| GRUGER, verbe trans. A. − Vieux 1. Réduire en grain, en poudre. Synon. égruger. (Ds DG, Rob., Lar. Lang. fr., Lexis 1975). 2. En partic. Croquer. Gruger des croûtes, des macarons, du sucre (Ac.). Il se nettoya les dents en grugeant le cou de la volaille (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 64). − P. ext. Manger, dévorer à belles dents. Le propriétaire, selon eux [les économistes], est comme Perrin-Dandin, qui, appelé par deux voyageurs en dispute pour une huître, l'ouvre, la gruge (Proudhon, Propriété,1840, p. 252).C'est à qui grugera le mieux jambon et daube (Pommier, Colères,1844, p. 36).Je ne puis gruger la nourriture que je n'ai pas gagnée par mon travail (Arnoux, Abisag,1919, p. 224). B. − Au fig. 1. Vx. Gruger son fait. Procéder à des dépenses auxquelles ses moyens ne permettent pas de faire face. Il aura bientôt grugé son petit fait (Ac. 1798 et 1878). 2. Fam. Dépouiller quelqu'un de son bien en l'exploitant habilement. Synon. duper (fam.), escroquer, filouter (fam.), flouer (fam.), rouler (fam.), spolier.Elle se laissait impudemment gruger par les fournisseurs d'objets de luxe, acceptait, sans sourciller, les livres du vieux maître d'hôtel (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 343).Ces pauvres gens sont exploitables à merci et (...) incapables de la moindre défense contre le commerçant qui les gruge (Gide, Retour Tchad,1928, p. 969) : ... tout le monde le gruge, tout le monde le vole, sans qu'il s'en soucie. mariana. − Vous savez bien qu'il éprouve du plaisir à être dépouillé.
Montherl., Maître Sant.,1947, I, 1, p. 601. C. − P. anal. 1. SCULPT. Briser avec un marteau à pointes de diamant les parties trop dures pour pouvoir être entamées par un outil tranchant. On gruge les saillies du granit (Ac. 1932). 2. MIROITERIE. Rogner le bord des verres à l'aide d'une pince appropriée. (Ds DG, Lar. Lang. fr.). REM. 1. Grugeage, subst. masc.a) Rare. [Correspond à gruger B 2] Action de gruger quelqu'un; résultat de cette action. Synon. duperie, tromperie.Une grande et principale crainte est le grugeage. N'est-il pas à craindre qu'il prenne des proportions colossales et dangereuses (Mérimée, Lettres Viollet-le-Duc,1870, p. 67).b) Miroiterie. Opération consistant à rogner le bord d'une plaque de verre. La pose des glaces nues (...) comprend le grugeage par l'ajustement en feuillure, le masticage et le contre-masticage (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 6, 1930, p. 128). 2. Grugeoir, subst. masc.a) [Correspond à gruger A 1] Ustensile ménager servant à réduire en poudre le gros sel. Synon. égrugeoir. (Ds Lar. Lang. fr., Lexis 1975).b) Bât.
α) Petite pince servant à rogner le bord des verres. (Lar. Lang. fr., Lexis 1975).
β) Outil de découpage. Il [le serrurier] a (...) ses meules, sa scie, (...) ses grosses perceuses, (...) ses cisailles, (...) ses poinçonneuses, ses grugeoirs (Fillon, Serrurier,1942, p. 38). 3. Grugeur, -euse, adj. et subst.a) Emploi adj. [Correspond à gruger A 2] Qui croque, dévore avidement. Des chenilles, des charançons et autres mauvaises bestioles rongeuses de feuilles ou grugeuses de grain (Sue, Myst. Paris, t. 3, 1842, p. 114).b) Emploi adj. et subst. [Correspond à gruger B] (Personne) qui exploite quelqu'un. J'aime mieux ça que d'être reçu par l'oncle comme un ami grugeur et parasite (Karr, Romans,1832-90, p. 13). Prononc. et Orth. : [gʀyʒe], (il) gruge [gʀy:ʒ]. Att. ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1484 grugier « réduire en grains, broyer » (Arch. de la Vienne ds Gdf.); 2. 1640 «manger » (Oudin Curiositez); 3. 1668 « duper quelqu'un en affaires; le dépouiller de son bien » (La Fontaine, Fables, I, 21). Empr. au néerl.gruizen « broyer », de la même famille germanique que gruau 1* (De Vries Nederl., s.v. gort, gruis). Fréq. abs. littér. : 72. Bbg. Quem. DDL t. 2 (s.v. grugeage). |