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HONORER, verbe trans.
A. −
1. Procurer de l'honneur (cf. ce mot I C 1), de la dignité, de la considération; contribuer à donner un caractère honorable à quelqu'un, à quelque chose.
a) [Le suj. désigne une pers.] Personne qui honore l'humanité, son pays, sa profession, son siècle; femme qui honore son sexe. Il ne confondra point le petit nombre de sages, dignes de toute la confiance de la nation, qui honorent encore l'Assemblée nationale, avec les adversaires de la révolution qui la déshonorent (Marat, Pamphlets, Dénonc. Malouet, 1790, p. 217).Le Poussin, le Lorrain, Philippe de Champaigne, les seuls grands peintres qui honorent ce siècle, où le génie de la race est abatardi par l'influence italienne mal comprise (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 59) :
1. ... cher monsieur, vous aurez demain la rosette d'officier de la Légion d'honneur. Je suis heureux que les hasards de la politique et de la vie me permettent de donner ce témoignage d'admiration à l'un des hommes qui honorent le plus les Lettres françaises. Renard, Journal,1900, p. 597.
b) [Le suj. désigne ce qui procure de l'honneur] Franchise, générosité, scrupule, sentiment qui honore qqn. Il n'avait jamais pardonné à Adélaïde (...) de n'avoir pas de ces seins lourds, de ces fesses bien larges, qui honorent les familles (Aymé, Jument,1933, p. 32) :
2. ... veille sur ma Laure (...). Si quelques vertus honorèrent ma vie, dis-lui que ma faute les effaça toutes; en lui racontant la cause de ma mort, garde-toi bien de l'excuser (...) : qu'elle sache que ce qui m'a perdue, est d'avoir coloré le vice des charmes de la vertu... Cottin, C. d'Albe,1799, p. 222.
Honorer qqn/qqc. de/par qqc.Ceux qui honorèrent leur pays par leur génie ou leurs vertus subirent l'outrage, la persécution, la captivité, l'exil, quelquefois la mort (A. France, Vie fleur,1922, p. 491).
2.
a) [Le compl. d'obj. désigne un animé]
Traiter avec considération, avec beaucoup d'égards; donner des marques de respect, d'estime; rendre hommage. Quand une pièce particulièrement belle était approchée, (...) il ne découpait pas seulement, il servait, envoyant le morceau le plus fin au convive qu'il voulait honorer ce jour-là (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 118).Il me paraît que le congrès mondial qui se prépare doit tenir à cœur tout particulièrement d'honorer les jeunes gens qui refusent de se prêter au jeu de la guerre (Gide, Journal,1933, p. 1180).Les masses vont s'ébranler aujourd'hui pour honorer la mémoire du désespéré (Mauriac, Journal 2,1937, p. 197) :
3. Il avait (...) d'insolubles scrupules à propos du quatrième commandement : Tes père et mère honoreras [it. ds le texte] Afin de vivre longuement. Oh, pour ce qui était de la longévité, il en faisait joyeusement le sacrifice! Mais cela suffisait-il pour sa rédemption? Car il était bien sûr qu'il n'honorait point son père... Aragon, Beaux quart.,1936, p. 58.
Honorer qqc. en qqn.Ils honorent en moi la puissance de l'argent, que je méprise, moi (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 162).Sans parler des plus hautes distinctions qui me furent décernées par nos alliés (...) qui honoraient en ma personne l'armée française tout entière (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 142).
En partic.
[Le suj. désigne une pers., le compl. un dieu, une divinité, un symbole divin] Rendre, célébrer un culte; considérer avec le respect dû aux ancêtres déifiés, aux choses sacrées. Honorer les dieux, l'église. Il voyait les moines honorer la Vierge, en bons clercs qu'ils étaient, par de savantes oraisons (A. France, Vie littér., t. 2, 1890, p. 269) :
4. Ils entendent par « élévation », cette « sorte d'oraison... qui se fait par voie d'admiration, d'adoration, de révérence, d'humble regard, d'hommage et d'honneur, et d'autres pratiques, qui tendent purement et simplement à honorer et glorifier Dieu (...) » Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 118.
