| GRÊLE1, adj. A. − [En parlant d'une chose] Dont l'épaisseur, le diamètre ou la largeur est très mince par rapport à la longueur. Strasbourg à cinq heures, et nous atteignons la belle et forte flèche que nous voyions de si loin; forte et pleine, point grêle ni maigre (Michelet, Journal,1842, p. 417). − P. ext. Fin. La Loire. − Fleuve doux, large, étendu, mais les peupliers donnent quelque chose de grêle au paysage (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 188) : 1. Sur une colline conique qui domine le Nil et le désert, un petit sanctuaire d'Hator élève ses ruines élégantes. Dans ces contrées pleines de constructions cyclopéennes, on est surpris de trouver un temple grêle et délicat.
Du Camp, Nil,1854, p. 164. − ANAT. Intestin grêle. Partie la plus étroite des intestins, comprise entre le pylore et le caecum. Cf. Amiel, Journal, 1866, p. 106. B. − [En parlant d'une pers.] Dont la minceur est excessive. Cou, membres grêle(s); ossature, taille grêle. [Dans les tableaux flamands] Des pieds trop longs, des mains ascétiques et grêles viennent dépareiller un corps bien venu (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 35).Lutteur fantaisiste, n'exhibant au seuil de la baraque qu'un torse grêle, mais décoré d'admirables tatouages en trois encres (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1309) : 2. ... cette race qui ne s'est jamais mélangée, est grêle et rachitique, comme la noblesse espagnole, qui de même ne se marie qu'entre elle.
Nerval, Lorely,1852, p. 54. C. − [En parlant d'un son, d'une voix] Qui est aigu ou d'une faible intensité. Timbre grêle d'un instrument de musique, d'une sonnette. Et, tout à coup, au-dessus d'eux, le nasillement grêle et harcelant d'un timbre électrique annonça l'express (Martin du g., Thib., Belle sais., 1923, p. 1036).Sa meilleure voix diplomatique, dont le son grêle et fêlé surprend toujours, ainsi qu'un pernicieux présage (Bernanos, Imposture,1927, p. 389) : 3. Au fond de la grange, on dansait toujours, Clou enflait les accompagnements de son trombone, dont le tonnerre étouffait le chant grêle du petit violon.
Zola, Terre,1887, p. 236. REM. 1. Grêlement, adv.D'une manière grêle (supra C). Piano Grêlement tapoté par des doigts sans anneau, Des doigts de vierges dont les cœurs sont sans reproches (Rodenbach, Règne silence,1891, p. 198). 2. Grêler, verbe intrans.Émettre un son grêle (supra C). Il arrêtait pas d'en jaillir... d'entrer et sortir... pour la sonnette c'était la crise... elle grêlait continuellement (Céline, Mort à crédit,1936, p. 452). Prononc. et Orth. : [gʀ
εl]. Mart. Comment prononce 1913, p. 62 fait une différence entre le subst. la grêle qu'il transcrit avec une durée (l'accent circonflexe étant le signe de la disparition d'un anc. s) et l'adj. grêle sans durée (où pourtant il y a aussi eu disparition d'un anc. s). Cf. graisle (étymol. et hist.). Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) Ca 1100 graisle « mince » (Roland, éd. J. Bédier, 3158); b) 1370-72 voix grelle « aiguë et faible » (N. Oresme, Ethiques, 125 ds Littré); c) 1690 intestin grêle anat. (Fur.). Du lat. gracilis « mince » d'où aussi fr. mod. gracile* de formation sav. Il semblerait que grêle ait été très tôt employé pour déterminer un son, cf. l'a. fr. graisle, graille (subst. masc.) « clairon » (ca 1100, Roland, éd. cit., 1832, 700, etc.), soner en grelle « sonner un cor dans le ton aigu » (ca 1150 Charroi Nîmes, éd. D. MacMillan, 1394); c ainsi nommé p. oppos. au gros intestin. Fréq. abs. littér. : 971. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 018, b) 1 190; xxes. : a) 1 526, b) 850. Bbg. Grundt (L.O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tremsø, 1972, p. 228. |