| * Dans l'article "HARCELER,, verbe trans." HARCELER, verbe trans. A. − 1. Tourmenter (une personne ou un animal) en le poursuivant sans cesse et en lui faisant subir d'incessants désagréments physiques. Je préfère les combats à mort à ceux où l'on se contente de harceler des taureaux qui portent des boules à l'extrémité de leurs cornes (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 253).Un âne trottait vivement, Harcelé par un malotru armé d'un fouet (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 20) : 1. Les mouches et les maringouins jaillissaient par milliers du foin coupé et les harcelaient [les faucheurs] de leurs piqûres; le soleil ardent leur brûlait la nuque et les gouttes de sueur leur brûlaient les yeux...
Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 97. − Emploi abs. Les grêlons frappent, harcèlent, meurtrissent, assourdissent, écrasent; les flocons sont pires (Hugo, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 135). 2. ART MILIT. Harceler l'ennemi. Épuiser l'ennemi par une poursuite sans relâche, le faire tomber dans de continuelles embuscades ou lui faire subir d'incessantes attaques. Synon. talonner.À Mantoue, la garnison s'était réveillée; elle faisait de fréquentes sorties, qui harcelaient sans cesse les assiégeants (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 546).Cependant les convois étaient inquiétés; les détachements de soldats surpris, harcelés, mis en fuite (A. France, Clio,1900, p. 96). − P. métaph. Cette tiédeur d'opinion, cette paresse et presque cette peur de penser, du moment qu'il s'en rendit compte, devint une des antipathies du jeune homme et l'ennemi principal qu'il se plut tout d'abord à harceler (Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 3, 1844-64, p. 311). B. − Au fig. 1. Harceler qqn de qqc. a) [Le suj. et l'obj. désignent une pers.; le compl. prép. désigne ce qui est dit] Provoquer ou exciter (par des paroles moqueuses ou désobligeantes). Christophe, avec la légèreté cruelle de l'enfance, partageait le dédain de son père et de son grand-père pour le petit marchand. Il s'en divertissait comme d'un objet comique; il le harcelait de taquineries stupides, que l'autre supportait avec son inaltérable tranquillité (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 89).Seule avec lui, elle [sa mère] le harcelait de tendres critiques, mais avec les étrangers ou avec son père, elle faisait son éloge (Cocteau, Gd écart,1923, p. 29). − Emploi abs. C'était un besoin inlassable de dire des niaiseries, de répéter cinquante fois des mots qui n'avaient aucun sens, d'agacer, d'irriter, de harceler, de mettre hors de soi (Rolland, J.-Ch., Adolesc., 1905, p. 334). − P. méton. [Le suj. désigne un écrit] :
2. ... on ne pouvait jouir d'aucune gloire littéraire dans son pays, quand les journaux aussi multipliés que sous un gouvernement libre, et néanmoins soumis tous au même langage, vous harcelaient de leurs plaisanteries de commande.
Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 121. b) [Le suj. désigne ce qui est dit ou écrit] Harceler qqn : 3. Quand Claude et Quasimodo sortaient ensemble, ce qui arrivait maintes fois, et qu'on les voyait traverser de compagnie, le valet suivant le maître, les rues fraîches, étroites et sombres du pâté Notre-Dame, plus d'une mauvaise parole, plus d'un fredon ironique, plus d'un quolibet insultant les harcelait au passage...
Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 194. ♦ Harcelé par/de.Dans cette gaîté de Paris, l'Angleterre faisait claquer son fouet; la chaise de poste de lord Seymour, harcelée d'un sobriquet populacier, passait à grand bruit (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 631). 2. Harceler qqn a) Fatiguer quelqu'un par des demandes, des questions, des prières, des sollicitations, des attentions réitérées. Synon. importuner, empoisonner (fam.), tarabuster (fam.), enquiquiner (fam.).Une femme vint s'installer près de lui, le harcela gentiment, l'attaqua par tous ces boucliers de métal qui sont les points sensibles des hommes dans les bars, son porte-cigarette, son briquet, sa montre (Giraudoux, Bella,1926, p. 234).Excuse-moi − ma vie est un désordre incroyable, les deux garçons malades, moi éreinté, harcelé par l'univers des raseurs, pressé par 2 ou 3 éditeurs avec lesquels j'ai eu la sottise et le malheur de contracter... Enfin, le Chaos dans le Démiurge (Valéry, Corresp. [avec G. Fourment], 1928, p. 195) : 4. Une grisette dont la langue était aussi déliée que les yeux étaient actifs, se tenait sur un tabouret et harcelait les passants : − Achetez-vous un joli chapeau, madame? − Laissez-moi donc vous vendre quelque chose, monsieur?
