| HIER, adv. et subst. masc. I. − Adv. [Déterminant un verbe gén. à un temps passé] Dans le jour qui précède immédiatement celui où l'on est (c'est-à-dire aujourd'hui, dans le temps dit absolu). Rem. 1. Ici et maintenant délimitent l'instance spatiale et temporelle coextensive et contemporaine de la présente instance de discours contenant je. Cette série n'est pas limitée à ici et maintenant; elle s'accroît d'un grand nombre de termes simples ou complexes procédant de la même relation : aujourd'hui, hier, demain, dans trois jours, etc. (É. Benveniste, Problèmes de ling. gén., Paris, Gallimard, 1966, p. 253). 2. Dans le temps dit relatif, hier a pour équivalent la veille. A. − Emploi abs. Votre correspondance nous éclaire, nous afflige ou nous console. La lettre d'hier est alarmante (Lamart., Corresp.,1830, p. 98).Maxime a tué hier trois pélicans d'une seule balle. Leurs têtes sont à sécher au gouvernail (Flaub., Corresp.,1850, p. 216).J'ai passé l'après-midi d'hier dans le jardin public qui domine admirablement la ville. Malheureusement, à l'instar de Paris, on l'appelle « Le Jardin des Plantes » (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1908, p. 65).V. demain ex. 1. ♦ Avant-hier*. B. − [Emploi précisé par d'autres indications temporelles] 1. [Jour de semaine] Hier dimanche, je suis allée chez elle. C'était fort brillant (Mirbeau, Journal femme,1900, p. 325).Hier jeudi, commencé tranquillement ma journée, dans cette chambre du sixième, où je suis vraiment bien (Gide, Journal,1921, p. 708). 2. [Partie du jour] a) [Sans autre détermination] Hier midi, me trouvant seul avec ma mère, je lui ai saisi les mains (Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 25).Cette fille est venue la voir hier après-midi pour lui vendre des billets de tombola (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 130). ♦ Hier matin. Je ne me rappelle plus très bien ce que je t'ai dit hier matin, me dit-il, mais qu'importe (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 344). 13 février. − Hier matin, affreuse nouvelle, Bérard est mort d'une attaque au théâtre Marigny (Green, Journal,1949, p. 238). ♦ Hier soir. « Il a trop bu hier soir, demain il sera mieux luné », me dis-je avec espoir en m'endormant (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 453).Je sais ce que le gouverneur vous a répondu. J'aurais pu vous dire hier soir ce qu'il répondrait, et vous éviter le voyage (Camus, Requiem,1956, 2epart., 7etabl., p. 914). b) [Avec détermination de à] Mon amie, je suis arrivé hier à cinq heures du soir à Dresde (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1807, p. 155).Il s'est endormi d'un sommeil éternel hier à quatre heures du soir (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 203) : 1. Hier à midi, nous avons eu un très bon point, j'en ai eu un autre à seize heures. De tous ces calculs il ressort que les compas sont bons, que la vitesse moyenne est de vingt-huit nœuds.
Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 156. ♦ Hier au matin (peu usité). Hier au matin je l'ai vue encore (Murger, Scènes vie jeun.,1851, p. 78) : 2. Cela s'appelle-t-il perdre son temps, à votre avis? Arrivé d'hier au matin, marié aujourd'hui à trois heures! Parlez-moi des marins pour aller rondement en besogne.
Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 50. ♦ Hier au soir. Déjà les troupeaux ont quitté les alpages. La nouvelle en est arrivée hier au soir à Théotime (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 323) : 3. Hier au soir, je lisais le Parsifal de Wolfram d'Eschenbach; c'est le Cantique des Cantiques de la chevalerie, et j'ai dû en interrompre la lecture, faute de chandelle.
Montherl., Maître Sant.,1947, III, 1, p. 644. c) D'hier en huit, en quinze, etc. ,,Dans huit jours, dans quinze jours, etc., à compter d'hier`` (Ac. 1835-1935). C. − P. ext. Dans une époque indéterminée précédant immédiatement le temps présent. Les dogmes qui obtenaient hier votre adhésion sont toujours présents à votre pensée (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1129) : 4. ... en ce cristal cruel et sombre, le comédien venait de s'apercevoir vieillissant. Il constatait que ses cheveux, hier encore poivre et sel, tournaient au clair de lune...
Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 218. − D'hier. [Déterminant un verbe gén. au prés. et traduisant un passé récent] Ce livre vous paraît écrit d'hier : il date de cent ans; il paraissait en 1755, dans le même temps que Quesnay fondait son école (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 262).L'intelligence (...). Elle est d'hier. Elle date des Grecs, des Égyptiens, si vous voulez (A. France, P. Nozière,1899, p. 160) : 5. Pourquoi Monsieur d'Ajuda porterait-il chez les Rochefide un des plus beaux noms du Portugal? Les Rochefide sont des gens anoblis d'hier.
Balzac, Goriot,1835, p. 86. ♦ Dater d'hier. Être récent, neuf, sans passé. L'astronomie physique (...) a déjà commencé à nous donner des fruits, et elle nous en donnera bien d'autres, car elle ne date que d'hier (H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 167).Les plants importés d'Amérique (...) risquent de ne point nous rendre un produit égal, (...) ils datent d'hier, ils n'ont pas assez vécu (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 33). ♦ Homme (né) d'hier (rare). Synon. de parvenu. (Ds Littré) : 6. Homme né d'hier, disait-il à un contradicteur, oses-tu bien te mesurer avec celui de qui l'origine est aussi ancienne que les sommets du Taygète?
Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 163. ♦ Ne pas dater d'hier, ou, vieilli, ne pas être d'hier. Ne pas être nouveau, récent; être assez ancien. Nous commençons à avoir la vue un peu basse. Je ne suis pas d'hier (Picard, Théâtre, t. 2, Voy. interr., 1799, p. 59).Il y avait une institution bizarre, comme tout à Jérusalem, et qui ne date pas d'hier (Tharaud, An prochain,1924, p. 201) : 7. Quoique la division du travail ne date pas d'hier, c'est seulement à la fin du siècle dernier que les sociétés ont commencé à prendre conscience de cette loi, que, jusque-là, elles subissaient presque à leur insu.
Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 1. ♦ Ne pas être né d'hier (fam.). Posséder une expérience certaine. Moi, tous ces discours me persuadent peu. Je ne suis pas né d'hier, et j'ai mes souvenirs (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819, p. 21).Si (...) tu te mets à me raconter que tu veux faire ta carrière, ça ne prend pas, niquedouille! Je ne suis pas né d'hier (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 226) : 8. M. de Sauves, qui n'était pas né d'hier, comme on dit, avait remarqué du premier coup d'œil le désordre et l'animation des traits de la duchesse.
Feuillet, Sybille,1863, p. 223. ♦ (Être) né/fait d'hier. (Être) jeune et inexpérimenté. (Ds Littré, Guérin 1892, DG). ♦ (Il me semble que/Comme si) c'était hier. Époque éloignée mais qui reste proche, présente à l'esprit par le vif souvenir que l'on en garde. Son ancienne entrevue avec Hassler, son enthousiasme d'enfant, l'image du grand-père, lui revinrent à l'esprit, comme si c'était hier (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 541).Il me souvient comme si c'était hier de ses gentillesses, de ses jambes longues et blondes et magnifiquement déliées et musclées, des jambes nobles (Céline, Voyage,1932, p. 284) : 9. Le village, son rideau de peupliers (...) et ce ravin où ils couraient l'été, − comme c'était loin et tout près! comme c'était passé et vivant! comme c'était hier!
Goncourt, Sœur Philom.,1861, p. 217. II. − Subst. masc. A. − Jour précédant immédiatement celui où l'on est, celui où l'on parle (c'est-à-dire aujourd'hui, dans le temps dit absolu). Tout hier, le soleil a boudé dans ses brumes (Laforgue, Poés.,1887, p. 153).Employé tout hier et tout avant-hier à des courses (Gide, Journal,1906, p. 215) : 10. Hier était le huitième anniversaire du jour où j'ai rencontré Yvonne de Galais. Et c'est hier, à l'heure même où jadis elle sortait du Grand Palais, que j'ai parlé à sa sœur.
Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1913, p. 353. ♦ L'autre hier (vieilli). Synon. de avant-hier (Besch. 1845), de l'autre jour (Nouv. Lar. ill., Lar. 20e).Figurez-vous que, l'autre hier, un voisin est venu m'avertir obligeamment, toujours à propos de la fontaine (Arène, Veine argile,1896, p. 259). B. − P. ext. Époque indéterminée précédant immédiatement le temps présent. Hier vivait d'horreur, de deuil, de sang, de fange; Hier était le monstre et Demain sera l'ange (Hugo, Légende, t. 5, 1877, p. 906).Je dirige ma conscience vers cet objet passé qui est hier (Sartre, Imaginaire,1940, p. 230) : 11. L'espace qui reste à franchir n'est point la mer.
Nulle route n'est le chemin qu'il me faut suivre;
Rien, retour, ne m'accueille, ou, départ, me délivre.
Ce lendemain n'est pas du jour qui fut hier.
Claudel, Poés. div.,1952, p. 13. − Au plur., peu usité. Si ces hiers allaient manger nos beaux demains? (Verlaine,
Œuvres compl., t. 1, Sagesse, 1881, p. 196).Au bois des frênes nous avons pleuré. (...) Était-ce à cause des vieux hivers Et de tant d'hiers Où nous avions pleuré? (Régnier, Tel qu'en songe,1892, p. 215).V. demain ex. 10. Prononc. et Orth. : [jε:ʀ] ou [iε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 ier « le jour qui précède » (Roland, éd. J. Bédier, 2701); 1176-81 hier (Chr. de Troyes, Chevalier à la Charrette, éd. M. Roques, 872); ca 1350 hier subst. (Gilles Li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 10); 2. [ca 1100 li altrer « l'autre jour » (Roland, éd. J. Bédier, 3185)]; av. 1188 ier « à une date récente » (Partonopeus de Blois, Appendice I, 1273, éd. J. Gildea, t. 1, p. 459 [ms. fin xiies.]). Du lat. heri « hier », b. lat. « naguère » Pour l'introduction du h-, v. hièble. Fréq. abs. littér. : 11 561. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 749, b) 20 187; xxes. : a) 15 309, b) 17 408. Bbg. Blumenthal (P.). Zur kommunikativen Funktion von Adverbien und Umstandsbestimmungen im Französischen. Rom. Forsch. 1975, t. 87, no2, pp. 301-302. - Hug (M.) Le Syst. log. des circ. de temps. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13.1971. Québec. Québec, 1976, t. 1, pp. 1102-1104. - Jack (W.). Studien zu den Zeitadverb-Reihen « Gestern - Vorgestern - Vorvorgestern » und « Morgen - Übermorgen - Überübermorgen » in den romanischen Sprachen. Erlangen, 1960, p. 22, 127, 366. |