| GUIGNER, verbe trans. A. − Regarder quelqu'un ou quelque chose du coin de l'œil, subrepticement. Il me guignait de l'œil. Il épiait sur mon visage la moindre trace de distraction (Bourget, Disciple,1889, p. 122). − P. anal. Regarder de travers, lorgner, loucher vers. Il fut plus grand liseur que moi. Car il était bigle et, guignant de l'œil, il lisait deux pages à la fois (A. France, Rôtisserie,1893, p. 351). B. − P. ext. 1. Regarder quelqu'un ou quelque chose avec convoitise. Les philosophes repèrent les morceaux de choix et les guignent avec des œils élargis et des pupilles flamboyantes (Queneau, Pierrot,1942, p. 13) : Et c'est du propre d'aller manger le bon Dieu en guignant les hommes. Ose donc dire le contraire, petite salope!...
Zola, Assommoir,1877, p. 679. 2. Convoiter, avoir des visées sur quelqu'un ou sur quelque chose. Un certain Langlois qui (...) guignait la propriété (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 122).Pour ce qui est du Barthaut, peut-être le guigna-t-elle pour époux (Pourrat, Gaspard,1922, p. 167). Rem. Le verbe guigner peut signifier dans certains dial. : « s'agiter faiblement ». Ainsi s'explique l'orig. du subst. masc. guigne-queue. Bergeronnette agitant la queue d'un mouvement caractéristique. Synon. hoche-queue, lavandière. C'est pour cela qu'on lui a mis le nom du « guigne-queue » : ce petit oiseau que les buissons se jettent comme une balle, sans arrêt pendant trois saisons de l'an (Giono, Regain, 1930, p. 26). Prononc. et Orth. : [giɳe], (il) guigne [giɳ]. Att. ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. xiiies. [ms.] guingner trans. « faire signe de l'œil (à quelqu'un) » (Chr. de Troyes, Chevalier charrette, 269 ds T.-L.); 2. a) 1536 guigner « lorgner, regarder sans faire semblant, du coin de l'œil » (R. de Collerye,
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 61); b) 1542 [éd.] guaigner intrans. « regarder à la dérobée » (Rabelais, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, p. 109, note 193); 3. 1640 trans. « guetter avec convoitise » (Oudin Curiositez). On suppose un gallo-roman *gwinyare, issu, par dissimilation consonantique, de *gwingyare qui remonte à l'a. b. frq. *wingjan « faire signe » (sens conservé en a. fr.; ca 1225-30 ds T.-L.), var. de *winkjan, cf. a. h. all. winchjan de même sens, all. winken « id. ». Le passage de *winkjan à *wingjan peut s'expliquer par l'alternance consonantique des racines *wink- et *wing- ou *wenk- et *weng- (cf. Z. rom. Philol. t. 36, p. 490) que l'on trouve en all. dans des formes parallèles comme p. ex. schwenken à côté de schwingen (FEW t. 17, p. 593 a). Fréq. abs. littér. : 71. Bbg. Brüch (J.). Frz. guigner und seine Sippe. Z. rom. Philol. 1912, t. 36, pp. 490-491. |