Au passif. Pour qu'il ne fût pas dit que cette année la Vierge n'avait pas été honorée suivant les rites séculaires, ils [les moines] esquissèrent en longues files un mouvement de danse (Tharaud, Passant Éthiopie,1936, p. 148).
Emploi abs. Et ces noms, vous nous les avez fait perdre, qui nous auraient permis de tenir compte de leur efficace; car il ne s'agit pas de supplier mais d'honorer (Butor, Passage Milan,1954, p. 285).
Honorer un dieu, des idoles par qqc. Cette ville s'est honteusement prostituée aux idoles, qu'elle a honorées par des sacrifices humains et des turpitudes (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 999).
[Le suj. désigne l'hommage rendu] Très exactement, le culte honorait le dieu (Alain, Propos,1913, p. 156).
[Le compl. désigne un lieu] J'ai vu honorer en Italie la moindre chambre où coucha Garibaldi (Barrès, Cahiers, t. 1, 1897, p. 209).
Honorer qqn/qqc. de/par qqc.
Accorder une grâce, une faveur, une distinction qui procure de la considération, de l'estime. Honorer qqn de son attention, d'une charge, de sa confiance, de ses confidences, de sa protection, d'un titre. Je ne parlerais pas avec vous de tout cela si je ne savais que le tsar ne vous honore de sa faveur (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 129).J'ai jadis piloté à Londres (...) un chef arabe qui m'honorait de son amitié (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 35) :
5. Après avoir reçu et décoré les généraux français, il voulut bien voir également et honorer de ses distinctions, comme de ses paroles aimables, les officiers de mon état-major, et en particulier le colonel Weygand, le commandant Desticker. Foch, Mém., t. 1, 1929, p. 254.
Accorder une faveur qui flatte. Langlois les invita à honorer sa boutique de leur présence (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 103).Myrrha (...) se hâta de faire des avances à monsieur le Hofmusicus. Ils le prièrent de vouloir bien honorer leur repas de sa présence (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 323).
Honorer une femme. Avoir des relations sexuelles avec elle. Il [le fabricant de chaussures] venait deux fois par mois à Paris pour ses affaires et il en profitait pour tromper sa femme; c'était une créature contrariante, qui voulait être honorée deux fois par semaine, et lui, il ne pouvait pas (Aymé, Mais. basse,1934, p. 148).
[En terme de politesse] Je vous prie d'agréer les sentiments dont je vous honore avec reconnaissance (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1333).
[Le suj. désigne l'honneur accordé] Ta confiance m'honore (Gracq, Syrtes,1951, p. 66).
b) [Le compl. d'obj. désigne un inanimé] Avoir de l'estime, de la considération. Synon. respecter.Honorer le mérite, les métiers, la poésie, la vérité, la vertu. Le pouvoir, trop heureux de paraître honorer les sciences et favoriser des talents qui ne lui donnent nul souci, les comble de rubans, de pensions et de chaires (Valéry, Variété II,1929, p. 113).
3.
a) Tenir un engagement. Honorer sa signature. Contre toutes les menaces, il a honoré son serment (Aymé, Vogue,1944, p. 50).Si ces messieurs n'honorent pas leur promesse, ce sera fini (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 25).
b) En partic. Acquitter, payer ce à quoi l'on s'était engagé. Honorer une lettre de change, un bon, une traite. Les services de répartition ont créé un stock important de riz − dit « stock de sécurité » − qui permettra d'honorer les tickets des consommateurs pour les mois à venir (L'Œuvre,18 mars 1941).
c) Payer à quelqu'un des honoraires qui lui sont dus. Il doit payer des assurances, honorer le notaire, acquitter périodiquement la note du marbrier qui a fait et qui entretient le monument de Nesles (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 112).Cf. honoraires ex. de Céline.
