulsion scandalisés] C'est une horreur!... − C'est une infamie!... Et une foule d'autres exclamations partirent (...) de tous côtés (Balzac, Annette, t. 1, 1824, p. 171).C'est ta mort! horreur! malédiction! sauve-toi! (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 543).Horreur! plus, plus qu'horreur! spectacle détestable, lamentable, effroyable, pitoyable! (Claudel, Tête d'Or,1890, 3epart., p. 146). 2. Fam. et souvent p. hyperb. [Correspond à horrible B 1] Être animé ou chose dont l'aspect (généralement laid ou sale) provoque la répulsion, le dégoût. Synon. laideron, mocheté (pop.), monstre.Cette personne est une véritable horreur. Pour la viande, poisson salé et autres horreurs dont il nous empoisonnait régulièrement (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 522).Le chien continuait de gronder. − Il est affreux, ma chère. Où as-tu pêché cette horreur? (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1049) : 4. Elle rapportait de tout (...) des cabochons, des ciboires, des empaillés, des armures et des ombrelles, des horreurs dorées du Japon (...) et des fourbis qui n'ont plus de noms...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 60. − Musée des horreurs ♦ Fam. Collection, amas d'objets affreux. Nous retrouvons Troost et son talent minutieux mais gâté, dans une salle latérale qui pourrait s'appeler musée des horreurs (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Quinze jours en Holl., 1893, p. 269). ♦ Arg. Figures antipathiques (d'apr. Car. Argot 1977). C. − Au plur. 1. Les horreurs de + subst.Les aspects horribles (v. ce mot A 1), effrayants, horrifiants, tragiques présentés ou représentés par quelque chose. Synon. affres (v. ce mot B), atrocités (v. ce mot B), épouvantes (v. ce mot B 2).Les horreurs de la guerre, de l'enfer, de la maladie, de la mort. Mathilde demeure indifférente aux charmes de cette nature, comme elle l'a été aux horreurs de celle du désert (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 311).Neiges et pluies changées en ruisseaux, horreurs de l'hiver devenues les grâces du printemps (Hugo, Rhin,1842, p. 186) : 5. Mais les vieux, qui se rappelaient les horreurs de l'invasion, le bétail enlevé et les fermes pillées, le pullulement des Saxons et des Bavarois, secouaient tristement la tête et souhaitaient tout haut qu'on ne revît jamais de pareilles horreurs.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 137. 2. Actes infâmes, criminels propres à provoquer la répulsion. Synon. abominations (v. ce mot II).Commettre, faire des horreurs. Vous osez vous enrichir du fruit de ces horreurs... Vous n'avez aucune honte (Chénier, Amérique,1794, p. 100).Je n'ai pas été un grand guerrier, n'ai eu part à aucun exploit et n'ai pas même été témoin de rares horreurs (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 159) : 6. ... de son passé de forfaits et d'horreurs, Londres a gardé une ambiance qui donne le frisson; est-ce cette nuit soudaine et opaque du brouillard qui appelle le meurtre en promettant l'impunité, ou ces légendes de malfaiteurs insaisissables...
Morand, Londres,1933, p. 94. 3. Propos déshonorants, outrageants répandus sur le compte de quelqu'un. Synon. calomnies, infamies, médisances.Colporter, débiter, dire, raconter, répandre des horreurs contre/sur qqn. Les bêtises qu'entend dire un tableau de musée, mais les horreurs qu'entend peut-être un cadavre (Renard, Journal,1902, p. 748).J'ai raconté du mal de vous, des horreurs. Vous devriez me battre (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1200) : 7. − Un ramas de faussetés, de commérages, tous les mensonges que nos ennemis ont lancés autrefois contre nous, enragés par notre triomphe!... (...) Sur nous tous, (...) tant d'horreurs!
Zola, Dr Pascal,1893, p. 21. 4. Propos ou actes libertins, indécents. Synon. cochonneries (pop.), grossièretés, obscénités.Dire, faire des horreurs; ouvrage plein d'horreurs. On s'était fichu d'elle pendant le souper, on avait dit des horreurs pour montrer qu'on la méprisait. Un tas de salopes qui ne lui allaient pas à la cheville! (Zola, Nana,1880, p. 1187).Leurs cérémonies se continuaient par des débordements, des horreurs, des lubricités, qui ne vaudraient rien à être retracés (Pourrat, Gaspard,1922, p. 77). Prononc. et Orth. : [ɔ
ʀ
œ:ʀ]. [ɔ
ʀ
ʀ
œ:ʀ] affectif. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 « sentiment d'effroi, de répulsion, de crainte » (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 14558); 2. 1547 « frisson » (M. Scève, Saulsaye, p. 4 ds Hug.); 3. 1565 « ce qui inspire l'effroi, la crainte » ici masc. (R. Belleau, La Bergerie, le journ., I, 188, ibid.). Empr. au lat.horror « hérissement, frissonnement; frisson d'effroi; frisson religieux ». Fréq. abs. littér. : 6 518. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 284, b) 8 391; xxes. : a) 9 951, b) 9 316. Bbg. Quem. DDL t. 19. |