Balzac, Illus. perdues,1839, p. 292. − Emploi pronom. réciproque. Il [Wagner] y vit en mauvaise intelligence, des catholiques, des calvinistes, des juifs qui se harcèlent sournoisement sous des étendards électoraux (Arnoux, Renc. Wagner,1927, p. 48). − Emploi pronom. réfl., rare : 5. Et aussitôt il trouva un nouveau moyen de se torturer. Il se reprocha d'avoir geint ces prières, négligemment, sans même avoir sérieusement tenté d'agréger ses sens. Et il fut sur le point de recommencer tout le chapelet; mais devant l'évidente folie de cette suggestion, il se cabra, se refusa de s'écouter, puis il se harcela encore. − Il n'en est pas moins vrai que tu n'as pas exactement rempli la tâche assignée par le confesseur, puisque ta conscience te reproche ton manque de recueillement, tes diversions.
Huysmans, En route, t. 2, 1895, p.115. b) Exhorter continuellement quelqu'un pour le faire agir et progresser. Synon. houspiller, presser, secouer.Il harcelait les architectes, et les querellait de la durée des travaux de l'hôtel Beaujon, tout en les éternisant par ses caprices (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 88). 3. [Le suj. désigne un inanimé abstr., une sensation ou une préoccupation désagréable] Tourmenter. Le riche qui (...) Laisse un peu d'or rouler de son palais sur ceux Que le noir janvier glace et que la faim harcèle S'il a le surperflu, n'a pas le nécessaire La justice (Hugo, Contempl., t. 3, 1856, p. 201).La préoccupation d'un rendez-vous d'affaires, accepté, depuis la veille, me harcelait l'imagination (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 157) : 6. Je tire de la douleur un bénéfice : elle me rappelle sans cesse à l'ordre. Les longs temps où je ne pensais à aucune chose, ne laissant naviguer en moi que les mots! chaise, lampe, porte ou autres objets sur quoi se promenaient mes yeux, ces longs temps de néant n'existent plus. La douleur me harcèle et je dois penser pour m'en distraire.
Cocteau, Diff. d'être,1947, p. 109. − En partic. [Le suj. désigne une idée, un désir] Revenir obstinément à l'esprit. Synon. hanter, obséder, miner, ronger, tenailler, habiter, travailler.Harcelé sans trêve par la plus libidineuse et la plus folle des jalousies (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 189).Rien de nouveau. Si! une pensée qui me gêne, me harcèle et que je ne peux chasser (Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 175) : 7. Le goût d'errer m'est passé avec le temps (...). Aujourd'hui, il me suffit presque, en levant les yeux de mon livre, de voir des arbres par la fenêtre, et je crois que, n'était la crainte de devenir énorme qui m'a toujours harcelé, je finirais par ne plus décamper de mon bureau.
Green, Journal,1953, p. 233. REM. 1. Harcelé, -ée, adj.,rare. [Correspond à B 2] Ma vie à moi est de plus en plus envahie et harcelée. J'aimerais autant, par moments, être cheval de fiacre (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, 1818-69, p. 416). 2. Harceleur, -euse, adj.Qui harcèle par son côté répétitif et angoissant. Les bougies crachotent (...) le téléphone (...) grogne dans sa petite boîte, comme un génie dérisoire et pervers (...) toute la nuit il grogne, harceleur autant que les obus (Genevoix, Éparges,1923, p. 205). Prononc. et Orth. : [aʀsəle], init. asp., (il) harcèle [aʀsεl]; alternance [ə]/[ε]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol et Hist. 1478-80 harceller « provoquer, exciter » (Coquillart, Nouveaulx Droitz, éd. M. J. Freeman, 1878, p. 223); 1534 herselé « tracassé » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, et M. A. Screech, XXXVIII, 25); 1648 « soumettre sans répit à de petites attaques » (N. Perrot d'Ablancourt ds Rich. 1680). Var. de herceler (1530, Palsgr., s.v. I harry, p. 579 « traîner »), herseler, dér. à l'aide du suff. dimin. -eler* de herser*, en a. fr. au sens fig. de « malmener » (fin xiie-xves. ds T.-L. et Gdf.). Fréq. abs. littér. : 286. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 208, b) 308; xxes. : a) 586, b) 518. |