B. − Emploi pronom.
1. réfl. S'attirer de l'honneur, de la considération, de l'estime. N'êtes-vous pas d'avis, mon enfant, que c'est s'honorer soi-même, que de venir au secours d'un homme aussi estimable (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1875).Par de tels procédés, l'auteur s'honore lui-même et consolide son œuvre (Flammarion, Astron. pop.,1880, p. 431).
S'honorer de.S'enorgueillir, éprouver de l'orgueil, de la fierté. Article très-amical de Julien Leclercq (...). On ne peut pas me défendre avec plus de générosité (...). Mon cher monsieur, vous êtes le premier, l'unique, jusqu'à ce jour, et je m'honore de solliciter votre amitié (Bloy, Journal,1894, p. 126).Choulette parut, l'air magnifique d'un de ces mendiants dont s'honorent les portes des vieilles villes (A. France, Lys rouge,1894, p. 168) :
6. ... il ne se passe guère de saison que je n'aille dîner (...) dans ce paysage limité par les quais Saint-Bernard et d'Austerlitz, et qui s'honore, outre le Jardin, d'une mosquée, d'un amphithéâtre gallo-romain qui date du temps d'Hadrien, d'une gare délaissée, d'un hôpital... Fargue, Piéton Paris,1939, p. 121.
2. réciproque. S'estimer. Cet attrait alors était réciproque [de Lamartine et M. Thiers]; ces deux grands esprits, partis de deux rivages opposés, se traitaient comme des hôtes d'un jour qui se font fête et qui s'honorent (Sainte-Beuve, Portr. contemp., t. 4, 1846-69, p. 114).
REM. 1.
Honorant, -ante, adj.C'est une voie honorante les rigueurs du Père éternel sur son Fils unique (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 38).
2.
Honoration, subst. fém.Synon. de adoration.Après l'adoration ou l'honoration par toutes les sœurs, la bonne grâce du prieur victorin alla jusqu'à offrir à Madame de Port-Royal de lui donner quelques petits morceaux de la relique (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 93).L'honoration de saint Stanislas (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 268).
3.
Honoré, -ée, part. passé et adj.[Terme de politesse que s'adressent des personnes occupant les mêmes fonctions; terme marquant le respect] Honoré(e) comtesse, confrère, maître, mère. Le portier dit que Sa Seigneurie venait malencontreusement de sortir une demi-heure à peine avant l'arrivée des huit honorés messieurs [des policiers] (Giono, Angelo,1958, p. 14).En terme de comm., avec ell. de lettre. En réponse à votre honorée du; mon honorée de ce jour. Dans le magasin, on entendait M. Eyssette qui dictait : − J'ai reçu votre honorée du 8 courant (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 30).
4.
Honorence, subst. fém.,hapax. « Nenni, de ma bouche », dit-elle, « laquelle est pour feu mon mari, parce qu'elle y a juré honorence et fidélité... » (Martin du G., Gonfle,1928, I, 4, p. 1184).
5.
Honorifié, -ée, adj.Telle est cette personne à qui le Christ en mourant prescrit qu'elle aille à notre rencontre comme une mère honorifiée, afin qu'elle prenne racine dans un peuple honorifié (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 106).
Prononc. et Orth. : [ɔnɔ ʀe], (il) honore [ɔnɔ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Cf. honneur. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xes. « rendre hommage par des marques de respect » (St Léger, éd. J. Linskill, 45); 2. « faire honneur, procurer de l'honneur » (Escoufle, 4 ds T.-L.); 3. 1723 honorer [une lettre de change] (Savary, Dict. de comm. ds FEW t. 4, p. 464b), cf. faire honneur* à [id.]. Empr. au lat.honorare « honorer, rendre hommage; gratifier; orner ». Fréq. abs. littér. Honorer : 1 759. Honoré : 808. Fréq. rel. littér. Honorer : xixes. : a) 3 582, b) 2 214; xxes. : a) 2 360, b) 1 815. Honoré : xixes. : a) 1 649, b) 1 071; xxes. : a) 1 081, b) 804.