| HARPE1, subst. fém. A. − 1. Instrument de musique, de forme triangulaire ou arquée, muni de cordes de longueur décroissante que l'on pince avec les doigts. Les pauvres Bohêmes, alors qu'ils voyagent (...), portent sur leur dos une mauvaise harpe, d'un bois grossier, dont ils tirent des sons harmonieux (Staël, Allemagne, t. 1, 1810, p. 47).Il y avoit trois choses qu'on ne pouvoit saisir pour dettes chez un homme libre du pays de Galles : son cheval, son épée et sa harpe (Chateaubr., Ét. ou disc. hist., t. 3, 1831, p. 134).L'esclave souleva une sorte de harpe en bois d'ébène plus haute qu'elle, et triangulaire comme un delta; elle en fixa la pointe dans un globe de cristal, et des deux bras se mit à jouer (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 50) : 1. Cette harpe, terminée par une sorte de table d'harmonie, arrondie en conque et coloriée de peintures ornementales, portait, à son extrémité supérieure, une tête sculptée d'Hâthôr surmontée d'une plume d'autruche; les cordes, au nombre de neuf, se tendaient diagonalement et frémissaient sous les doigts longs et menus de la harpiste...
Gautier, Rom. momie,1858, p. 198. SYNT. Harpe antique, égyptienne; harpe africaine; harpe celtique, irlandaise, écossaise, galloise; harpe des bardes; harpe des anges; harpes séraphiques, célestes; pincer de la harpe; s'accompagner sur la harpe. − Harpe de David (dont il jouait habituellement pour calmer la mélancolie du roi Saül, v. Bible, I Samuel, 16-23). Le jeune David prêt à chasser par les sons de sa harpe l'esprit qui s'étoit emparé du roi Saül (Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 174). ♦ P. métaph. Elle regrettait tout de sa jeunesse : (...) les baisers de Bianca, les caresses de sylphe de Betty, le confessionnal du P. François, harpe de David qui endormait la bête en elle (Péladan, Vice supr.,1884, p. 54) : 2. Cet oncle terrible était devenu parfaitement intolérable depuis que sa sœur n'était plus là pour le calmer. La harpe de David était brisée et Saül se livrait à ses fureurs.
A. France, Bonnard,1881, p. 395. 2. En partic. − Harpe d'Éole, harpe éolienne (v. éolien2). ♦ P. métaph. Je suis comme une harpe éolienne, qui rend quelques beaux sons, mais qui n'exécute aucun air (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 88).Le vague était complet [dans les lettres de Mmede Fervaques]. Cela voulait tout dire et ne rien dire. C'est la harpe éolienne du style, pensa Julien (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 407). − [De nos jours, dep. les perfectionnements apportés par Érard au début du xixes.] Instrument de grande taille, triangulaire, tendu de 47 cordes donnant 27 gammes diatoniques complètes , formé d'une table et caisse de résonance, d'une console en col de cygne qui reçoit le mécanisme et les chevilles d'accord, d'une colonne réunissant le corps à la console et contenant les tiges d'acier qui relient les pédales au mécanisme, d'un socle sur lequel sont accrochées 7 pédales qui permettent, par deux systèmes de fourchettes, de hausser les notes d'un demi-ton ou d'un ton. Facteur de harpes; la technique de la harpe; étudier la harpe; concerto pour flûte et harpe de Mozart. [Les] arpèges mystérieux qu'elle tirait par instant des cordes de sa harpe, dont la crosse disparaissait sous les enlacements d'une sirène dorée (Nerval, Pandora,1855, p. 736).Les instruments à cordes, les haut-bois et les harpes lançaient d'idéales lamentations (Péladan, Vice supr.,1884, p. 211) : 3. Mademoiselle de Borose joue également bien du piano et de la harpe; mais elle préfère ce dernier instrument par je ne sais quel sentiment enthousiastique pour les harpes célestes dont sont armés les anges, et pour les harpes d'or tant célébrées par Ossian.
Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 301. − Harpe chromatique. ,,Harpe à double rangée de cordes accordées selon l'échelle chromatique (n'est plus utilisée aujourd'hui)`` (Mus. 1976, pp. 454-455). 3. P. métaph. a) [En parlant des arbres] Quand l'âpre tramontane Sonne, au comble de l'or, l'azur du jeune hiver Sur tes harpes, Platane, Ose gémir!... (Valéry, Charmes,1922, p. 115).La grande harpe de bouleaux frémissante de vent (Giono, Triomphe vie,1941, p. 193).Et la forêt est composée des arbres, bien que tous y soient ennemis. Et le vent tire sa louange de cette harpe! (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 902). b) [En parlant de l'affectivité d'une pers.] Il admirait cette créature changeante, multiforme, qui avait à sa harpe intérieure tant de cordes diverses, douces ou fortes (De Vogüé, Morts,1899, p. 186).Dans un moment où l'homme est une harpe triste qui frémit encore (Colette, Képi,1943, p. 78) : 4. Il y avait là (...) deux ou trois vieux chantres (...) leurs voix épuisées me remuaient les plus profondes cordes de l'âme, cette harpe enfoncée dans nous!
Barb. d'Aurev., Memor. A... B...,1864, p. 419. c) [En parlant de la poésie, de l'inspiration poétique, p. réf. plus ou moins directe à David, auteur de psaumes] Il [Marot] a voulu traduire les Psaumes, et accompagner sur son flageolet la harpe du Prophète (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 24).La Muse (...) d'Arthur Rimbaud prend tous les tons, pince toutes les cordes de la harpe (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., 1884, p. 18) : 5. Que te dire de ton Saül, mon cher Gide? si ce n'est que je ne sais aucun drame plus sombrement passionné, plus fortement soutenu. Pour la première fois depuis longtemps, quelqu'un a relevé la harpe sacrée et, couronné de feuilles parfumées, chante, pâle de piété, les cantiques amers.
Jammes, Corresp. [avec Gide], 1903, p. 206. B. − [P. anal. de forme] Mollusque marin à coquille univalve dont le dernier tour très développé porte de grandes côtes parallèles assez minces et saillantes, de la classe des Gastéropodes, de la famille des Harpidés (v. -idés). On trouve aussi les cônes, les porcelaines, les rochers, les harpes, toutes les variétés les plus délicatement peintes, et les plus bizarrement contournées (Loti, Désert,1895, p. 121). REM. Harpe-lyre, harpolyre, subst. fém.,,Lyre-guitare de grande dimension à trois manches portant ensemble 21 cordes`` (Brenet, Dict. prat. et hist. mus., 1926, p. 194). Combien je me trouve heureux d'avoir, depuis l'âge de onze ans, fait apprendre à ma nièce la harpolyre et le forte-piano! (Musset, Nuit vénit.,1834, 2, p. 26). Prononc. et Orth. : [aʀp] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Mus. [fin xies. (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, p. 80 : harpe « harpe »)] 1remoitié du xiies. (Psautier d'Oxford, 70, 25 ds T.-L.); 2. 1742 hist. nat. (Dezallier d'Argenville, Hist. nat., p. 302 ds R. Ling. rom. t. 41, 1977, p. 427). Du germ. *harpa « instrument de musique »; cf. a. h. all. harfa « id. »; m. h. all. harpe; all. Harfe « id. »; en a. nord. harpa a également le sens de « sorte de mollusque ». Le mot a été introduit en b. lat. par les légionnaires d'orig. germ. (cf. vies. Fortunat ds Blaise). Cf. FEW t. 16, p. 173a. Bbg. Genaust (H.). Vox rom. 1972, t. 31, pp. 390-391. - Quem. DDL t. 10, 12. - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 129, 130. |