| GUIMBARDE, subst. fém. A. − 1. Vx. Grand chariot, longue voiture couverte à attelage, servant à transporter des marchandises, des voyageurs. La guimbarde, sorte de coffre jaune coiffé d'une casquette de cuir noir, arrivait, secouant son cul au trot saccadé d'une rosse blanche (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Aveu, 1884, p. 161).Des voitures de place, sortes d'effroyables guimbardes délabrées, couvertes de boue, tirées par des chevaux faméliques et pilotées par des brutes (P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p. 148). 2. Fam. Voiture généralement usagée et bruyante, sans élégance ni confort. Synon. tacot.Une antique guimbarde 1899 à moteur arrière (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 465).Neuf heures de chemin de fer dans de vieilles guimbardes de wagons qui s'arrêtent toutes les dix minutes, avec une secousse dont gémissent les freins (Colette, Belles saisons, Mes cahiers, 1941, p. 163).Sa passion, c'est d'aller tout le temps plein gaz (...) rien ne l'intéresse que de monter dans sa guimbarde et de faire de la vitesse sur les routes (Giono, Gds chemins,1951, p. 186). B. − MUS. Petit instrument généralement métallique, de sonorité plus ou moins musicale, formé d'une lame recourbée en anneau dont on maintient les extrémités entre les lèvres et au centre de laquelle s'insère une lamelle que l'on fait vibrer avec l'index. Leurs instrumens de musique [des Papous] sont le tam-tam, (...) une guimbarde grossière faite avec une lame de bambou (Dumont d'Urville, Voy. autour du monde, t. 4, 1832-34, p. 611).J'aurais, la première, tiré un sifflet, un mirliton, une guimbarde de ma poche (Sand, Corresp.,1837, p. 48).Des instruments comme la guimbarde et comme l'arc musical que leur discrétion sonore laisserait muets (Schaeffner, Orig. instrum. mus.,1936, p. 136). − P. ext. (Mauvaise) guitare, instrument de musique rudimentaire, médiocre. Cet instrument n'a qu'une corde (...). Ils appellent cela une guzla (...) la plus lointaine vibration de cette guimbarde nationale m'arrachait des sanglots plaintifs (Feuillet, Scènes et com.,1854, p. 121).Une guimbarde de piano et un violon chlorotique (Arnoux, Écoute,1923, p. 57). − P. métaph. Tu es né (...) pour jouer de la harpe et tu n'as point de plus grande joie que de pincer de la guimbarde; né pour parler comme un prophète et tu t'es amusé dans l'Immoraliste, à parler comme une marionnette (Jammes, Corresp. [avec Gide], 1902, p. 198) : Si la sensibilité est une sorte de guitare que nous avons en nous-mêmes et que les objets extérieurs font vibrer, on a tant raclé sur cette pauvre mienne guimbarde que quantité de cordes en sont cassées depuis longtemps...
Flaub., Corresp.,1853, p. 419. C. − Outil de menuisier, de sculpteur, servant à aplanir le fond des entailles. Ces vides (...) s'entaillent au couteau, se creusent avec un bouvet, et se finissent au ciseau ou bien à la guimbarde (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 146). D. − Au fig., fam., péj., vx. Personne ridicule, de peu de valeur. Molière, une pauvre guimbarde, Corneille, un fantôme de barde, Le père Hugo, un vieux coco (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 293). − En partic. Femme grotesque, incapable, digne de mépris. Une femme devait savoir se retourner. Mais la sienne avait toujours été une guimbarde, un tas. Ce serait sa faute, s'ils crevaient sur la paille (Zola, Assommoir,1877, p. 763).L'égout immonde et nauséabond que MmeDeshoulières, une vieille guimbarde de l'époque de Louis XIV, nommait les bords fleuris de la Seine (Desaymard, Chabrier,1934, p. 326). REM. 1. Guimbarder, verbe trans.Transporter (comme) dans une guimbarde, véhiculer de manière inconfortable. En deuxième classe, on était cahoté, guimbardé (...) il fallait crier dans l'oreille de son voisin pour se faire entendre par-dessus le vacarme de ferraille et les gémissements des wagons éreintés (Aymé, Jument,1933, p. 121). 2. Guimbardiste, subst.Joueur de guimbarde. Des centaines de violonistes et d'exécutants de toutes sortes (...) harpistes, guitaristes, guimbardistes, mirlitonistes (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 154). Prononc. et Orth. : [gε
̃baʀd]. Att. ds Ac. 1798-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1622 mode à la guimbarde (Grands jours tenus à Paris par M. Huet ds Variétés historiques et littéraires, éd. E. Fournier, t. 1, p. 217); 1671 « femme méprisable » (Mmede Sév., Lettre no179, éd. M. Monmerqué, t. 2, p. 259); 1752 « nom de la reine de cœur » et « jeu de cartes où la reine de cœur porte ce nom » (Trév.); b) 1625 guimbarde « danse » (Muse Normande, I, 17 d'apr. Héron); 2. 1723 guimbardes « longs chariots pour marchandises » (Savary); 1828-29 « lourde voiture » (Vidocq, Mém., t. 4, p. 318); 3. 1739 « instrument de musique à vent » (Carbassus, Let. sur la mode des instruments, 36 in Wright ds Quem. DDL t. 13); 1853 « mauvaise guitare » (Flaub., Corresp., p. 419); 4. 1771 « outil de menuisier » (Trév.). Empr. au prov. mod.guimbardo « instrument; outil; barque (en mauvaise part) » attesté dès le xviies. au sens de « danse » à Toulouse (1617, Goudelin, cf. Sain. Autour Sources, p. 60 et Mistral), prob. dér. de guimba « sauter » (xviies., Goudelin ds Mistral), correspondant à l'a. prov. guimar « bondir » (1150-73 fig., Raimbaud d'Orange ds Rayn.), dont il est une forme hypercorrecte toulousaine (on y a vu une forme gasc., le gascon étant caractérisé par le passage de -mb- à -m-). Le prov. guimar représente un got. *wîmon (correspondant à l'a. sax. up-wimon « s'élever », a. h. all. wemôn « flotter, ondoyer ») cf. FEW t. 17, p. 586. Dès 1620 le nom s'applique à une héroïne de roman (cf. Barb. Misc. t. 4, no13, p. 41); de là la désignation de cartes à jouer et de certaines modes vestimentaires, puis de la danse. 2 issu de 1 b parce que les cahots donnent l'impression que la voiture danse; 3 et 4 issu de 3 p. anal. de forme avec les ridelles des voitures. Fréq. abs. littér. : 53. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 316. - Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 166, 311, 335. |