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HEUR, subst. masc.
A. − Vx, rare. Ce qui arrive d'heureux ou de malheureux. Le fou se plaint de l'heur mauvais seulement (Claudel, Tête d'Or,1890, 2epart., p. 60).V. bonheur ex. 2.
B. − Destin favorable, bonne chance, ce qui arrive d'heureux. Tout se tourne en mieux (...); il me tardait de vous en faire part. Heur et malheur se disent aux amis (E. de Guérin, Lettres,1839, p. 267).Sa robuste confiance en lui-même, en l'heur imperturbable de sa destinée, tout doucement commençait à chanceler. Il doutait de sa veine (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 216).Heurs et malheurs ont plutôt l'air tirés au sort que logiquement répartis! (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 3etabl., 1, p. 1613).
Expr. vieillies, parfois iron.
Avoir l'heur de (+ inf.).Avoir la chance, le plaisir de. Qu'il est doux au loin de s'entendre, Sans même avoir L'heur de se voir! (Brizeux, Marie,1840, p. 26).Dans une quinzaine j'aurai l'heur d'embrasser ta trombine (Flaub., Corresp.,1862, p. 31).
N'avoir pas l'heur de (plaire, etc.). Hélas! cette visite, nous n'eûmes point l'heur, le bonheur de la recevoir (Verlaine, Œuvres posth., t. 3, Souv. d'hôp., 1896, p. 114).Hellmuth lui disait, avec un sourire pincé : − Est-ce que ceci n'a pas encore l'heur de vous plaire? (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 487).
Loc. proverbiale. Il n'est/il n'y a/tout n'est qu'heur et malheur (dans ce monde, etc.). Il n'y a qu'heur et malheur dans ce monde, M. l'Hermite, pour les choses comme pour les hommes (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 116).N'est-ce pas chose ordinaire que d'entendre dire : celui-là est mort, celui-là est ruiné? On danse, on boit par là-dessus. Tout n'est qu'heur et malheur (Musset, A. del Sarto,1834, II, 2, p. 87) :
... une foule de causes variables qu'on peut appeler hasard, se combinent avec l'énergie de chacun, pour l'aider ou la combattre. Cette énergie, tantôt triomphe, tantôt succombe; il n'est qu'heur et malheur, voilà tout... Quand on se sent vigoureux d'âme, plein d'aptitude et d'essor, et que pourtant la destinée favorable nous manque, on la voudrait du moins noblement et grandement contraire. Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 108.
Prononc. et Orth. : [œ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. heure, heurt. Étymol. et Hist. 1. Ca 1121 « sort, fatalité, destin » ici bon öur « fatalité heureuse, chance » (St Brandan, v. bonheur étymol. et hist.); ca 1170 a boen eür « heureusement » (Chr. de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2772); 1306 heur (Joinville, St Louis, éd. N. de Wailly, 1874, § 641, p. 352); 2. ca 1190 « chance, bonheur » (G. de Pont Ste Maxence, St Thomas, 274 ds T.-L.); 1540 avoir l'heur de « avoir la chance, le bonheur de » (N. Herberay des Essars, Amadis, éd. H. Vaganay, 167 ds IGLF). Du lat. augurium « augure, interprétation des présages, présage (dans la religion romaine) » par l'intermédiaire de la forme agurium du b. lat. (TLL s.v. 1731, 11) et glissement au sens de « sort, condition, destinée » (cf. TLL s.v. 1375, 83); la collision homon. avec heure*, notamment dans des expr. avec bon ou mal eur, est à l'orig. de l'ajout de l'initiale h au Moyen Âge. Fréq. abs. littér. : 105.