| HALTE, subst. fém. et interj. I. − Subst. fém. A. − 1. Interruption d'un mouvement; temps de repos interrompant une activité, une marche, une promenade. Synon. arrêt, pause, station.Courte, longue halte; faire une halte. Cet azur des dimanches parisiens qui évoque les longues promenades au bord de l'eau, les haltes sous les tonnelles (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., III, p. 82).Nous avons gagné Saint-Genès-la-Tourette en vingt-deux heures, avec une seule halte de deux heures au Puy où nous avons déjeuné (Gide, Journal,1940, p. 26) : 1. De tous les comptoirs, des vendeurs arrivaient un à un, débandés, se pressant en bas, à l'entrée étroite du couloir de la cuisine (...). Puis, à l'extrémité du couloir, il y avait une halte brusque, devant un guichet.
Zola, Bonh. dames,1883, p. 543. ♦ En partic., domaine des transportsArrêt prévu sur une ligne. Il comptait et recomptait les jours écoulés, maudissait les haltes du train, l'accusait de lenteur (Verne, Tour monde,1873, p. 51).Chaque raidillon était précédé d'une halte, qui coupait l'élan de la voiture [un autobus]. Aurait-on la chance cette fois-ci de n'avoir aucun voyageur à laisser ou à prendre (...)? (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 260). − Loc. verb. Faire halte. [Le suj. désigne un animé ou un véhicule] S'arrêter (à une station), marquer une pause. Elle sauta du tramway qui faisait halte et prit sa volée le long des trottoirs (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 97).Le rapide de Nancy, lancé à toute vitesse, entrait, geignant sur ses freins. La machine hurla et fit halte, époumonnée, soufflant des torrents de vapeur (Courteline, Train 8 h. 47,1888, 2epart., 2, p. 112).Les filles essoufflées font halte, bavardent, ne repartent qu'après un long moment (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1268). 2. Domaine militairePause observée par une troupe au cours d'une marche. Au bout d'une heure, halte; faisceaux; casse-croûte. La 24mecompagnie fut seule désignée pour continuer la marche (Benjamin, Gaspard,1915, p. 47).Des sous-off's de dragons (...) profitent de la halte de la colonne pour venir bavarder avec les fantassins (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 744) : 2. La halte est un mot formé d'un double sens singulier et presque contradictoire : troupe en marche, c'est-à-dire mouvement; station, c'est-à-dire repos. La halte, c'est la réparation des forces; c'est le repos armé et éveillé...
Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 12. ♦ Grande halte, grand-halte, grand'halte. Repos prolongé permettant aux fantassins de se restaurer en cours de route. La gaieté revint à la grande halte, dans un chaume, où les soldats purent s'asseoir sur leurs sacs, pour manger un morceau (Zola, Débâcle,1892, p. 79).Nous sommes arrivés vers onze heures, à l'emplacement de la grand'halte du bataillon, épuisés de chaleur, aveuglés de sueur et de poussière, le temps de la grand'halte était fini. Les hommes n'ont pu faire ni soupe ni café (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1911, p. 305). ♦ Halte horaire. Arrêt de dix minutes intervenant après cinquante minutes de marche environ. Quand le coup de sifflet abrégeait de trois minutes la halte horaire, ils semblaient dire, en se remettant sur leurs pieds : « Mais oui! Pourquoi faire traîner les choses? » (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 111). B. − P. méton. 1. Vx. Repas pris au cours d'un voyage, d'une partie de chasse. De toutes les circonstances de la vie où le manger est compté pour quelque chose, une des plus agréables est sans doute la halte de chasse (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 183).La salle à manger, où la halte du matin était servie (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 583). 2. Endroit où un voyageur s'arrête pour se reposer, se restaurer avant de reprendre la route; en partic. lieu d'hébergement des voyageurs. Synon. étape, gîte.Rien de plus rudimentaire que ces haltes établies dans la montagne par les soins du Club Alpin Suisse (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 184).Vers onze heures nous atteignons la halte du déjeuner, les jardins du pont de Kharab (Barrès, Cahiers, t. 10, 1914, p. 388). − CH. DE FER. Petite station à personnel réduit où le train ne prend que les voyageurs et où l'arrêt est même parfois facultatif. Le train (...) s'arrêtait à toutes les haltes, parfois même aux postes des gardes-barrières (Benjamin, Gaspard,1915, p. 80).Dans une halte sibérienne un écrivain fait les cent pas en attendant le train (Sartre, Mots,1964, p. 159) : 3. On a été amené, surtout sur les lignes peu importantes, à multiplier les arrêts et à en établir en des points où un poste de mouvement n'est pas utile : ce sont alors des haltes...
Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, 1894, p. 212. C. − Au fig. Suspension momentanée du cours d'une action, temps d'arrêt dans une évolution. Une « infirmité corporelle » qui l'avait condamné pendant deux ans (1625-1626) à un repos absolu. Halte bienheureuse qui lui permettra de s'assimiler à fond la doctrine de l'École française (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 602) : 4. Ce cheminement vers l'absolu, la vie de sainte Marguerite [de Mauriac] nous permet d'en reconnaître les détours, les incertitudes, les haltes, la montée dans l'angoisse.
Green, Journal,1949, p. 260. − En partic. Affaiblissement, diminution temporaire (d'un mal). Synon. accalmie, pause, rémission, répit.Tout, jusqu'à l'obligation de loger le frère prodigue et de s'occuper de lui, fit de cette journée une fête. Ce fut comme une halte dans la misère (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 652).Le docteur, Castel et Tarrou, depuis quatre heures du matin, se tenaient près de lui, suivant pas à pas les progrès ou les haltes de la maladie (Camus, Peste,1947, p. 1391). II. − Interj. Halte, halte-là! A. − Domaine militaire et policier.Sommation par laquelle on commande l'arrêt immédiat. Section, halte! Il me semblait d'avance courir dans les bois, ayant à mes trousses des gendarmes criant : « Halte! halte! » (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 42).− Halte! commanda le brigadier. Ils s'arrêtèrent (Courteline, Train 8 h. 47,1888, 2epart., III, p. 125).Halte-là! crie une sentinelle (Barbusse, Feu,1916, p. 223). ♦ Crier, dire halte. Signifier (à quelqu'un) l'ordre de s'arrêter. Il cria halte, et à ce cri les dix-sept autres s'assirent en même temps sur leurs sacs (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 363). − P. ext. Synon. de arrête, arrêtez, stop (fam.).On nous crie : « Halte! » Il faut nous laisser rejoindre par l'école des garçons (Colette, Cl. école,1900, p. 289).Halte! fit Abel en me saisissant par le bras (Gide, Porte étr.,1909, p. 539). B. − Au fig. Formule utilisée pour inviter quelqu'un à ne pas aller plus loin dans ses propos, ses actions. Synon. stop (fam.).L'Allemagne dit : Halte-là! Elle n'admettra jamais que par l'échec des Anglais, la France se hisse automatiquement au premier rang (Barrès, Cahiers, t. 2, 1900, p. 171).Halte-là! Vous en prenez trop à votre aise. Il faut aimer la vérité plus que soi-même, mais son prochain plus que la vérité (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 979). ♦ Dire halte. Cette dame « étonnante pour son âge » semble avoir dit halte! à la mort (Green, Journal,1935-39, p. 221). ♦ [Dans les slogans pol., pour marquer une volonté de s'opposer à ce qu'on condamne] Halte au fascisme! Halte au licenciement! REM. 1. Halte-garderie, subst. fém.Garderie accueillant momentanément et occasionnellement les enfants en bas âge. Le personnel qualifié pour surveiller la halte-garderie confiée à une assistante de puériculture (Union sociale des œuvres privées,1935, no38, p. 7). 2. Halter, verbe intrans.,vx. [Le suj. désigne une pers. ou un véhicule] Faire halte. Nous haltons aux fontaines; nous couchons sous les arbres (Flaub., Corresp.,1850, p. 232).Soudain, les prunelles fixées sur les extrêmes gradins circulaires, il halta (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 238).Les trains se succédaient sans relâche, montée, descente, haltaient avec des claquements de portières, des appels de station (A. Daudet, Port-Tarascon,1890, p. 8). Prononc. et Orth. : [alt] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1566 faire halt « s'arrêter pour se reposer (des soldats, des chasseurs, etc.) » (Du Pinet, trad. de Pline, Histoire du Monde, VIII, 4 ds Delb., Notes mss); b) 1794 halte « lieu où se fait la halte » (Encyclop. méthod. Chasse); c) 1830 « interruption momentanée dans ce qu'on fait » (Lamart., Harm., p. 416); d) 1866 ch. de fer (Thévenin, Almanach général des chemins de fer, 3, p. 57 ds Wexler); 2. a) 1636 alte « cri et commandement pour faire hausser les armes d'hast et se ranger en marchant » (Monet); b) 1655 « interjection par laquelle on ordonne à quelqu'un de s'arrêter » (Molière, L'Etourdi, III, 4 : alte un peu); 1669 alte-là « id. » (Id., Tartuffe, I, 5). De l'ital. alto « arrêt au cours d'une marche (surtout en parlant d'une armée) » (fin xve-début xvies. ds l'expr. fare alto « s'arrêter (d'une armée) » ds Batt. t. 1, 1961, lui-même empr. à l'all. Halt terme milit. « arrêt ») impér. subst. de halten « arrêter ». L'h- du fr. est dû à l'all. Halt de même sens. Fréq. abs. littér. : 843. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 747, b) 1 762; xxes. : a) 1 215, b) 1 272. Bbg. Wexler 1955, p. 88, 95. |