| HANTER, verbe trans. A. − [Le suj. désigne un être animé] 1. Occuper de sa présence un lieu fréquenté ou désert. Elle apprit aussi qu'il menait une vie de moins en moins régulière, passant au dehors la plus grande partie de ses nuits, hantant des maisons publiques (Arland, Ordre,1929, p. 356).Je hante la forêt et la bibliothèque, cette autre forêt (Hugo, Rhin,1842, p. 308) : 1. ... Mais votre inquiétude, mais les tristes regards avec lesquels vous inspectiez ces lieux, pouvaient-ils échapper à celui qui depuis trois semaines les hante le jour et la nuit?
Gide, Caves,1914, p. 789. − En partic. [En parlant de fantômes, d'esprits] Il y avait eu dans cette maison plusieurs victimes de la Terreur dont les ombres indignées hantaient les escaliers et les corridors (A. France, Vie fleur,1922, p. 453). 2. Littér. Fréquenter assidûment. Hanter qqn, une société particulière, certains milieux. Quand on est riche et délicat, on ne hante plus les claques à quarante sous (Arnoux, Solde,1958, p. 208) : 2. À Nemours, il ne se trouve que trois ou quatre maisons de petite noblesse inconnue (...). Ces familles exclusives hantent les nobles qui possèdent des terres ou des châteaux aux environs...
Balzac, U. Mirouët,1841, p. 18. Hanter chez :3. Mais, surtout, je hante assez assidûment, contre ma coutume, attiré par je ne sais trop quel appât de curiosité, d'affection peut-être, si j'en suis capable, même à un degré crépusculaire, chez Mirlababi.
Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 196. ♦ Emploi pronom. réciproque. Tout ce bon gibier de Grève, hérétiques, sorciers et voleurs, se hantent et frayent ensemble (Mérimée, Chron. règne Charles IX,1829, p. 32). − Proverbe. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. La personnalité d'un individu se définit d'après ses fréquentations. B. − [Le suj. désigne une chose] Occuper de façon obsédante la pensée, l'esprit, l'imagination, un moment de la vie de quelqu'un. Il (...) ouvrit sa fenêtre et regarda le ciel. La peur du mauvais temps le hantait. Il faisait beau (Maupass., Notre cœur,1890, p. 350).Ni le spectre du percepteur, ni la hausse du prix du gigot, ne hantaient ces Françaises et Français parigotés, heureux de s'amuser en plein air (L. Daudet, Rech. beau,1932, p. 74) : 4. C'était comme la cuisson d'une blessure ancienne, non plus ce désir aveugle et immédiat, s'accommodant de tout, mais une passion jalouse de cette femme, un besoin d'elle seule, de ses cheveux, de sa bouche, de son corps qui le hantaient.
Zola, Nana,1880, p. 1331. REM. 1. Hantant, -ante, part. prés. en emploi adj.Ce type de la Salomé si hantant pour les artistes et pour les poètes, obsédait, depuis des années, Des Esseintes (Huysmans, À rebours,1884, p. 73). 2. Hanteur, -euse, subst. et adj.a) Subst. Personne qui hante. Ce vénéneux [Hippolyte Maubec] est pour la vertu et ce hanteur de tripots pour la probité (Bloy, Désesp.,1886, p. 275).b) Emploi adj. Avec ça toujours ivre et hanteur de tavernes (Morand, Londres,1933, p. 21). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃:te] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. enter, à l'aspiration près. Étymol. et Hist. 1. a) Début xiies. « fréquenter » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1708); b) 1121-34 « fréquenter, se tenir souvent en un lieu » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 1361); 2. a) 1800 des esprits hantaient chaque village (Delille, Homme des champs, p. 62); b) av. 1848 chambre hantée (Chateaubr., Mém., t. 4, pp. 195-196); 3. 1836 « obséder, poursuivre » (Stendhal, H. Brulard, t. 1, p. 311). Empr. de l'a. scand.heimta « conduire à la maison », dér. de heim « à la maison » qui s'accorde bien avec l'ancienneté et la fréq. du mot en Normandie d'où il a gagné le reste du domaine d'oïl. Le sens 2 est peut-être dû à l'infl. de l'angl. to haunt « fréquenter, hanter (en parlant des spectres ou des fantômes) », lequel est issu de l'a. fr. hanter (1) [anglicisme introduit peut-être par les romans fantastiques d'Ann Radcliffe (1764-1823) et autres], ou plus vraisemblablement à celle du norm. hanté « fréquenté, visité par des spectres », hant « fantôme, revenant » (v. FEW t. 16, p. 191b). Fréq. abs. littér. : 629. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 129, b) 516; xxes. : a) 1 660, b) 1 289. Bbg. Genaust (H.). Vox rom. 1972, t. 31, pp. 387-388. - Quem. DDL t. 7 (s.v. hanteux [lire hanteur]). |