| GRÊLER, verbe A. − 1. Emploi impers. Il grêle. Il tombe de la grêle. Il grêle souvent dans ce pays-là (Ac.). Le tonnerre ne foudroie que les monts, et procure à la vallée des pluies abondantes. Mais n'aura-t-il pas grêlé ailleurs? (E. de Guérin, Lettres,1846, p. 492). − P. anal. [Le sujet désigne une grande quantité d'objets ou de coups que l'on compare à de la grêle] Tomber dru, s'abattre, se succéder rapidement. « Hé bien, attrape, mon cher; empoche, pif! paf! pouf! une, deux trois, quatre. » Il en pleuvait, des taloches, il en grêlait, des horions (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 336).Encore cet inexplicable semis de cailloux noirs, rien qu'à la surface, comme s'il avait grêlé ici des petites pierres d'onyx (Loti, Désert,1895, p. 209). 2. Emploi intrans. Tomber comme de la grêle. D'un tas [de silex] à l'autre, un terrible combat s'engagea. Les silex grêlaient (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1444). − P. métaph. Maux d'estomac, maux de tête, points de côté et rhumes abrutissants ont grêlé sur moi comme une giboulée d'avril (Bernanos, Lettres inéd.,1906, p. 1735).Et moi, comme François, que n'entends-je pas! Les invitations grêlent (Morand, Champion du monde,1930, p. 45). − Expr. fig., vieilli. Grêler sur le persil. Exercer son influence, son autorité, sa critique sur des gens faibles ou des choses insignifiantes : 1. S'il ne me trouvait pas un sujet assez important même pour être dénigré, rassurez cet homme scrupuleux en lui représentant que le diable, qu'il ne vaut pas, a daigné quelque fois grêler sur le persil.
Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 290. B. − Emploi trans. 1. Endommager par la grêle. Ce canton a été grêlé (Littré). Je crains que cet orage ne grêle nos vignes (Ac.) : 2. ... le père de Daniel s'était suicidé pour ne pas survivre à sa femme disaient les bonnes âmes. Mais d'autres rappelaient que sa vigne avait été grêlée cette année-là...
Mauriac, Fleuve de feu,1923, p. 17. − P. méton. Ce propriétaire a été grêlé (Ac.1835-1932).Je pense que vous aurez peut-être été grêlés : l'orage dont nous avons trouvé les traces à Tarbes s'est étendu jusqu'à Cordes (E. de Guérin, Lettres,1846, p. 485). ♦ Au fig., fam. et vieilli. Être grêlé. Faire de grosses pertes financières ou avoir de grandes infortunes. Cet homme a été grêlé (Ac.) : 3. J'acquitterai ainsi la dette de la reconnaissance envers Monsieur et Madame Ragon, en établissant leur neveu, qui pourra faire fortune. Ces pauvres Ragonnins m'ont l'air d'avoir été bien grêlés depuis quelque temps.
Balzac, C. Birotteau,1837, p. 18. 2. P. anal. a) [Le suj. désigne une grande quantité d'obj. que l'on compare à de la grêle] Frapper de façon répétée. Par place, les gouttes qui tombaient grêlaient le sol (Pourrat, Gaspard,1930, p. 65). b) Fam. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. et, en partic. son visage] Marquer de multiples cicatrices. Grêler le visage (Caput 1969). Prononc. : [gʀ
εle] ou [gʀe-], (il) grêle [gʀ
εl]. Étymol. et Hist. 1. a) 1176-81 verbe impers. gresler « faire de la grêle » (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 776); b) 1552 verbe trans. gresler « frapper de la grêle (un champ, etc.) » (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, chap. 45, 69); c) 1680 grêlé part. passé « qui a subi de grandes pertes, dont les terres ont été ravagées par la grêle » (Rich.); d) 1732 « mal vêtu, misérable » (Destouches, Le Glorieux, IV, 8 ds Littré); 2. a) ca 1180 greslé part. passé « marqué de petites taches » (G. de Berneville, Gilles, éd. G. Paris et A. Bos, 731); b) 1611 « marqué de petite vérole » (Cotgr.). De l'a. b. frq. *grisilôn « grêler » (v. grésiller). Fréq. abs. littér. : 26. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 132. - Gougenheim (G.). Fr. mod. 1945, t. 13, pp. 197-200. |