| GUIGNOL, subst. masc. A. − [P. allus. à Guignol, héros d'un théâtre de marionnettes] Marionnette à gaine, manœuvrée par un opérateur invisible, qui joue un rôle dans des scènettes comiques à l'usage des enfants. Habiller en guignols de modestes juges de paix (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1192) : 1. Tout ce qui reste encore à Paris de population est au bas des Champs-Élysées, sous les premiers arbres, où le rire joliment bruyant des enfants, assis devant les guignols, monte parfois sur la voix de la canonnade lointaine.
Goncourt, Journal,1871, p. 799. ♦ Loc. fig., pop. Faire le guignol. Agir déraisonnablement, faire des pitreries, des frasques. Et si, par malheur (...) elle a fait el' guignol là-d'dans (Martin du G., Gonfle,1928, II, 7, p. 1212). − P. anal. Personne qui, par ses gestes ou son comportement est falote ou ridicule. « Ça n'est pas un curé qu'on a là », dit Pascalon, le fossoyeur : c'est un guignol » (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1039). ♦ Arg. Gendarme. Survient-il dans une foire quelque figure rébarbative, le teneur flaire (...) un guignol (Fustier, Suppl. dict. Delvau,1889, p. 543). B. − P. méton. [P. allus. au théâtre de Guignol] 1. Théâtre de marionnettes. Aller au/à Guignol. Comme une tête de polichinelle sur la rampe d'un guignol (Goncourt, Journal,1890, p. 1182).Je n'allais presque jamais au cirque, rarement à Guignol (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 27). − P. anal. À l'église, les femmes ont le frisson : c'est délicieux. L'église, c'est un peu leur Guignol (Renard, Journal,1904, p. 899). − Loc. adj. De guignol. Une frise de personnages de guignol sortis de cette boîte de Pandore qu'était le Grand-Hôtel (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 666).Il n'avait pas à connaître ce souverain de Guignol (Proust, J. filles en fleurs,1918p. 677). ♦ Spécialement Arg. Tribunal. Pensez à moi les copains, je passe demain au guignol (Riv.-Car.1969).THÉÂTRE. ,,... logette posée sur la coulisse ou sur la scène et où le directeur et les acteurs peuvent se tenir`` (Ac. 1932). 2. Spectacle qui se joue sur la scène d'un théâtre de marionnettes; genre qui est propre à ce spectacle. Au Théâtre de Loïe Fuller, le théâtre chinois. Un mélange de Guignol et de théâtre Antoine (Renard, Journal,1900, p. 592). − P. anal. Ce qui manque de sérieux. C'est du guignol, c'est guignol. Dans le guignol philosophique d'aujourd'hui (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 209) : 2. ... est-ce que les parents devraient tolérer (...) les deux plus petits donnant à Lucienne le guignol de leurs sales exhibitions.
Aymé, Jument,1933, p. 207. − Emploi adj., rare. De petits gestes d'imploration (...) que parodie le petit Zézé de la façon la plus guignol (Goncourt, Journal,1885, p. 495). REM. 1. Guignolerie, subst. fém.
Œuvre, événement qui s'apparente à une scène de guignol. Une œuvre immensément joyeuse et gaie, « une guignolerie » très amusante (Jammes, Corresp. [avec Gide], 1904, p. 186). 2. Guignolesque, adj.Digne d'une farce de guignol. Les pages colériques, guignolesques et truculentes de la Correspondance [de Flaubert] (Thibaudet, Réflex. crit.,1936, p. 81). 3. Guignoliser, verbe intrans.Faire le guignol. Pour s'affirmer jusqu'au bout dans son rôle de bouffon officieux, il guignoliserait (Goncourt, Journal,1871, p. 841).Rob. Suppl. 1970 atteste guignoler, verbe intrans. avec le même sens : ,,... en guignolant sur ses deux jambes avec une surprenante agilité... J.R. Bloch, ... et Cie, p. 238 (Gallimard)``. Prononc. et Orth. : [giɳ
ɔl]. Att. ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1847 « marionnette sans fils, animée par les doigts de l'opérateur » (Gazette de Lyon, t. 3, d'apr. G. Baty, Guignol, Pièces du répertoire lyonnais ancien, Paris 1934, p. 14); b) 1856 « personnage involontairement comique ou ridicule, cabotin » (Furpille, Paris à vol de canard, p. 217 ds Fr. mod. t. 26, p. 302); c) [1880 « gendarme » ds Esn.]; 1886 « id. » (Petit Journal, mai, ds Fustier, loc. cit.; 2. 1866 « théâtre de marionnettes où l'on joue des pièces où Guignol est le héros; ces pièces elles-mêmes » (Littré). Mot lyonn. Guignol, littéralement « celui qui guigne, qui cligne de l'œil » nom d'un personnage du théâtre de marionnettes dep. la fin du xviiies., dér. de guigner*, ce personnage ayant l'habitude de jeter des regards furtifs de tous côtés. Cf. FEW t. 17, p. 591a et 594a, note 19. Fréq. abs. littér. : 132. Bbg. Hotier (H.). Le Vocab. du cirque et du music-hall en France. 1973, pp. 111-112; p. 144. - Letessier (F.). Cassis, guignol, ... Fr. mod. 1958, t. 26, pp. 131-134. - Quem. DDL t. 13 (s.v. guignolesque). |