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GROGNER, verbe
A. − Emploi intrans.
1. [Le suj. désigne le porc, le sanglier, l'ours] Pousser son cri. La vieille entend les cochons accourir en grognant : hon! hon! pour le manger (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 165).
[P. ext. Le suj. désigne un autre animal] Émettre une sorte de grondement. Le petit hérisson des haies qui souffle et grogne, parmi les feuilles mortes (Ramuz, A. Pache,1911, p. 174).Anne-Marie avait remarqué que les chiens aboyaient ou grognaient sans qu'on sût pourquoi (Pourrat, Gaspard,1922, p. 205).
P. anal.
[Le suj. désigne une pers.] Émettre un bruit sourd, des sons inarticulés. Son mari grognait de douleur dans son sommeil (Zola, Germinal,1885, p. 1358).Elle bâillait énormément, à se décrocher la mâchoire... Ouah! Ouah! qu'elle grognait à travers la nuit (Céline, Mort à crédit,1936, p. 259) :
1. M. Élie, de sa chambre, avait tout entendu, et grognait de joie − hrrr... hrrr... − comme un fourmillier dans sa cage, quand on lui apporte sa pâtée. Montherl., Célibataires,1934, p. 828.
[Le suj. désigne une chose] Faire entendre un bruit sourd. La mer sombre qui grogne et crache sa salive blanche le long du rivage (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Bapt., 1885, p. 574).Le vent qui grogne ainsi qu'un chien oublié dehors (Renard, Poil Carotte,1894, p. 111).Cet orgue qui grogne comme dix pourceaux (Giono, Regain,1930, p. 197).
2. P. ext. [Le suj. désigne une pers.] Manifester un sentiment, notamment son mécontentement, par des sons ou des paroles plus ou moins articulées. Synon. bougonner, maugréer, pester, ronchonner.L'étude du droit m'aigrit le caractère au plus haut point : je bougonne toujours, je rognonne, je maugrée, je grogne même contre moi-même et tout seul (Flaub., Corresp.,1842, p. 112).Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde, Mais qui marchaient toujours et n'ont jamais plié (Péguy, Tapisserie N.-D.,1913, p. 700) :
2. Napoléon a fait, avec un astucieux génie, de ce mot [grognard] le synonyme de soldat ou de brave. Et la postérité n'a que peu ou point su que le grognard grognait réellement, et que grogner cela consistait à n'être pas content... Thibaudet, Hist. litt. fr.,1936, p. 91.
B. − Emploi trans., rare. [Le suj. désigne une pers.]
1. Qqn grogne qqc.Murmurer entre ses dents; prononcer quelque chose avec mécontentement. Grogner une réponse, des reproches :
3. Il grognait des menaces terribles... « Regarde! Elle s'empoisonnera jamais cette infecte charogne!... Elle bouffera pas des champignons!... Elle bouffera pas son râtelier! Va! elle se méfie du verre pilé!... ô pourriture!... » Céline, Mort à crédit,1936, p. 85.
[En incise] J'ai soif, oh! j'ai soif! grognait-il continuellement (Zola, Assommoir,1877, p. 787).
2. Qqn grogne qqn.Exprimer son mécontentement à. Il commence bien l'année comme un mari, car il me gronde et il me grogne (Balzac, Lettre Étr., t. 3, 1850, p. 5).Je vous ai un peu grogné, je l'avoue, dans ma dernière lettre, à propos de ce que vous me disiez de mes travaux (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1858, p. 295).
Emploi pronom.
réfl. Elle [la petite vieille] grogne les autres, et, quand elle est seule, elle se grogne (Sand, Corresp., t. 1, 1830, p. 37).
réciproque. Je leur ai dit [à vos amis] que jamais il ne pouvait y avoir entre vous et moi de dissentiment durable; que nous nous étions grognés un peu et que c'était fini (Chateaubr., Congrès Vérone, t. 2, 1838, pp. 160-161).
REM. 1.
Grognassement, subst. masc.,fam., rare. Action de grognasser; résultat de cette action. Du public qui applaudit mollement, le Roi de demain, tandis que beaucoup (...) avalent leur rancune, leurs grognassements (Arnoux, Roi,1956, p. 368).
2.
Grognasser, verbe intrans.,fam., rare. Se plaindre en grognant, grogner sans cesse à propos de tout. Tu grognasses, malappris, tu objectes. Je te clouerai le bec, et péremptoirement (Arnoux, Calendr. Fl.,1946, p. 154).
3.
Grognoter, verbe intrans.Grogner très doucement, faire un bruit très léger. Les pentes indéfinissables sont révélées et les bétoires grognotent (La Varende, Normandie en fl.,1950, p. 238).
4.
Grunnir, verbe intrans.,vx ou région. [Correspond à A 1] Je vous préviens, le vieux grunnit tel qu'un pourceau, mais il ne répondra, lui aussi, que par des signes à nos questions (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 156).
Prononc. et Orth. : [gʀ ɔ ɳe], (il) grogne [gʀ ɔ ɳ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [1174-76 gronir « murmurer en signe de mécontentement » (G. de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5613)] fin xiies. grognier « grogner » (en parlant d'un homme) (Moniage Guillaume, 2312 ds T.-L.); ca 1223 (en parlant d'un animal) (G. de Coinci, Mir. Notre-Dame, éd. V. F. Koenig, II Mir 24, 561). Altération d'apr. groin* de l'a. fr. gronir, lat. grunnire « grogner (en parlant du cochon) », var. de grundire (v. gronder). Fréq. abs. littér. : 757. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 237, b) 776; xxes. : a) 1 857, b) 1 480.
DÉR.
Grogne, subst. fém.,fam., vieilli. a) Mécontentement, mauvaise humeur exprimée généralement en grognant. Synon. bougonnement, grognerie, pleurnicherie.Avoir la grogne. À ces bougonneries [de son frère] Amable répondait : − Tais-toi donc, frère la grogne! (Richepin, Cadet,1890, p. 90).b) [Souvent avec majuscule] Ensemble des grognards de Napoléon. [Le vieux dragon de la Garde, pleurant :] Si les camarades de la Grogne pouvaient me voir! (D'Esparbès, Grogne,1905, p. 19).[gʀ ɔ ɳ]. 1reattest. 1364 grongue (G. de Machaut, Voir dit, éd. P. Paris, 6017); déverbal de grogner.